La polémique enfle depuis qu’a fuité un énième projet de révision de la constitution conférant à Ali Bongo un peu plus de pouvoirs de déférence sur son administration et les forces armée. On l’accuse de vouloir devenir une sorte de monarque tropical et l’opposition parle clairement de monarchisation. Une idée peu connue de royaume Bongo que la famille « présidentielle » voulait déjà instaurer en 1986…Un remake d’une ambition qui a toujours hanté la famille Bongo sur son peuple rêvé en sujets dévoués et dociles.
Arrivé au pouvoir suite à la mort de Léon Mba en 1967, suite à une « élection » où il s’est présenté comme colistier de Léon Mba sans adversaire en obtenant 100 % des voix, Albert Bernard Bongo instaure officiellement le parti unique en 1968 (même s’il l’était de fait depuis le coup d’état avorté de février 1964). Il devient en tant que président-fondateur du parti unique, le « candidat naturel » donc candidat unique aux élections du 25 février 1973 où il obtient 100 % des suffrages.
Le 30 décembre 1979, rien ne change, en dehors du fait qu’Omar a remplacé Albert Bernard, le « président fondateur », « l’arme du présent et du futur », obtient 100 % des voix. Conforté dans son pouvoir, Bongo hésite à se proclamer « Président à vie » et caresse un vieux rêve devenir roi comme ce roi qu’il admire tant Hassan II du Maroc qui appartient à la neuvième dynastie marocaine - la première la dynastie Idrisside date de 789 -, la dynastie alaouite au pouvoir depuis 1666. Si Omar Bongo ne met pas sur la table son « projet royal », c’est qu’il a été coiffé au poteau par Jean Bedel Bokassa, maréchal, « président à vie », qui se fait sacrer « empereur de Centrafrique » dans un style plus grand guignolesque que napoléonien...
Le cas Bokassa
Depuis la mort d’Hailé Sélassié, empereur d’Ethiopie renversé puis assassiné par les militaires communistes, il n’y a plus d’empereur en Afrique. Jean Bedel Bokassa président depuis 1966 grand admirateur de Napoléon décide de se faire couronner empereur sur le modèle … du film de Sacha Guitry paru en 1955 ! Le sacre a lieu à Bangui le 4 décembre 1977 dans un gymnase, on y voit Bokassa assis sur un trône en or de trois mètres de hauteur pour plus de quatre mètres d’envergure en forme d’aigle ! Il est revêtu d’un manteau d’hermine de 12 mètre de long pesant 38 kilos et comportant 785000 perles et 1,3 millions de boules de cristal et d’or !
Le couple Bokassa
Comme Napoléon, Bokassa se couronne lui-même et couronne « sa Joséphine » conformément au tableau de David. En tout, le sacre de Bokassa aura coûté plus de 7 milliards de Francs CFA (15 millions d’euros) soit le cinquième du budget centrafricain… En dehors de la France qui y envoie son ministre de la coopération Robert Galley, aucun chef d’État n’a osé prendre part à la mascarade qui n’avait, il est vrai, rien d’Africain ni de napoléonien d’ailleurs. Pendant ce temps, Omar Bongo ronge son frein.
La chute de Bokassa, Bongo aux premières loges
L’empire centrafricain durera moins de deux ans, isolé, toujours avide d’argent, Bokassa décide d’imposer des uniformes aux élèves centrafricains qu’il fabrique et bien sûr vend lui-même ! Indignés par ce énième rançonnage, les élèves décident de descendre dans la rue, « Leur empereur » Bokassa réplique et leur fait tirer dessus. Parmi les victimes certains n’avait même pas 10 ans ! La France décide de lâcher cet empereur et c’est au Gabon qu’on le lui annonce.
« Bokassa, Journiac et Bongo sont dans un bateau... »
Dans un entretien à Franceville, dans le Haut-Ogooué, au Gabon, chez Omar Bongo, le 1er aout 1979, Réné Journiac successeur de Jacques Foccart aux affaires africaines demande sans détours à Sa Majesté Impériale Bokassa Ier de quitter le pouvoir. Dans un premier temps, Bokassa demande à réfléchir. Après « réflexion » et quelques verres de Chivas, Bokassa donne sa réponse : il ne partira pas. Journiac le met en garde, Bokassa répond à coups de canne ! Bongo le résonne et sent à ce moment que pour son impérial visiteur les carottes sont cuites et elles le sont. Le 20 septembre 1979, l’armée française renverse Bokassa et met fin à son sinistre empire. Au Gabon, plus question de royaume, en tout cas pour l’instant, Omar Bongo se contente d’une « élection » au cours de laquelle il est réélu avec 100 % des voix le 30 décembre 1979.
Le Royaume du Gabon
Omar Bongo n’a pas oublié son vieux rêve. Malgré l’exemple centrafricain, Bongo veut toujours faire du Gabon une monarchie. En 1986, il pense que son heure est venue. Après une autre « élection » à laquelle il est l’unique candidat et obtient un moins bon score avec « seulement » 99,97 % de voix et surtout avec l’achèvement du « chantier du siècle » le chemin de fer Transgabonais, Omar Bongo projette soumettre le passage de la République gabonaise au « Royaume du Gabon » à un référendum constitutionnel pour ensuite se faire proclamer « roi des Tékés » (son ethnie) et enfin « Roi du Gabon ».
Ali Bongo, Prince héritier très royaliste
Même s’il nie lorsqu’il est interrogé là-dessus, Omar Bongo décide de sonder le Gabon et d’envoyer le futur « prince héritier » Ali Bongo à Paris sonder les autorités françaises à qui il doit son pouvoir. La réponse de Paris est sans appel : « hors de question de faire du Gabon un royaume ! ». Même « l’ami » Jacques Chirac alors premier ministre de François Mitterrand n’apporte pas son soutien au projet. Lors d’un entretien - raconté par Jacques Foccart dans ses mémoires - avec Ali Bongo (« porteur d’un message de la plus haute importance du président du Gabon ») à Matignon qui tient avec une fermeté opiniâtre à l’instauration au Gabon d’une monarchie héréditaire, Jacques Chirac bien que sidéré reste ferme dans ses réserves en évoquant notamment le cas Bokassa.
Face à cette levée de boucliers Omar Bongo renonce à son projet de devenir le premier « Roi du Gabon » mais « le prince héritier » Ali Bongo n’abandonne pas, il presse son père de passer outre, le Gabon après tout n’est-il pas un pays indépendant ? Parmi les proches collaborateurs qui sont contre « le projet royal » se trouve Jean Ping qui lors d’un entretien avec Omar Bongo au cours duquel il émet des réserves s’entend dire : « Tu es contre ? Dis-le donc à Ali ! », Jean Ping ne le dira pas à Ali Bongo même si Omar Bongo transmettra l’avis de Jean Ping à son « héritier » : « Tu vois, même ton copain Mao [surnom de Jean Ping, dont le père est Chinois et la mère Gabonaise] n’y croit pas ».
Omar Bongo restera président du Gabon jusqu’à sa mort en 2009, son « règne » aura duré 42 ans. S’il n’a jamais été roi du Gabon comme il le désirait tant, il l’a dirigé comme tel et a tout fait pour que son fils Ali lui succède. Quant à Ali Bongo président du Gabon depuis 2009, nul doute qu’il n’a pas oublié le vieux projet de son père qui lui plaisait tant, d’autant qu’il a les mêmes goûts et les mêmes complexes que lui et le dernier projet de révision de la constitution du Gabon qui prévoit notamment que les membres du Gouvernement et les commandants de forces de défense et de sécurité prêtent serment devant le président de la république (Art.15 et 20 nouveaux) ne sont pas sans rappeler le serment d’allégeance plus exactement l’hommage lige.
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