Port-Gentil face à la mer qui monte : L’Etat gabonais élabore un plan de survie climatique
Face à la montée du niveau de la mer, à l’érosion, à la recrudescence des inondations et aux actes inciviques des populations, Port-Gentil entre dans une nouvelle phase d’élaboration d’un plan d’adaptation aux changements climatiques. L’initiative s’inscrit dans la préparation du deuxième Plan national d’adaptation (NAP II) du Gabon et vise à traduire, au niveau local, les orientations nationales en matière de résilience côtière.
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Confrontée à une vulnérabilité mise en évidence par plusieurs études, la cité pétrolière et portuaire est considérée comme l’une des zones les plus exposées du pays : une part importante de son territoire est régulièrement soumise aux inondations et la morphologie de l’île Mandji évolue sous la pression des phénomènes marins. Ces constats ont déjà alimenté des stratégies nationales d’adaptation du littoral et des diagnostics sectoriels qui recommandent des mesures combinant protections physiques et réaménagement urbain.
Une délégation gouvernementale en mission d’écoute
C’est dans cette optique que, jeudi 12 décembre dernier, une forte délégation du ministère de l’Environnement, de l’Écologie et du Climat, conduite par son secrétaire général adjoint Jean Félix Mabiala, en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a séjourné dans la capitale économique afin de s’entretenir avec les différentes parties prenantes du secteur.
Photo de famille
« La phase II du NAP vise à proposer des mesures d’adaptation techniquement robustes, financièrement viables et alignées sur les priorités nationales de développement durable. La lutte contre les changements climatiques ne peut réussir sans la participation active des populations », a déclaré le SGA du ministère de l’Environnement, de l’Écologie et du Climat, Jean Félix Mabiala.
Diagnostiquer les vulnérabilités, hiérarchiser les réponses
Avec pour thème « Quelles actions pour notre adaptation face aux effets des changements climatiques ? », ces échanges visent à approfondir le diagnostic des vulnérabilités et à consolider les actions prioritaires d’adaptation au niveau territorial. Couvert à plus de 80 % de forêts, le Gabon demeure un acteur engagé dans la lutte mondiale contre le dérèglement climatique.
Un pan de l’exposé
Malgré ce « puits de carbone » immense, le territoire national subit des impacts significatifs : inondations, érosion côtière, perturbation des saisons agricoles, pression sur les écosystèmes et le patrimoine hydrique national, etc. Des phénomènes qui perturbent les cultures, affectent la pêche, endommagent les infrastructures et menacent désormais les communautés locales.
Un arsenal juridique et des politiques déjà en chantier
« Il y a des initiatives qui sont développées autour des questions climatiques, notamment le renforcement du cadre juridique par la promotion de la loi sur les changements climatiques, celle relative à la lutte contre les plastiques à usage unique, la mise en œuvre du plan climat, le renforcement des politiques durables des forêts, la valorisation des services écosystémiques, le renforcement de la sensibilisation et l’implication des communautés locales », précise Jean Félix Mabiala.
Une vue de l’assistance
L’élaboration du plan repose sur plusieurs axes complémentaires. D’abord, l’évaluation précise des risques (cartographie des zones inondables, modélisation de l’élévation du niveau de la mer et des épisodes pluvieux extrêmes) pour orienter prioritairement les investissements. Ensuite, des mesures d’ingénierie « douce » et « dure » : restauration et préservation des mangroves comme rempart naturel, renforcement des digues et réhabilitation des réseaux de drainage urbain pour réduire la durée et l’impact des submersions. « La phase II vise à affiner l’analyse des risques climatiques à l’échelle nationale et à identifier les secteurs vulnérables. Chers partenaires, votre participation est décisive », rappelle le secrétaire général adjoint.
Repenser l’urbanisme d’une ville menacée par la mer
L’urbanisme et la planification ont été au cœur des échanges, l’objectif étant d’actualiser les schémas d’occupation et de développement urbain, de relocaliser les populations à risque et d’intégrer des normes de construction résilientes. Des projets pilotes de requalification de quartiers et de systèmes d’évacuation des eaux, déjà étudiés dans le cadre de plans structurels pour plusieurs villes gabonaises, doivent servir de modèle pour Port-Gentil, a fait savoir le président de l’ONG H²O Gabon, Henry Michel Auguste.
« Il faut attendre que les autorités prennent de bonnes décisions, en espérant que ce ne sera pas trop tard. Je ne souhaite pas que notre belle ville soit rayée de la carte. On a des zones basses qui sont déjà bien attaquées par les eaux, et les zones hautes ne vont pas tarder à l’être. On peut freiner, mais ce n’est pas ce qui va arranger le problème. Il y a deux solutions viables : déplacer la ville sur l’eau ou déplacer Port-Gentil vers Lambaréné pour qu’elle soit plus au sec », propose-t-il.
Un chantier porté par l’État et les partenaires techniques
Le programme est porté conjointement par l’État gabonais, les collectivités locales de Port-Gentil et plusieurs partenaires techniques et financiers, dont l’ONU (via le PNUD), la coopération française et la Banque mondiale, qui participent à l’appui technique, au financement d’études et à la mobilisation de ressources pour la mise en œuvre. Cette mission de sensibilisation et de consultation des acteurs locaux a été lancée afin d’assurer une appropriation sociale du plan.
« Il faut situer la question des changements climatiques par rapport à notre pays. Et pour cela, il faut disposer d’instruments susceptibles de pouvoir renseigner sur les conditions du temps. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Raison pour laquelle cette question est beaucoup plus orientée vers les risques liés aux changements qui pourront intervenir avec l’évolution du climat », a indiqué le chercheur au Centre national de la recherche scientifique, par ailleurs consultant principal du NAP II, Désiré Mounganga.
Une course contre la montre pour sauver la capitale économique
Pour les citoyens de Port-Gentil, l’enjeu est double : préserver des infrastructures économiques clés (pôle portuaire et logistique, industries pétrolières) et garantir la sécurité et les moyens de subsistance des quartiers côtiers. Les autorités insistent sur la nécessité d’agir vite et de manière coordonnée pour éviter que des phénomènes déjà observés dans la ville, comme l’érosion du trait de côte ou les submersions marines, ne s’intensifient au point de menacer des pans entiers de l’agglomération.
Le calendrier prévoit une phase d’études et de consultation dans les mois à venir, puis la priorisation des mesures et la recherche de financements pour les premiers projets pilotes. Si la réussite dépendra de la mobilisation et de la gouvernance locale, ce processus marque une étape décisive vers une stratégie d’adaptation territorialisée, adaptée à la réalité particulière de Port-Gentil.
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