Taxe d’habitation : La CNR exige son retrait pure et simple et dénonce une « hérésie fiscale »
La Coalition pour la nouvelle république (CNR) a consacré sa déclaration publique de ce mardi 16 décembre à la Taxe forfaitaire d’habitation (TFH), qu’elle rejette frontalement. La coalition estime que le dispositif, tel qu’il est porté par les autorités, est socialement injuste, techniquement bancal et juridiquement risqué. Dans un propos structuré, elle met en avant une série de griefs qui vont de l’équité territoriale à la question foncière, en passant par la transparence budgétaire. La CNR conclut en appelant explicitement le président Oligui Nguema à l’arrêt du processus de promulgation.
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Une taxe jugée illisible et sans contrepartie
Par la voix de son président en exercice Vincent Moulengui Boukossou, la CNR conteste la nature même du prélèvement et la manière dont il est justifié dans le débat public. Elle insiste sur la différence entre un impôt, qui n’implique pas de service direct, et une taxe, qui suppose une contrepartie clairement identifiable. Or, selon elle, le gouvernement ne précise pas quels services concrets seraient financés par la TFH, alors que le discours officiel l’associe au « développement ». La coalition estime ainsi que la mesure manque de base explicative solide et nourrit une incompréhension durable.
| Grief formulé par la CNR | Ce que dit la CNR | Pourquoi la CNR juge cela problématique |
|---|---|---|
| Taxe « sans contrepartie » identifiable | La CNR affirme qu’une taxe doit être adossée à un service clairement identifié et estime que l’exécutif n’explicite pas ce que financerait précisément la TFH. | Déficit de légitimité et incompréhension publique sur l’usage des fonds. |
| Comparaison avec la France jugée trompeuse | La CNR demande de compléter l’argument officiel : « Quand le Président de la République affirme que dans les pays comme la France on paye la taxe d’habitation, il faudrait préciser » qu’elle relève des collectivités locales et que la taxe sur les résidences principales y a été supprimée au 1er janvier 2023. | Justification jugée biaisée car fondée sur une analogie incomplète. |
| « Taxation par zone » jugée inéquitable | La CNR tranche : « La taxation par zone est une absurdité dans un pays qui ne pratique pas la ségrégation dans l’occupation des sols » . | La mixité sociale des quartiers rendrait le zonage fiscal socialement injuste et politiquement explosif. |
| Exemples d’iniquité mis en avant | La coalition illustre les écarts : « Un ancien Premier ministre paiera 1 000 FCFA à Bikélé pendant qu’un veilleur de nuit dans un studio paiera 20 000 FCFA à Akanda » , et « Un enseignant paiera 30 000 FCFA à Batterie-IV pendant que le vice-président du gouvernement paiera 1 000 FCFA à Ozangué » . | Perception d’un dispositif « à rebours » de la justice sociale, où des ménages modestes paieraient plus que des hauts revenus. |
| Recouvrement via la SEEG contesté | La CNR rappelle que, dans le dispositif évoqué, « la SEEG n’était pas mise à contribution » et considère qu’une interférence dans la relation contractuelle ne devrait pas s’imposer. | Risque de tensions usagers–opérateur et fragilisation du schéma de collecte. |
| Risque contentieux pour la SEEG | La CNR avertit que la SEEG pourrait « s’exposer à des poursuites judiciaires de ses clients » si elle endossait des prérogatives assimilables à la puissance publique. | Insécurité juridique et exposition à des litiges, donc risque de blocage opérationnel. |
| « Continuité » depuis 2022 jugée peu convaincante | La CNR affirme que la disposition, même présente, n’a « jamais été appliquée » faute de « prérequis » et « d’outils nécessaires » évoqués à l’époque, notamment dans le contexte du FMI. | Soupçon d’impréparation administrative et de relance précipitée sans capacité technique démontrée. |
| Absence de reddition des comptes sur des dotations antérieures | La CNR demande « ce qu’il est advenu des 7 milliards octroyés par province » , soit « 63 milliards pour les 9 provinces » , avant d’imposer une nouvelle taxe. | La TFH est présentée comme une « recette facile » tant que la traçabilité d’enveloppes antérieures n’est pas établie. |
| Foncier et cadastre : « insécurité juridique » | La CNR parle d’ « hérésie fiscale » , accuse l’État de « taxer le néant » et de « prendre en compte l’informel au risque très grave de l’insécurité juridique » , en liant l’enjeu au « fondement de l’État de droit » . | Impossibilité, selon elle, d’adosser durablement une taxe d’habitation à un système foncier jugé défaillant. |
| Alternatives budgétaires plutôt que « taxer les pauvres » | La CNR propose de réduire des dotations institutionnelles et martèle : « Ce n’est pas dans les ressources des pauvres qu’il faut aller chercher des milliards » . | Choix politique contesté : la coalition privilégie des économies au sommet de l’État et une meilleure discipline des finances publiques. |
| Exigence finale : ne pas promulguer | La CNR affirme un rejet populaire et conclut : « Cette taxe absurde ne doit pas être promulguée » . | Demande de retrait pur et simple, au nom de la cohérence, de l’équité et de la paix sociale. |
La CNR revient longuement sur la référence à la France, qu’elle considère mal utilisée et source de confusion. Elle affirme qu’invoquer la taxe d’habitation à l’étranger, sans en rappeler le cadre exact, revient à construire un argument d’autorité incomplet. Dans sa déclaration, la coalition prévient : « Quand le Président de la République affirme que dans les pays comme la France on paye la taxe d’habitation, il faudrait préciser » le rôle des collectivités locales et l’évolution récente du dispositif. Elle ajoute que, dans ce modèle cité, la taxe sur les résidences principales a été supprimée au 1er janvier 2023, n’étant maintenue que pour les résidences secondaires, ce qui change, selon elle, la portée de la comparaison.
La « taxation par zone », au cœur de la charge
Sur la méthode de calcul, la CNR attaque une tarification « par zone » qu’elle juge incompatible avec la sociologie urbaine gabonaise. Elle soutient que les quartiers ne sont pas socialement homogènes et que la cohabitation de ménages aux revenus très différents rend ce critère inadapté. La coalition tranche : « La taxation par zone est une absurdité dans un pays qui ne pratique pas la ségrégation dans l’occupation des sols ». Elle estime qu’en fixant des montants forfaitaires par espace géographique, l’État créerait mécaniquement des injustices, donc un risque de rejet massif.
Une autre vue des conférenciers
Pour matérialiser ce qu’elle décrit comme une inégalité de traitement, la CNR avance des cas comparatifs destinés à frapper l’opinion. Elle met en opposition des responsables publics et des travailleurs modestes, vivant parfois dans des conditions précaires, mais susceptibles de payer davantage selon la zone retenue. La coalition affirme ainsi : « Un ancien Premier ministre paiera 1 000 FCFA à Bikélé pendant qu’un veilleur de nuit dans un studio paiera 20 000 FCFA à Akanda ». Elle ajoute : « Un enseignant paiera 30 000 FCFA à Batterie-IV pendant que le vice-président du gouvernement paiera 1 000 FCFA à Ozangué ».
SEEG, recouvrement et risques contentieux
La CNR conteste également le schéma de perception associé à la SEEG, qu’elle estime juridiquement sensible et potentiellement conflictuel. Elle souligne que, dans les références légales rappelées par les autorités, l’entreprise n’était pas présentée comme un outil de collecte, ce qui change, selon elle, le niveau d’exposition. La coalition insiste : « La SEEG n’était pas mise à contribution » , et considère qu’une interférence dans la relation contractuelle entre l’entreprise et ses clients « ne devrait souffrir d’aucune autre interférence ». Elle va plus loin en avertissant que la SEEG pourrait « s’exposer à des poursuites judiciaires de ses clients » si elle endossait des fonctions assimilables à la puissance publique.
Une vue de l’assistance
Au-delà du recouvrement, la CNR inscrit la TFH dans une critique plus structurelle de l’État foncier et du cadre de preuve de l’occupation. Elle parle d’une « hérésie fiscale » et accuse l’État de « taxer le néant » en voulant « prendre en compte l’informel au risque très grave de l’insécurité juridique ». Pour la coalition, le problème n’est pas seulement fiscal : il touche « au fondement de l’État de droit » et à la sécurité des situations d’habitat. Elle réclame donc une inversion des priorités, résumée ainsi : « Avant de parler de taxe d’habitation, que le gouvernement nous parle d’abord de cadastre, de titres fonciers, d’État de droit, de justice sociale ».
Une issue politique assumée : « ne doit pas être promulguée »
Dans la dernière partie de sa déclaration, la CNR présente des alternatives budgétaires et conteste l’opportunité d’une taxe supplémentaire sur les ménages. Elle estime que d’autres leviers existent, notamment la réduction de dotations institutionnelles et une meilleure discipline dans la gestion des deniers publics, plutôt qu’un prélèvement ressenti comme punitif. La coalition affirme que « le peuple gabonais rejette massivement cette taxe » et transforme ce rejet en mot d’ordre politique. Elle conclut sans nuance : « Cette taxe absurde ne doit pas être promulguée »
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