Corruption

Le silence courtois de la CNLCEI face à l’enrichissement des présidents Bongo ?

Le silence courtois de la CNLCEI face à l’enrichissement des présidents Bongo ?
Le silence courtois de la CNLCEI face à l’enrichissement des présidents Bongo ? © 2015 D.R./Info241

Le journal français Mediapart révélait depuis le 6 mars, un vaste réseau de corruption au sommet de l’Etat Gabonais, orchestré par le génie du patriarche Omar Bongo pour ses vieux jours : Delta Synergie. Une puissante holding familiale qui s’est adjugée une présence discrète dans plus de 35 grandes entreprises majeurs exerçant au Gabon et dans de multinationales du CAC40 français.

Moov Africa

Pourtant au Gabon, une commission « indépendante » dénommée Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI) a pour seule mission de combattre la corruption et l’enrichissement illicite. On serait donc curieux de connaitre son positionnement face à ces faits qui pourtant lui pré-existent et contre lesquels sa constitution en est l’unique sacerdoce.

Une commission dite « indépendante »

La CNLCEI est née de l’article 19 de la loi n°003/2003 du 07 mai 2003 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite du temps d’Omar Bongo. Depuis donc 2003, elle existe dans notre pays avec des prérogatives d’officier de police judiciaire. Ses trois missions sont l’investigation, la prévention et consultative : elle est donc spécialisée en matière de prévention et constatation des faits d’enrichissement illicite.

De plus, ce gendarme anti-corruption est statutairement, une Autorité administrative indépendante (AAI), c’est-à-dire : un organisme administratif qui agit au nom de l’Etat sans pour autant relever de l’autorité d’un membre du Gouvernement. Elle jouit ainsi d’une autonomie financière pour mener ses investigations et combattre la corruption.


La CNLCEI occupe par ailleurs la seconde vice-présidence de l’Association des autorités Africaines de la lutte contre la corruption (AAACA). Depuis 2013, le Gabon dispose d’une Stratégie de Lutte Contre la Corruption et le Blanchiment des Capitaux (SLCCBC) qui sert de boussole pour canaliser les actions dans le cadre du combat à mener contre ces fléaux.

Une commission silencieuse face aux exactions financières de la galaxie Bongo ?

Dans cette affaire de fortune et d’enrichissement frauduleux, il serait difficile que la CNLCEI se soit retournée contre celui qui nomme pour un mandat de 5 ans non renouvelable : le président de la république ! En effet, la CNLCEI comprend dix membres nommés par décret du Président de la République ! Ceci pouvant expliquer le silence courtois de cette commission, pourtant indépendante, à l’affairisme d’Etat d’Omar Bongo et depuis 2009 de l’actuel occupant du palais du Bord de mer.

Ce qui est d’autant plus étonnant est que les membres qui la compose sont, au premier collège, 4 magistrats hors hiérarchie - magistrats des groupes 6 et 7 - et second, 6 personnalités ayant exercé des hautes fonctions et responsabilités dans le secteur public ou privé et connues pour leur probité et leur intégrité morale. Des véritables épris de justice et d’équité dont la probité professionnelle ne fait aucun doute !

Pourtant Delta Synergie a pu s’accaparer, sous leurs yeux, de plusieurs pans de l’économie gabonaise et l’un de ses principaux actionnaires Ali Bongo, pourtant en exercice, continue de faire fit de l’article 14 de la constitution gabonaise qui dispose : « les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction publique et activité privée à caractère lucratif ». C’est pourtant à ce sport lucratif que s’est adonné Ali Bongo et son prédécesseur avant lui.

Ali Bongo parrain d’une journée nationale contre la corruption en 2013

Au regard de ces dispositions légales, l’on serait en droit d’attendre de la CNLCEI qu’elle prenne ses responsabilités pour rétablir la vérité et prouver que les lois de la République sont et s’appliquent à tous. Surtout que le serment de ses agents anti-corruption devant la Cour de Cassation est à juste titre univoque : « Je jure de servir l’Etat avec fidélité, de remplir avec probité les fonctions qui me confiées, d’observer le respect de la confidentialité des déclarations de biens et de me conformer aux lois et règlements en vigueur notamment ceux en rapport avec la lutte l’enrichissement contre illicite ».

Sous d’autres cieux, la simple invocation d’une telle affaire aurait conduit à des réactions de rappel de probité morale et éthique des hommes politiques. Mieux, les procureurs de République, censés défendre et servir la justice, se seraient auto-saisis pour mettre à nu ces crimes financiers commis devant la Nation par la plus haute autorité censée l’incarner. Sinon comment expliquer le manque de courage d’enquête de la CNLCEI devant l’implaccable existence de la plus rentable entreprise de l’Histoire du Gabon ?

Le regard d’épris de justice attendent inlassablement une suite logique de la CNLCEI qui devrait être en première ligne dans de telles sombres affaires. La loi du silence est-elle l’unique rempart de cette commission ? La lutte contre l’enrichissement illicite a-elle encore un sens dans notre pays ? Ou est-elle uniquement orienté vers des justiciables moins puissants donc plus faciles d’atteinte ?

@info241.com
Moov Africa

Newsletter de Info241.com

Inscrivez-vous maintenant pour recevoir notre newsletter quotidienne


Info241.com s'engage à ne pas vous envoyer de messages non sollicités. Si vous changez d'avis, vous pourrez vous désabonner de cette newsletter à tout moment.

Commenter l'article