L’invité de la rédaction

Geoffroy Foumboula Libeka : « la détention de Jean-Rémy relève de la volonté du politique »

Geoffroy Foumboula Libeka : « la détention de Jean-Rémy relève de la volonté du politique »
Geoffroy Foumboula Libeka : « la détention de Jean-Rémy relève de la volonté du politique » © 2022 D.R./Info241

Après l’incarcération de Jean-Remy Yama, président de la plus grande centrale syndicale au Gabon, Dynamique Unitaire, plusieurs organisations syndicales, de la société civile et de défense des droits de l’homme se mobilisent pour sa libération. Une campagne « Liberez Jean-Remy Yama » a été lancée dernièrement. Pour en savoir un peu plus, la rédaction d’info241 s’est rapprochée du porte-parole du Copil Citoyen Geoffroy Foumboula Libeka.

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 Info241 : Depuis la mise en détention de Jean Rémy Yama, vous avez lancé une campagne « Libérez Jean Rémy Yama ». Quelle est son objectif et ses attentes ? Quelle est la situation aujourd’hui de cette incarcération qui fait bondir la société civile ?

Geoffroy Foumboula Libeka : La campagne a été lancée par l’ensemble des organisations de la société civile avec comme leader de la campagne, la confédération syndicale Dynamique unitaire. Dans cette campagne, on retrouve l’ensemble des organisations que vous connaissez Brainforest, le Copil citoyen, le ROLBG et plusieurs autres. L’objectif est de mobiliser toutes les ressources humaines, les ressources juridiques et autres pour pouvoir œuvrer à la libération du président Jean Rémy Yama en détention arbitraire depuis le 27 février 2022.

Mais l’incarcération en soit, n’a pas lieu d’être. Comme on a démontré lors de notre dernière sortie aujourd’hui, c’est un cartel politico- judiciaire qui s’est constitué pour réduire la personne du président Jean-Remy Yama à sa plus simple expression. Pourquoi cartel politico-judiciaire ? Parce que d’une part, on a les membres du gouvernement qui reçoivent sûrement leurs ordres soit de leur Premier ministre ou du chef de l’Etat et au bas de la chaîne, on a les exécutants qui sont conduits par le procureur de la République qui lui active les différents leviers juridiques notamment la cour criminelle et la cour correctionnelle pour pouvoir jouer avec ce qu’on appelle les délais de détentions préventives afin de maintenir le président Jean-Remy Yama en détention. Sans jugement au moins jusqu’au 10 décembre 2023 donc 652 jours de détention arbitraire sans jugement.

 Selon vous, que reproche la justice au leader syndical Jean Remy Yama en prison depuis plus de 7 mois ?

Geoffroy Foumboula Libeka : C’est à la justice aujourd’hui d’apporter les éléments de preuves parce que cette affaire pour laquelle le président Jean-Remy Yama est en prison est une affaire qui date de depuis 2015. Qui a été classée sans suite par l’ancien procureur et qui a été remis au devant de la scène par l’actuel procureur. Mais ce qu’on a constaté est qu’on envoie souvent Jean-Remy Yama en prison la veille d’une année électorale. 2015, c’était la même chose.

Il a été envoyé en prison. Il a passé la période électorale en prison. Il a été libéré après les élections de 2016. Là aussi, on a le sentiment qu’on l’arrête avant les élections sûrement pour qu’il reste en prison pendant la période électorale. On va le libérer après toujours sans jugement. Je ne sais pas de quoi s’inquiète les gouvernants d’autant plus que Jean-Remy Yama n’a aucune ambition politique ou de briguer la magistrature suprême.

 Vous avez évoqué une main noire politico-judiciaire dans cette incarcération. Pouvez-vous nous en dire plus ? Pensez-vous que sa libération peut avoir lieu dans les prochains jours ?

Geoffroy Foumboula Libeka : Ce qu’il faut dire quand on parle de cartel politico-judiciaire, c’est justement cela. Pourquoi parce que le président Jean-Rémy Yama est victime aujourd’hui de plusieurs situations. D’une part, il est en détention arbitraire, d’autre part il a été radié de la Fonction publique. Pour le volet détention arbitraire, quand on parle du cartel politico judiciaire simplement parce qu’au-dessus du procureur, on a le ministre de la Justice et le président de la République qui est par ailleurs le président du conseil supérieur de la magistrature.

C’est lui qui nomme les magistrats aux hautes fonctions notamment le procureur. Le constat est que aujourd’hui le procureur n’a jamais présenté des éléments de preuves et cette thèse est d’avantage confortée par les manœuvres de l’actuel procureur André Patrick Roponat. Andre Patrick Roponat a demandé à ce qu’on délivre à Jean-Remy Yama un mandat de dépôt. Chose qui a été faite au mois de mars, je pense le 2 mars.

Et suite à ses problèmes de santé, le juge Magalie Makobia Oyé qui était sur la procédure d’abus de confiance qu’on accuse Jean-Remy Yama et autres... a ordonné sa libération à cause de son état de santé. Elle l’a fait le mois de juin. Mais le 10 juin le même procureur André Patrick Roponat est aller ouvrir une nouvelle instruction auprès d’une nouvelle juridiction qui est la cour criminelle auprès d’un autre juge Ayombo Leila. C’est elle qui a délivré un mandat de dépôt qui maintient le président Jean-Remy Yama en prison.

Quand on parle de cartel au niveau judiciaire par exemple, comprenez par là que le président Jean-Rémy Yama est en liberté sur le premier chef d’accusation d’abus de confiance parce que le premier juge Magalie a ordonné sa libération mais il a rapidement été rattrapé par un deuxième mandat qui le maintient aujourd’hui en prison qui était délivrer par le juge Ayombo.

Maintenant l’autre volet du cartel, c’est le volet administratif. Il a été radié. Or, le statut général de la Fonction publique est claire. Pour qu’une personne soit radié, il faut que cela se fasse par conseil de discipline, sauf qu’à ce niveau, il n’y a jamais eu de conseil de discipline. Donc son employeur premier qui est l’USTM n’a aucun grief contre son employé mais c’est le procureur de la République qui sort de ses prérogatives et diligente une enquête qui amène aux conclusions que Jean-Remy Yama ne part plus au travail et il active la procédure de radiation et de suspension de solde auprès de la direction centrale des ressources humaines d’une part pour la radiation et auprès de la direction de la solde pour ce qui est de la suspension de solde.

Tous les éléments sont là. Jusqu’à présent, il y a aucun élément mobile.
C’est notre souhait le plus ardent. C’est ce pourquoi on se bat chaque jour. Mais on met chaque personne face à ses responsabilités car la détention de Jean-Rémy Yama ne repose sur aucun fait. Vous comprenez simplement que sa détention relève de la volonté du politique. C’est le politique qui va décidé quand est ce qu’il voudra le libérer. 

Mais nous en tant qu’acteurs de la société civile, nous allons continuer à mettre la pression pour dénoncer ces violations. Quoi que le Gabon ait ratifié plusieurs conventions internationales en matière de protection des droits de l’homme qu’il ne respecte même pas. Tout ceci en dépit du fait que le Gabon siège au conseil des Nations Unies des droits de l’homme et préside pour le mois d’octobre la présidence du conseil de sécurité des Nations Unies.

 Que répondez-vous à ceux-là qui assimilent vos actions d’acteur de la société civile à de la politique ?

Geoffroy Foumboula Libeka : Comme je le dis tout le temps, c’est la méconnaissance. Vous savez, on a un défaut pour nous en Afrique et singulièrement au Gabon. Mais différemment de ceux de l’Afrique de l’Ouest, on aime pas trop se cultiver. On n’est pas intéressé à lire, à défendre nos droits. Ce qui fait que quand vous venez faire quelque chose qui est en phase avec les missions qui sont les vôtres, les gens automatiquement assimilent cela à de la politique. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas d’autres modèles de défense de leurs droits que les politiciens.

Ils attendent tout du politique. Ils attendent que c’est le politique qui vienne leur offrir un carton de poulet. Même quand toi tu dis aux personnes que mais la loi ne te permet même pas d’accepter ce que le politique te donne parce que quand tu le fais, on appelle ça la corruption au sens de la loi, les gens vont te dire que c’est vous qui voulez montrer que vous connaissez tout ça. C’est la méconnaissance. Donc je comprends ces personnes là.

Mais on continue notre travail pédagogique en rappelant à ces personnes là que nous sommes dans le cadre de nos actions civiques et c’est ce que la loi, la constitution en son article premier nous recommande. Alinéa 26 si ne me trompe pas, "chaque citoyen a le devoir de défendre les lois de la République, la constitution et tous les réglements". C’est ce que nous faisons. Ça surprend certaines personnes parce qu’elles ne sont pas dans cette culture là de défense de leurs droits et de leurs textes.

 Est ce que le syndicalisme a encore sa place au Gabon face à un gouvernement ou à des autorités quelque peu aussi sourdes ?

Geoffroy Foumboula Libeka : Le syndicalisme aura toujours sa place comme la société civile. Le fait qu’on a un gouvernement ou des gouvernants qui violent de façon continue les textes, ne va pas pousser également les syndicats à accompagner le gouvernement dans ces violations. Pourquoi ? Parce que la violation ici des texte revient à ne rien faire. Parce que si le texte dit en tant qu’organisation de la société civile vous défendez les droits de l’homme et vous dites que comme le gouvernement viole les droits de l’homme, nous on ne défend pas, vous aussi vous violez les textes parce que vous ne remplissez plus vos missions. La société civile aura toujours sa place, le syndicalisme aussi. Parce que ce sont des missions qui sont les leurs. Et une fois qu’ils vont arrêter de remplir ces missions, ils vont se retrouver aussi comme les gouvernants entrain de violer ces missions là.

 Un mot de la fin à l’endroit des autorités ?

Geoffroy Foumboula Libeka : C’est rappeler à ces autorités que le Gabon, déjà nous sommes pas nombreux. En réalité au dernier recensement, la population de 2013 on avant recensé 1,8 million. Comme vous le savez, ce ne sont pas uniquement des gabonais. Quand on enlève les expatriés, nous sommes autour de 1 millions 400 milles personnes. Nous ne sommes pas nombreux. L’Etat aura tout à gagner à respecter les acteurs de la société civile, laisser ces derniers faire leur travail. C’est pour leur propre bien afin de montrer à l’opinion nationale et internationale que la liberté d’expression, les droits de l’homme au Gabon ne sont pas que d’apparence, c’est une réalité.

Mais tant que l’Etat continuera à agir comme comme ils le font, comme un cartel qui qui viole tout parce qu’ils estiment qu’ils ont l’autorité et autres, nous en tant qu’acteurs de la société civile nous allons continuer à nous battre. C’est pourquoi j’invite les professionnels, les 100 000 fonctionnaires gabonais, les près de 50 000 agents du secteur privé à se mobiliser, à ne pas se montrer coupable de cette injustice exercée sur leur leader qui à travers ses combats, a permis aux fonctionnaires comme aux agents du privé de bénéficier de beaucoup de gratifications comme les PIP.

On en parle parce que les gens comme les Jean-Rémy Yama à travers la Dynamique Unitaire, se sont battus, ont fait don d’eux pour pouvoir être ce qu’ils sont aujourd’hui. Donc on doit tous se mobiliser. Je vais clore maintenant. Ce que je souhaite que les gens retiennent c’est que les procédures engrangées ont pour objectif de maintenir Jean-Remy Yama en prison au moins pendant 652 jours en détention. De façon à ce qu’il puisse sortir au plus tard le 10 décembre 2023.

L’autre fait, en radiant Jean-Remy Yama des effectifs de la Fonction publique, on l’empêche d’avoir droit à sa retraite. En le radiant, on l’empêche d’exercer son combat syndical. Parce qu’en étant radié, il ne peut plus prétendre être leader d’une confédération syndicale. En le radiant et en le privant de solde, le système veut totalement détruire sa personne et sa famille. Pour preuve, son épouse est décédée récemment de problèmes de santé.

Les enfants sont quasiment abandonnés à eux-mêmes. Ils n’ont plus de père parce qu’en prison. Ils n’ont plus de mère parce que décédée. Vous avez quelque fois des enfants à bas âge, ils sont en location, d’aucuns sont scolarisés. En plus du trouble moral de ne plus avoir leurs parents auprès d’eux, ces enfants aujourd’hui on un autre trouble psychique. Quel sera leur avenir ? Comment est ce qu’ils doivent vivre chaque jour ? Comment vont ils faire pour manger ? Ainsi de suite. Il faut qu’on cesse avec ça parce qu’on est humain. On ne va pas être solidaire de cette malédiction que souhaite nous faite partager les gouvernants.

Monsieur Geoffroy Foumboula Libeka la rédaction d’info241 vous remercie pour avoir répondu à ses questions !

Geoffroy Foumboula Libeka : C’est moi qui vous remercie et bonne continuation.

Propos recueillis par BBO

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