Analyse politique

Le politologue Grégoire Biyogo met en lumière l’inéligibilité d’Ali Bongo

Le politologue Grégoire Biyogo met en lumière l’inéligibilité d’Ali Bongo
Le politologue Grégoire Biyogo met en lumière l’inéligibilité d’Ali Bongo © 2016 D.R./Info241

Grégoire Biyogo, professeur gabonais en lettres, philosophe et politologue a mis son curseur sur l’actualité politique du moment à travers une analyse intitulée : « politométriques de l’élection présidentielle 2016 au Gabon. Intelligibilité. Reproduction de la misère politique et économique. Destruction du système et invention d’un autre art de gouverner ». Le savant africain y scrute l’épineuse question de l’inéligibilité d’Ali Bongo, président dont le bilan s’achève en août.

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La Constitution Gabonaise, en son article 10 dispose que les Gabonais d’adoption ne peuvent être candidats à l’élection présidentielle avant la quatrième génération, soit après 120 ans de présence au Territoire. Cette disposition constitutionnelle est celle qui a été violée lors des consultations présidentielles de 2009. Et qui est toujours en cause au sujet de l’élection présidentielle de 2016.

De l’intelligibilité de la candidature à l’élection présidentielle par le président sortant

Or, le PDG, sans prendre acte et fait de cette inconstitutionnalité, a déposé la candidature officielle de son Parti, en présentant celle du Président sortant .déjà contestée en 2009, et tout au long du septennat 2009-2016. Nul ne peut discuter la Constitution, sa nature est à la fois unique et formelle. Et ses dispositions souveraines et irréversibles, au moins jusqu’à ce que survienne une autre modification….

A titre d’exemple, la Constitution des Etats-Unis prescrit que, même de Père et de Mère américains, les candidats à l’élection présidentielle doivent encore être nés impérativement sur le Territoire américain. C’est là un point formel, auquel on ne peut déroger, le Constituant protège de la sorte l’institution du Président de la République, en retrouvant pleinement en elle les liens du sang et ceux du sol. L’on se souvient que Président Obama lui-même a été confronté à ce problème lorsqu’on lui a dénié le fait d’être né sur le sol américain.

Il a dû se conformer à la Constitution, et pour lever toute équivoque, il a fait valoir pleinement sa candidature, après avoir présenté son Acte de naissance qui spécifiait bien « Barack Hussein Obama II », était en effet « né le 4 août 1961 dans la ville de Honolulu de l’Etat d’Hawaï, aux Etats Unis ». La Maison Blanche a par ailleurs dû fournir la version longue et complète de son Acte de naissance, pour mettre un terme à la demande légitime du peuple américain.

Pour ce qui est du Gabon et du candidat PDG, quatre certificats de naissance ont été présentés qui sont distincts les uns des autres, avec souvent des anachronismes, des écritures non conformes, des noms distincts, et des signatures dissemblables, des versions courtes et incomplètes plutôt que longues pour les quatre Documents. Il s’agit de celui présenté lors de la candidature à la députation (I), celui qui aurait été signé au Congo Brazzaville (II), celui qui a été retranscrit dans une Mairie de Libreville, et déposé pendant l’élection présidentielle de 2009 et qui porte de manière anachronique le nom d’Ali Bongo Ondimba (II), celui du Journal Le Monde qui est présenté dans une version courte et incomplète (III) et enfin celui plus récent de Nantes qui lui, est aussi présenté dans une version courte et incomplète (IV)…

En somme, le problème de l’authentification de cette pièce se pose donc avec acuité jusqu’à ce jour, en l’absence de laquelle on ne peut statuer et requérir en Droit stricto sensu, qu’en faveur de l’inéligibilité du Président de la République sortant.

La question de contenu de l’élection de 2016

Au-delà de ce premier problème, je voudrais maintenant soulever la question de contenu, celle qui me paraît constituer l’enjeu de fond de cette élection présidentielle 2016.

La médiocrité de la gouvernance du Gabon sous le PDG depuis 1968

Le premier constat est que le règne des Citoyens Gabonais d’origine – d’aucuns diront de « souche » - daté de 1968 à 1989 s’est caractérisé par la violation des Lois, l’exclusion économique du Peuple, la personnalisation du pouvoir, la patrimonialisation des richesses, la Répression systémique des opposants, le fait de se servir et de servir le système des Maîtres. Ce fut le Parti-Etat-PDG, avec sa distribution des prébendes pétrolières et forestière à un seul Clan, et au Système auquel il est inféodé...

La transition inachevée dès 19 ans allant de 1990 à 2009 ayant été l’année de la Grande Réforme inachevée (laquelle appelait et promettait un Etat de droit, une Gestion économique transparente de l’Etat, et escomptait la redistribution de la rente pétrolière et minière au Peuple)... Toutes ces promesses ont été trahies et liquidées avec le continuum du système PDG qui va prendre le visage du Monstre.

Le constat d’échec du PDG. Le second constat est que le règne des Gabonais d’adoption, qui se déploie sous nos yeux de 2009 à 2016 s’est caractérisé par la Violation de la Constitution, le déni d Droit et des Lois, l’exclusion économique du Peuple, la paupérisation outrancière de l’Etat, la fuite des capitaux, l’expropriation des autochtones, la Terreur d’Etat, la Répression généralisée, la confusion des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, l’implantation des mœurs étrangères aux systèmes de valeurs local et de Kama, l’enrichissement illicite et faramineux d’une poignée d’Amis.


Gabonais de souche ou d’adoption ont tous échoués au PDG

Ainsi donc, que ce soit le Régime PDG dirigé par des Gabonais ou celui PDG dirigé par des Gabonais d’adoption, le fait d’être Citoyen Gabonais d’origine ne constitue aucune garantie, aucun gage de gestion performante et transparente de l’Etat de Droit et de l’économie libérale. Pas plus que le fait d’être Gabonais d’Adoption, souvent inséparable du préjugé xénophobe qui pèse sur cette catégorie...

Il ne s’agit pas davantage d’axer le débat sur le problème des générations, avec les trentenaires, quarantenaires, cinquantenaires, sexagénaires et autres septuagénaires. Tous sans exception ont échoué...Le clivage entre Gabonais d’adoption et Gabonais de « souche » semble dissimuler le fait crucial que c’est un seul et même parti politique – le PDG - qui a gouverné le Gabon depuis 1968 jusqu’en 2016, soit pendant 48 ans, avec un même système, de mêmes équipes à quelque variantes près, responsables de la situation de marasme économique, de mal-gouvernance et de déni de l’Etat de Droit.

Qu’il s’agisse donc du règne du premier PDG - 1968/1989 - ou du PDG Émergence (2009-2016), nous avons assisté à un Continuum de la Gouvernance médiocre du PDG sous ses deux formes misérables, avec la différence fondamentale que le PDG Émergence a complètement ignoré les 19 ans de Mutation institutionnelle survenu au Gabon après la Conférence Nationale, allant de 1990 à 2009 (avec l’abandon du Parti unique et l’institutionnalisation du pluralisme politique, et la naissance des institutions modernes consolidant l’Etat de Droit, la Transparence de la Gestion de l’Etat. Ce PDG a choisi de reconduire les méthodes les plus scélérates du Parti-unique, Parti-Etat des années 1968 à 1989 :

- Exécutions sommaires, impunité, persécution de l’opposition, précarisation des Bourses et embastillement des étudiants, violation des franchises universitaires par les forces de l’ordre, répression judiciaires tous azimuts... Avec comme touche particulière : l’exclusion des Citoyens autochtones, la paupérisation à outrance du Peuple, l’instauration de l’Etat du crime, du pillage du Trésor public, des Fuites asymétriques des Capitaux, des Mœurs dépravées, de la naturalisation du non-Droit, Banalisation et violation de l’autorité des Lois...

Pour ne pas conclure

Ainsi donc, ce que les Citoyens, les contribuables et les justiciables attendons désormais, ce n’est plus qu’on leur re-serve l’archaïsme économique et politique de la gouvernance du PDG modèle 1968-1989 ou sa formulation fasciste de 2009-2016...

Ils n’attendent pas simplement l’alternance politique, avec les mêmes méthodes ataviques, les mêmes dévoiements économiques, les mêmes inconstitutionnalités, mais un changement systématique de politique, d’économie, une mutation radicale de paradigme, qui appelle l’implosion et la destruction de l’ancien paradigme, avec une autre manière de gouverner, une autre société plus attentive au pouvoir d’achat des Citoyens, aux Lois justes, à une économie prospère et transparente, à l’Etat de Droit, fait de valeurs, ayant l’Education comme l’axe cardinal de la Réforme, pour déprogrammer la longue Aliénation, la longue dépravation de mœurs, la longue mentalité d’auto- servitude et d’assistanat...

Nous attendons des candidats acquis à cette exigence de destruction du système vieillissant et auto-réfutant, au profit de la mise en place d’une tout autre gouvernance, avec une tout autre volonté de gérer l’Etat sur le mode de la Transparence et de la Rentabilité et de la croissance...

De ce point de vue, ce que nous attendons des candidats déjà déclarés ou en puissance Ping, Nzouba Ndama, Oye Mba, Ben Moubamba, Mike Jocktane, Moukagni Iwangou, Maganga Moussavou, Moussavou King, Mengara pour ne citer que ces candidats-là, c’est la destruction du système, et l’avènement d’un nouveau Gabon, avec la seconde République, où se déploient d’autres méthodes, d’autres principes, d’autres Hommes et d’autres Femmes, d’autres échelles de valeurs.

Nous attendons du Gouvernant un tout autre Esprit : Esprit éclairé, réformiste, instruit et attaché à l’Esprit des Lois, à l’Etat de Droit, à la sécurité, au pouvoir d’achat et aux Droits élémentaires du Peuple, à la Transparence et à la prospérité économiques, au devenir de l’Afrique, Il doit à déprogrammer les systèmes et les institutions de servitude et de domination économique de Kama... Et gager ’’le pacte du changement pour une gouvernance normative’’- fondée sur des Normes, le Droit, la Justice, la transparence...

Vu l’ampleur des contradictions internes de la Majorité, celles internes d’une opposition qui entend jouer le jeu démocratique et contre un PDG toujours réfractaire à l’Etat de Droit et aux dispositions de la Constitution, il est difficile d’envisager une issue démocratique, pacifique et historique à ce scrutin…

En revanche, on peut craindre que celui-ci ne dégénère à travers la tentation militaire du PDG Émergence et de son candidat.... Même si, l’on peut raisonnablement penser que le Droit et la Raison finiront bien par l’emporter…Aussi la proposition d’une Transition Républicaine pour le Changement paraît-elle être plus pertinente et plus patiente, susceptible d’engager des discussions de Fond pour préparer les autres questions d’organisation des élections, de proclamation et d’arbitrage par les institutions de la Transition elle-même. .....

A moins que la Providence n’ait choisi pour le Gabon le scénario de l’Acte fondateur de la seconde République qui se déploierait selon le prisme d’une Insurrection Rédemptrice ou d’une Révolution spontanée et asymétrique...

Grégoire Biyogo est un poéticien, égyptologue, philosophe, politologue, et écrivain gabonais spécialiste du mvett.

@info241.com
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