Perspectives

Tidjane Thiam, modèle de réussite pour la jeunesse africaine qui étudie en France

Tidjane Thiam, modèle de réussite pour la jeunesse africaine qui étudie en France
Tidjane Thiam, modèle de réussite pour la jeunesse africaine qui étudie en France © 2015 D.R./Info241

Tidjane Thiam, franco-ivoirien, profite de son aura pour souligner les failles d’un système français incapable de faire de la place aux minorités africaines qui constituent une élite reléguée à des postes de direction de second plan. Le brillant économiste remplacera l’américain Brady Dougan à la direction de la prestigieuse banque du Crédit Suisse en juin prochain a-t-on appris ce mercredi du journal économique en ligne « Bilan ».

Moov Africa

Son management qui a conduit le rachat par Prudential des activités asiatiques d’AIG remet en lumière le charismatique patron du groupe anglais né en Côte d’Ivoire, l’ancien polytechnicien M. Tidjane Thiam.

« Je suis noir, francophone et je mesure 1,93 mètre ». Voila comment Tidjane Thiam se décrit lui-même à un chasseur de tête britannique venu lui proposer un poste chez Aviva en 2002. Ce polytechnicien franco-ivorien a alors 40 ans et travaille pour le cabinet international d’études McKinsey. Pourtant, il préfère prévenir son interlocuteur qui lui propose de se rendre à un entretien pour un poste chez le premier assureur du Royaume-Uni.

A cette époque, Tidjane Thiam est échaudé par toutes les difficultés qu’il rencontre pour trouver un poste à la hauteur de ses ambitions en France. Pourtant, son CV n’est pas censé laisser les recruteurs indifférents. Issu d’une famille de Côte d’Ivoire, fils d’un ancien ministre ivoirien de l’Information et d’une mère analphabète jusqu’à ses trente ans, Tidjane Thiam a intégré la crème des écoles française dans un parcours sans faute.

Après les classes préparatoires, il empoche son diplôme de l’Ecole Polytechnique en 1984 et parade sur les Champs Elysées un 14 juillet. Il décroche aussi un diplôme d’ingénieur civil des Mines de Paris en étant majeur de promo en 1986. La même année, il complète ce parcours par un MBA à l’Insead.

La lutte contre la discrimination qu’il a vécue en France devient l’un de ses combats. Dans un texte intitulé « Qu’est-ce qu’être français », écrit pour le think -tank « L’Institut Montaigne », l’homme raconte sa « frustration » quand l’un de ses camarades d’école devenu chasseur de têtes lui annonce avoir rayé son nom de la liste « parce que la réponse invariablement était : profil intéressant et impressionnant mais vous comprenez…’ ».

Il se dit fatigué de heurter sans cesse ce « plafond de verre », image économique qui désigne les difficultés d’une catégorie de personne à accéder à un poste à responsabilités. Terme fréquemment utilisé pour les femmes.

Parenthèse politique

Avant l’épisode Aviva, Tidjane Thiam a fui les discriminations du monde économique pour se réfugier dans la politique. Avec là encore, un parcours exemplaire. Après ses diplômes, il prend une année sabbatique pour suivre le Programme des jeunes professionnels de la Banque Mondiale. Un programme de formation conçu pour attirer les meilleurs jeunes talents de part le monde.

En 1994, il accepte un poste de responsable du Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement que le nouveau président de Côte d’Ivoire, Henri Konan Bédié, lui propose. Il l’occupera jusqu’au coup d’Etat de décembre 1999.
En août 1998, il devient ministre du Plan et du Développement de son pays natal. Cette même année, il a été sélectionné parmi les « 100 leaders les plus prometteurs de demain » du Forum de Davos (Young Global Leaders of Tomorrow).

Il est élu membre du Dream Cabinet en 1999 et du Conseil Consultatif de l’Institut de la Banque Mondiale. Avec ses petites lunettes et son sourire en coin, Tidjane Thiam séduit jusqu’à Tony Blair. Le premier ministre britannique de l’époque le choisit pour être l’un des membres de sa Commission pour l’Afrique.

Retour aux affaires économiques

En 2002, Tidjane Thiam ferme la parenthèse politique en acceptant un poste chez Aviva, en tant que directeur de la stratégie et du développement. Il opte pour cette Grande-Bretagne qu’il dit « très tolérante et extrêmement ouverte ».

Ambitieux, Tidjane Thiam gravit rapidement les échelons pour devenir directeur général du premier assureur en Grande-Bretagne. Aussi, lorsqu’il décide de « rétrograder » au poste de directeur financier chez le concurrent Prudential en septembre 2007, la nouvelle surprend.

« Ce n’est pas courant. Ca n’arrive quasiment jamais sauf quand les directeurs dirigent des divisions beaucoup plus petites », écrit Gavin Hinks, journaliste britannique. « Tidjane Thiam est à l’évidence quelqu’un de très talentueux et d’ambitieux. C’est clairement quelqu’un qui est pressenti pour le sommet et qui ne devrait pas rester directeur financier très longtemps ».

Le journaliste avait vu juste. En octobre 2009, Tidjane Thiam devient directeur général de Prudential. Il devient au passage le premier noir à la tête d’une multinationale de l’indice FTSE 100. La City aussi est sous le charme. A tel point qu’elle applaudit des deux mains sa promotion.

Aujourd’hui encore, les choix stratégiques du polytechnicien font l’unanimité. Le dernier en date vers l’Asie ne déroge pas à la règle. Cinq mois après son arrivée à la tête de Prudential, le groupe part à la conquête du plus gros marché émergent au monde.

Quand Tidjane Thiam a officialisé le rachat des activités asiatiques d’AIG par une transaction colossale de 35,5 milliards de dollars, la nouvelle a enthousiasmé toutes les places financières des Etats-Unis à l’Asie en passant par l’Europe. Au passage, Prudential a aussi renoué avec les profits en 2009, avec un bénéfice net de 676 millions de livres (environ 755 millions d’euros) sur l’exercice écoulé, contre une perte de 396 millions de livres (493 millions d’euros) un an plus tôt.

Si Tidjane Thiam a la double nationalité française et ivoirienne, il est bien plus que cela. Son père, Amadou Thiam était un journaliste sénégalais ayant émigré en Côte d’Ivoire en 1947. Et le frère de celui-ci, Habib Thiam, a été l’un des hommes politiques les plus en vu au Sénégal dans les années 1980 et 1980 : président de l’assemblée nationale de ce pays et Premier ministre par deux fois.

Des engagements et des décorations

A la tête de Prudential Plc, il mène une politique offensive qui divise jusqu’au sein même de son board. Pourtant, son intuition est souvent validée par les faits. L’épisode majeur réside dans la tentative de rachat d’AIA au printemps 2010, division Asie de l’assureur américain AIG : sous l’impulsion de Tidjane Thiam, Prudential Plc propose 35,5 milliards de dollars, une somme jugée déraisonnable par de nombreux analystes et le board de Prudential Plc le pousse alors à revoir l’offre à la baisse.

En face, AIG refuse finalement l’offre revue à la baisse. Mais un an plus tard, la valorisation d’AIA à la bourse de Hong-Kong atteint 36,5 milliards de dollars, donnant a posteriori raison à Tidjane Thiam. Mais l’opération ne se limite pas aux regrets pour Prudential Plc : la FSA (Financial Services Authority) estime que l’information du superviseur du secteur financier n’a pas été suffisante dans cette opération et Prudential Plc est condamné à une amende de 30 millions de livres Sterling.

En 30 ans de carrière, Tidjane Thiam a donc alterné entre contrats privés et engagements publics. Il s’est également largement impliqué dans de nombreux programmes comme l’Africa Progress Panel, le Council of the Overseas Development Institute de Londres ou le Partenariat pour l’avenir initié en 2013 par le gouvernement français. Egalement membre du conseil consultatif de la Banque Mondiale, il préside le groupe d’experts sur les investissements dans les infrastructures du G20.

Carrière et engagements qui ont valu à Tidjane Thiam une série de décorations et citations : Alumnus of the Year en 2007 selon l’INSEAD, Personnalité noire la plus influente du Royaume-Uni en 2010 et 2011 selon The Powerlist, chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur en France en 2011, membre des « 50 personnalités africaines les plus influentes au monde » selon le magazine Jeune Afrique en 2014.

C’est fort de ce parcours exceptionnel que l’homme arrive à la tête de Credit Suisse. Une mission périlleuse après les orages traversés par la grande banque depuis cinq ans. Mais un challenge à la mesure de ce dirigeant audacieux et intuitif qui a toujours su anticiper les évolutions du secteur où il évoluait. Une qualité précieuse pour piloter le navire zurichois en 2015.

Le pedigrée du côté maternel n’est pas moins fameux : Marietou Thiam, sa mère était la nièce de Felix Houphouët-Boigny, fondateur de la Côte d’Ivoire et président du pays pendant 33 ans (de 1960 à 1993). Tidjane Thiam a donc baigné dans un environnement de pouvoir et d’influence.

Avec Le Figaro et Le Bilan

@info241.com
Moov Africa

Newsletter de Info241.com

Inscrivez-vous maintenant pour recevoir notre newsletter quotidienne


Info241.com s'engage à ne pas vous envoyer de messages non sollicités. Si vous changez d'avis, vous pourrez vous désabonner de cette newsletter à tout moment.

Commenter l'article