Le trop plein de candidatures de l’opposition gabonaise est-il irréversible ?
Mengue M’Eyaà, la présidente du Mouvement civique des femmes et du conseil exécutif Mouvement civique du Gabon, tous deux basés en France, s’interroge dans cette tribune libre sur l’opportunisme des candidatures pléthoriques de l’opposition gabonaise à la présidentielle du 27 août. Avant d’appeler à une candidature unique dite de « consensus » pour intégrer les leçons du passé.
On pensait que depuis 2009 la leçon avait été retenue. Parmi les raisons ayant crée un climat favorable au coup d’Etat électoral d’Ali Bongo était aussi l’existence de deux candidatures concurrentes antagonistes, Pierre Mamboundou et André Mba Obame, qui n’ont cessé de se neutraliser, l’un publiant ses résultats, l’autre ne le faisant pas. L’un était premier et l’autre était second. Il aurait suffi que soit Mamboundou, soit AMO, s’entendent, ce qui aurait rendu la fraude d’Ali Bongo difficile, même avec le soutien de Nicolas Sarkozy.
Or, en démocratie, il faut savoir reconnaître sa défaite, et accepter la victoire de son adversaire politique. Dans l’opposition, il est dommageable d’avoir comme adversaires d’autres candidats de l’opposition. Cela enlève toute visibilité des objectifs à atteindre, à savoir, se débarrasser du clan Bongo.
Cette leçon dans un système électoral à un seul tour n’a pas été retenue.
Au contraire, donc, et comme à l’accoutumée, chacun de ces candidats est venu en « pélerinage » en France, et aux Etats-Unis, à la recherche de « parrains », sur la droite comme sur la gauche, gouvernementale ou non. Par ailleurs, le passage à Paris est essentiel pour ces différents candidats car les Gabonais de l’étranger sont, dans l’écrasante majorité, en faveur du renversement du clan Bongo au pouvoir depuis 50 ans.
Des entretiens sont donnés dans les médias français comme ceux de Guy Nzouba Dama, président de l’Assemblée nationale démissionnaire, dans le Monde, ou sur France 24, dans lequel il dit :
« L’opposition est divisée, certes, mais je ne perds pas espoir qu’elle s’unisse. On discute. La candidature unique n’est pas exclue. Si quelqu’un est capable de fédérer, alors, je serai disposé à m’effacer. Pour le moment, je me considère comme porteur d’un espoir national. Et je suis prêt à assumer le leadership de l’opposition » (Entretien du 16 juin 2016 – Le Monde).
Apparemment, au Gabon, face à leurs interlocuteurs français, quelques opposants gabonais ont sans doute bien compris le ridicule de la situation des candidatures multiples, et entonnent le couplet de la candidature fédératrice devant laquelle ils s’effaceraient. Guy Nzouba Ndama, l’a dit.
Chez lui comme pour d’autres, cette annonce semblerait être une figure de style, car, dans la réalité, chacun veut faire croire qu’il est le candidat derrière lequel les autres peuvent se retrouver. Pour le moment, personne ne l’avait néanmoins déclaré.
De même, l’Union nationale, parti fondé par André Mba Obame, avait à son tour désigné un candidat à l’issue d’une primaire interne, Casimir Oyé Mba, qui s’était retiré de l’élection, au dernier moment, en 2009, et qui est surtout vu comme le candidat fang dans certains milieux tribalistes archaïques gabonais. A t-il pris le soin d’expliquer le retrait brutal de sa candidature en 2009 , le jour même du scrutin ? A l’actif du l’UN cependant, la candidature de Mike Joktane est aussi gage d’un futur renouvellement.
Casimir Oyé Mba rencontre aussi des lobbys dont l’influence est parfois tout à fait aléatoire, comme rencontrer le MEDEF, dont chacun sait que son seul intérêt au Gabon n’ est que rien ne puisse troubler la situation des entreprises françaises. Le changement politique n’est donc pas vraiment au cœur des priorités de l’organisation patronale.
Pendant ce temps, Jean Ping, parti en campagne depuis plus longtemps, que ses concurrents, continue à aller rencontrer les habitants de toutes les provinces du Gabon, et, ce malgré un harcèlement, par voie judiciaire, et des menaces permanentes du régime à son endroit Sa campagne habilement menée sur le terrain vise à redonner espoir aux Gabonais et Gabonaises, qui avaient été terrassés par le coup d’État d’Ali Bongo. Pour le moment, cette démarché plaît et convainc les populations.
La multiplicité des candidatures de haut niveau est-elle un problème ? Selon les analyses, c’est toujours un peu complexe. En effet, Ali Bongo est, en principe, disqualifié par son non respect de la constitution gabonaise. Il ne respecte par l’article 10 de la constitution, donc n’a pas la possibilité d’être candidat. Le régime n’a pas d’autres alternatives à sa candidature. Donc, il est « hors jeu ».
C’est oublier la Françafrique. Le clan Bongo au pouvoir depuis 50 ans au Gabon ne se conçoit pas autrement qu’au pouvoir. Pour le moment, l’armée et la police n’ont pas eu de comportements républicains, et ont à chaque fois soutenu le régime, quelle que soit l’illégalité des actes de répression. Elles sont en partie « tribalisées ».
Dans ce contexte, rien n’interdit au régime de refaire un coup d’État, comme en 2009.
Le processus électoral est en effet « secondaire » pour le régime et peut décider d’instaurer un « état de siège » comme à presque toutes les campagnes présidentielles, perdues par Omar Bongo et par Ali Bongo, en 2009. Le recensement et le dénombrement des commissions locales électorales sont un mauvais signe indiquant que le régime prépare la tricherie électorale de grande ampleur. Comment croire en effet que le Haut Ogooué, province peu peuplée du clan Bongo, a deux fois plus de commissions locales électorales que le Woleu Ntem ou que l’Ogooué Maritime, les deux provinces les plus peuplées du Gabon ?
Une candidature unique de l’opposition afin d’assurer la transition avec le régime Bongo aurait été une solution acceptable,comme l’a proposé Jean Ping. Il est temps que chacun se parle.
Les multi-candidatures ne sont pas de nature à remettre en cause l’alternance démocratique au Gabon, mais elles peuvent sérieusement la compliquer face aux tricheries et fraudes du régime, et face à une élection à un seul tour.
Il n’y a donc pas de place pour le hasard.
Comme nous l’avons dit, à plusieurs reprises, il est encore temps de désigner un seul candidat qui serait le candidat du consensus, préparant la transition.
Mengue M’Eyaà
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