Crise post-électorale

Chyc Polhit : « Il est important que les artistes gabonais transcendent leur art pour s’associer aux victimes »

Chyc Polhit :  « Il est important que les artistes gabonais transcendent leur art pour s’associer aux victimes »
Le conteur africain sur la mythique scène du Zénith de Strasbourg © 2017 D.R./Info241

Le conteur gabonais, Chyc Polhit Mamfoumbi , auteur du conte-livre ’’Le Lapin zinzin’’ qui a eu un retentissement médiatique en France, notamment en Lorraine et en Alsace. Il s’est exprimé au micro d’Info241 ce vendredi, suite au du concert, ’’ Une aurore se lève’’, qu’il prendra part, sous les auspices du Label Bibaka, demain le 21 janvier, au Café de la danse, sis au 2/5 Passage Louis Philippe, 75011. Il s’exprime sans langue de bois sur la crise post-électorale en dénonçant avec vigueur ce qu’il nomme comme le ’’second coup d’état militaro-électoral’’ fomenté par Ali Bongo afin d’empêcher l’expression citoyenne d’une alternance démocratique.

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Pour le conteur africain Chyc Polhit qui indique « conter pour changer le monde », car pour lui,  » le silence du monde est une aubaine pour toute dictature. Dénoncer une dictature de quelque façon que ce soit c’est déjà l’affaiblir et ainsi contribuer à libérer un peuple. Nous espérons que 500 personnes éprises de liberté se joindront à nous de donner un éclat particulier à ce concert. »

Lire aussi >>>Concert : une aurore se lèvera le 21 janvier au Café de la danse à Paris

Le conteur Chyc Polhit prestant sur la scène de la prestigieuse salle du Zénith de Strasbourg

Info241.com  : Crise post-électorale /démocratie. Sous les auspices du label Bibaka, vous prendrez part au concert ‘’une aurore se lève’’ pour dénoncer ce que vous qualifiez de déni de la démocratie. quel sens revêt pour vous cet engagement artistique ?

En cartésien averti, je sais pourtant, que le tyran Ali Bongo peut s’imposer à nous pendant longtemps encore grâce à la passivité et à la complicité d’une armée corrompue".

Chyc Polhit. La culture est l’antidote naturel qui soigne de la dictature. L’invétéré conteur que je suis a bien conscience qu’il manipule au travers l’art, un puissant outil séditieux contre les régimes totalitaires. En effet, à contrario de la littérature, « l’oralitture » est le véhicule de conscientisation de choix pour nous les bantous. Par le conte ou le chant il est aisé d’accéder au siège de l’affecte. C’est de là, par la magie de l’esthétisation, que l’on parvient à chuchoter à l’esprit qui réveillera enfin notre conscience endormie. En cartésien averti, je sais pourtant, que le tyran Ali Bongo peut s’imposer à nous pendant longtemps encore grâce à la passivité et à la complicité d’une armée corrompue.

L’affiche officielle du concert. Une conception graphique de Maya Mihindou.

Je continuerai pourtant à pratiquer mon art convaincu de pouvoir changer le Gabon par la force de mes mots. Oui je conte pour changer le monde ! Et si je n’y parviens… Je continuerai à conter pour que le monde lui, ne me change pas. Je fonde une espérance inextinguible que ce concert soit l’occasion pour moi et pour les autres artistes, d’interpeler nos contemporains caucasiens contemplateurs passifs des dictatures du sud. J’ose croire que fort de nos mots jetés en chansons, « l’aurore se lève » enfin sur la nuit de nos désillusions. Dit de façon plus prosaïque, je veux interpeller mes semblables, Français ; Gabonais ou simplement citoyens de Paris la belle endormie.

Je veux qu’ils saisissent enfin de quoi le Gabon est le symptôme : « Un essor vers la félicité » d’une Afrique qui se lève contre la tyrannie. Je souhaite déclamer haut et fort cette « aurore qui se lève » là-bas dans un creux du monde plongé dans l’épaisseur de la forêt de la bêtise d’un clan. Un peuple insignifiant par le nombre mais Ô combien grand par la volonté de déconstruire une dictature vieille de 50 ans.

Je continuerai pourtant à pratiquer mon art convaincu de pouvoir changer le Gabon par la force de mes mots. Oui je conte pour changer le monde ! Et si je n’y parviens… Je continuerai à conter pour que le monde lui, ne me change pas.".

Je veux que ce soit une célébration joyeuse, festive, heureuse, une proclamation prémonitoire de l’épaisseur de cette nuit qui bientôt va finir avec le départ d’Ali Bongo Ondimba. Tout simplement je veux faire nôtres, les paroles de la Concorde, notre hymne nationale : « Oui, que le temps heureux rêvé par nos ancêtres arrive enfin chez nous, réjouisse les êtres et chasse les sorciers, ces perfides trompeurs qui sèment le poison et répandent la peur ».

Info241. Le rôle des artistes gabonais. Les artistes gabonais se sont largement indignés des crimes suite à la crise post-électorale du 31 aout 2016. Selon vous quel est le rôle que les artistes peuvent jouer en cette période de crise ?

Il est important que les artistes gabonais et du monde entier transcendent leur art pour s’associer aux victimes. Il ne peut y avoir de position médiane ni de neutralité fuyante".

Chyc Polhit. Ce n’est pas tout à fait vrai. Il n’y a pas si longtemps encore, ils étaient nombreux ces pseudo-artistes, à crachoter comme des muezzins constipés, des louanges à la gloire du squatteur du Palais Rénovation. Quand je pense que pour nous ils étaient des modèles, car les précurseurs les plus potentiels du multipartisme au Gabon durant les années 90. Aujourd’hui, ils ont déserté les réseaux sociaux et se terrent désormais comme des chiens galleux dans les bureaux lugubres de la Présidence. L’œil torve, le nez baveux, ils se morfondent à remplir les vides de leurs fonctions gadgets de « conseillers très-très spéciaux »…

Je ne m’arrêterai pas sur la dernière vague d’aboyeurs gesticulateurs tant le néant absolue qualifie l’insignifiant de leur production à base de « Ndem », de « Tcham » et autres indigestes sonorités. Non point que je considère que l’art devrait toujours être grave et sérieux, mais en cette période de crise profonde où tant de jeunes gabonais ont été sauvagement assassinés, il est important que les artistes transcendent leur art pour s’associer aux victimes. Il ne peut y avoir de position médiane ni de neutralité fuyante.

Les artistes se doivent de dénoncer -même si ce n’est qu’à dose homéopathique- les monstruosités d’un système qui annihile jusqu’aux structures les plus essentielles de l’expression culturelle. Heureusement qu’il y a des artistes résistant là-bas au Gabon et ici en France. Contrairement aux miséreux flatteurs du pouvoir qui jactent de piteuses flagorneries intéressées au sadique tyran, eux, bravent le pouvoir assassin par leur art. Je suis autant fier d’eux que j’ai honte des autres quémandeurs "kounabélistes".

Les artistes se doivent de dénoncer -même si ce n’est qu’à dose homéopathique- les monstruosités d’un système qui annihile jusqu’aux structures les plus essentielles de l’expression culturelle. Heureusement qu’il y a des artistes résistant là-bas au Gabon et ici en France".

Info241. Le symbole de ce concert. Pour vous artistes gabonais, après la vague de contestation et de dénonciation de ce que vous qualifiez comme un hold-up électoral perpétue par Ali Bongo Ondimba, que faut-il faire pour continuer la résistance ?

Chyc Polhit. Il y aurait tant de choses à faire, mais je ne me limiterai ici qu’à l’aspect culturel de la résistance. Il nous faut désigner clairement les chantres de cette dictature assassine pour qu’ils ne nuisent plus à notre combat. Hitler était un peintre raté, Ali Bongo est un musicien inabouti. Tous deux ont puisé dans leurs frustrations de « loosers » le carburant nécessaire pour alimenter leur cruauté. L’art et les artistes peuvent donc être les promoteurs d’une idéologie mortifère.

Vous trouverez une partie des suppôts de ce sanguinaire Ali sur la page Facebook de "Life by mayena" et celle d’Eben Production. Quelques-uns ont fait amende honorable, mais la plupart sont depuis devenus silencieux sur leur page Facebook, alors qu’ils publiaient jusqu’à pas très longtemps leurs frasques indécentes sur le net avec la suffisance des nouveaux riches. Nous devons les bannir pour qu’ils n’instillent plus dans notre jeunesse le venin aliénant d’un système pervers.

Il nous faut désigner clairement les chantres de cette dictature assassine pour qu’ils ne nuisent plus à notre combat. Hitler était un peintre raté, Ali Bongo est un musicien inabouti".

C’est pour moi l’occasion ici d’adresser ma considération la plus profonde aux artistes bien plus dignes, qui ne se sont pas fourvoyés dans les sentiers boueux de l’émergence.Je pense à Pierrre Claver Akendengue, Alexis Abessolo, Naneth, François Ngwa , Dibakou, Panik de Waza, Ofday, Meyaaf-staff Meyaaf , keurtis , Arnaud Eyagha Edzo , Pinze Bung, Professeur T le Toaster , Amos papa méchant et bien d’autres. La liste n’est pas exhaustive.

Info241. Interrogation sur le choix du lieu du concert. Plusieurs citoyens s’interrogent sur l’efficacité des actions posées par la diaspora gabonaise. pourquoi faire ce concert a paris plutôt qu’a Libreville ?

A l’extérieur, les activistes bénéficient d’une liberté qu’il n y a pas au Gabon. Et puis, ils bénéficient d’une visibilité qui permet d’honnir ce régime inique. Bien entendu, l’un n’empêche pas l’autre".

Imaginez un seul instant que Koba, l’auteur de la célébrissime chanson Odjuku décide de rentrer au pays. Il lui faudrait moins de temps qu’il ne faut à une téméraire gazelle pour péter au museau d’un lion puis se sauver qu’à Koba pour se retrouver pieds et mains liés – Si ce n’est déjà coupés- à « Sans Famille ». A l’extérieur, les activistes bénéficient d’une liberté qu’il n y a pas au Gabon. Et puis, ils bénéficient d’une visibilité qui permet d’honnir ce régime inique. Bien entendu, l’un n’empêche pas l’autre.

Info241. Message au peuple gabonais. Quel message envoyer aujourd’hui au peuple dans l’ensemble et aux artistes gabonais ?

Je pousse ce cri dans le théâtre du Café de la Danse avec toute la force de mon cœur pour changer les cœurs de mes semblables ici en France, passifs témoins de la misère des autres".

Chyc Polhit. Il nous faut entretenir au dedans des tripes une sainte colère. Comme le Christ nous devons renverser les étals de ces marchands du temple qui commercent sans vergogne sur le parvis de la Culture. Je suis de chair et d’émoi et il me monte des grumeaux de sang au front qui s’épanche sur ma bouche d’où s’échappe ce cri : « Une aurore se lève ».

Je pousse ce cri dans le théâtre du Café de la Danse avec toute la force de mon cœur pour changer les cœurs de mes semblables ici en France, passifs témoins de la misère des autres. Je veux les emmener à cette compassion fondatrice de l’humanité dont ils se targuent si souvent.

Je leur crie encore et encore jusqu’à ce qu’ils fuient les postillons d’une âme écorchée, jusqu’à éviter le miroir de mes yeux ensanglantés. Et s’ils obturaient irréversiblement l’oreille de leur conscience, je continuerai malgré tout à crier dans tous les lieux où la culture s’invite pour que jamais leur passivité morbide ne m’atteigne un jour. Tel est notre rôle d’artistes de la diaspora ici en France..

Propos recueillis par Rostano Mombo

@info241.com
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