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Comment aller vers une croissance inclusive et durable en Afrique ?

 Comment aller vers une croissance inclusive et durable en Afrique ?
Comment aller vers une croissance inclusive et durable en Afrique ? © 2016 D.R./Info241

Cette question taraude plus d’uns sur le continent. Le consultant en diagnostic économique et financier, Amadou Sy, se propose d’y répondre en esquissant quelques pistes. Pour lui, la croissance économique de l’Afrique ne peut aucunement être inclusive en omettant l’impact démographique, le secteur informel et en perdurant dans une agriculture de subsistance. Ce n’est pas la croissance qui importe, mais la mise en œuvre du bon type de croissance. Lecture.

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Depuis plusieurs décennies l’Afrique connaît une croissance économique soutenable d’une région à une autre. Toutefois, ce n’est pas le vocable « croissance » qui importe, mais la mise en œuvre du bon type de croissance. La structure économique de l’Afrique étant essentiellement basée sur l’agriculture de subsistance conjuguée à un secteur informel, le vieux continent est en quête d’un nouvel modèle économique.

Ce modèle pourrait être le Développement Economique Inclusif (DEI). Le DEI n’a de sens que si la croissance économique devient inclusive. Il se doit d’être endogène en tenant compte des spécificités socio-économiques intrinsèques et non traditionnelles : l’agriculture intégrée et autosuffisante, l’économie informelle, la démographie, les valeurs ancestrales et culturelles, la société civile, la jeunesse dans sa globalité, les politiques, etc. Le modèle de la croissance inclusive consiste à réintégrer toutes les variables explicatives non prises en compte par le modèle de la croissance classique.

Il permet de créer des emplois, de réduire les inégalités et d’améliorer les conditions de vie des individus pour un avenir meilleur. Afin d’atteindre ces objectifs, nous allons nous focaliser sur les deux premières variables explicatives à savoir l’agriculture intégrée et autosuffisante et l’économie informelle, qui doivent impérativement subir de profondes transformations structurelles.

Transformer l’agriculture de subsistance en agriculture moderne et autosuffisante

La configuration actuelle de l’agriculture Africaine est basée sur de la subsistance et non de l’autosuffisance. L’agriculture Africaine est fortement tributaire des conditions climatiques. Ce qui signifie qu’une bonne pluviométrie implique une bonne saison agricole et tire favorablement la croissance économique. L’Afrique a éperdument besoin d’une nouvelle orientation agricole. De surcroît, dans un contexte de pression démographique impliquant l’amenuisement progressive des terres cultivables, l’accroissement des besoins alimentaires et l’amoindrissement du panier moyen du consommateur, la transformation de l’agriculture est impérative pour augmenter le revenu par tête.

Passer de l’agriculture de subsistance à l’agriculture moderne et autosuffisante s’inscrit dans le cadre de la croissance inclusive. Il s’agit d’accroître la productivité agricole pour contrecarrer la concurrence internationale et obtenir une bonne rentabilité des produits agricoles, sans appliquer de taxes prosaïque sur les petits exploitants agricoles. Outre certains secteurs dont le coton, l’Afrique n’est plus compétitif sur une grande partie de ses produits agricoles destinés à l’exportation. Si les politiques actuelles approximatives sans réelle vision sont maintenues, l’Afrique risque de perdre la quasi-totalité de sa compétitivité relative aux produits agricoles d’ici l’horizon 2035 fixé par l’Union Africaine dans le cadre de son plan d’émergence.

L’Afrique a déjà raté la révolution verte, qui a été profitable à l’Asie du Sud-Est et à l’Amérique latine pour atteindre quasiment l’autosuffisance alimentaire. Elle ne peut aucunement se permettre de louper une autre révolution technologique mondiale. Avec des gains inférieurs au reste du monde et une survie fortement tributaire aux importations alimentaires, le plus grand risque pour l’Afrique est de snober la biotechnologie. Cette nouvelle orientation est d’autant plus confortée au moment où les terres agricoles pâtissent de mauvaises pratiques affectant les rentes agricoles.

La biotechnologie consiste à développer de nouvelles variétés de production agricole avec l’utilisation des technologies nouvelles comme la génétique. Il s’agit alors de réaliser grâce au génie génétique des produits de première nécessité que nous importons massivement. Il permettra de combler l’insuffisance constatée au niveau de la production locale. Cette technique du génie génétique est encore interdite dans la quasi-totalité des pays d’Afrique pour des raisons quelconques contestées. Seulement quatre pays en Afrique ont expérimenté une agriculture via le génie génétique, il s’agit de l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, l’Egypte et le Soudan. Une étude publiée en 2008 montrait « les résultats obtenus dans ces quatre pays africains suggèrent pourtant une amélioration de la productivité.

L’Afrique du Sud ressort avec un avantage de rendement de 11 pour cent avec une variété de maïs génétiquement modifié. Au Burkina Faso, les technologies du génie génétique auraient permis d’augmenter de 15 pour cent le rendement des cultures de coton hissant le pays à la première place ». Il faut donc lever ces barrières pour que le continent puisse profiter de ces nouvelles technologies. Ainsi, les pays Africains doivent donc prendre conscience de ces enjeux afin de s’inscrire dans l’agriculture verte basée sur la biotechnologie. Elle permettra, d’une part, de développer et de diversifier l’agriculture africaine tout en préservant l’éco-système dans sa globalité et de l’autre part, de pallier à la forte dépendance de l’agriculture de subsistance aux aléas climatiques.

L’Afrique possède déjà une partie de la solution puisqu’elle dispose de toutes les ressources naturelles suffisantes pour y parvenir. Dans ce cas, l’accent doit être mis sur un certain nombre de choses. Il faut dans un premier temps mettre en place une structure Africaine dédiée aux études sur les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), leur utilisation dans l’agriculture, analyser les impacts et risques inhérents dans le cadre de la convention sur la diversité biologique (1993) et du protocole de Cartagena sur la prévention des risques liés à la biotechnologie (septembre 2003) avec une forte implication des pays Africains. Cette structure analysera et proposera un programme de phase d’expérimentation sur l’utilisation de la biotechnologie dans l’agriculture Africaine.

Si les résultats sont probants, les organisations sous-régionales et l’Union Africaine devront s’engager pour mettre en œuvre un cadre juridique et de contrôle de l’utilisation de la biotechnologie. Dans un second temps, chaque Etat devra intensifier ses investissements dans la recherche et développement concernant le domaine de la génétique. Il s’agit de former des chercheurs et universitaires dans le développement de la génétique agricole et les domaines connexes. Enfin, les pays devront réviser leurs contrats avec les partenaires techniques et financiers dans le cadre du financement de l’agriculture pour l’orientation vers la biotechnologie.

Même avec le renforcement et l’utilisation des nouvelles technologies dans l’agriculture Africaine, la mise en œuvre de nombreuses réformes institutionnelles et politiques complémentaires sont inéluctables pour transformer de fond en comble l’agriculture Africaine.

L’enjeu n’est pas de transformer nécessairement l’économie informelle en économie formelle

En Afrique, nous avons la chance d’avoir une économie basée principalement sur trois axes. Le premier axe porte sur l’économie formelle ou la macroéconomie qui représente pour environ 20% de la population, soit deux personnes sur dix. Le deuxième axe porte sur l’économie informelle qui représente pour environ 70% de la population, soit sept personnes sur dix. Enfin, un troisième axe inhérent à l’économie sociale et solidaire qui affiche pour environ 10% de la population, soit une personne sur dix. Malgré ce fait, le secteur informel n’est malheureusement pas pris en compte dans la détermination des modèles économiques. Puisque les économistes ont tendances à corroborer que c’est un secteur incalculable et immensurable alors qu’il représente le moteur de l’économie Africaine.

Par conséquent, la croissance économique estimée par les institutions internationales pourrait être biaisée en omettant le volet informel. Si on tient compte de l’informel, la croissance économique serait probablement sous-estimée ou sur-estimée en fonction des spécificités économiques d’un pays à un autre. L’étourderie qui est faite actuellement avec les institutions de Bretton Woods (FMI et la Banque Mondiale) et certains de nos pays Africains est de se lancer dans un processus parfois agressif de transformation du secteur informel en secteur formel. Ces raisonnements sont très souvent confortés par des motivations fiscales, étant donné que beaucoup de pays africains estiment que le secteur informel représente un manque à gagner à l’économie formelle.

Certes, les recettes fiscales sont insuffisantes avec l’économie formelle, mais il ne faut pas non plus être « naïf ». Il ne s’agit pas nécessairement de transformer le secteur informel en secteur formel dans l’optique de taxer en aval cette population menant des activités génératrices de revenus très souvent de subsistances. Par exemple, une vendeuse de « banane plantain » exerçant dans l’informalité totale, l’appliquer des incitations fiscales avec des abattements fiscaux de 20% ou 30% sur ses revenus relativement piètres, le résultat reste relativement faible. Toutefois, il convient d’acquiescer qu’une frange de cette population exerçant dans l’informalité pouvant brasser parfois des revenus significatifs, doit être cibler et mise à contribution.

Ainsi, la croissance inclusive permet de résoudre la problématique du secteur informel en mettant l’individu au cœur de l’amélioration de son environnement économique. Il s’agit de rendre meilleures les conditions de vie de la population concernée en exaltant un bon climat social, en créant des places aménagées par la mairie et les collectivités territoriales, en faisant en sorte que les personnes se sentent à l’aise dans leur activité, en créant un fond spécial pour les aider, en facilitant l’accès aux crédits au niveau des institutions de microfinance/microcrédits. Dans ce cas, la population concernée verra son activité se développer durablement pour converger progressivement dans la formalité. La migration vers le secteur formel doit se faire par étape et non de manière à pénaliser la population concernée.

En somme, le continent a éperdument besoin de profondes reformes structurelles tant au niveau de l’agriculture que sur le secteur informel. Cela permettra de se forger un nouvel modèle économique inclusif, de lutter contre l’insuffisance alimentaire et de développer des cadres réglementaires solides.

*Amadou SY : Consultant en Diagnostic Economique et Financier auprès des Comités d’Entreprise et Comité de Groupe Européen, membre du Centre d’Etudes et de Réflexion du Mali (CERM), membre de la Fédération des Jeunes Economistes de l’Afrique de l’Ouest et membre de l’Association des Jeunes pour les Nations Unies à Genève (ADJNU).

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