Déguerpis de Plaine Orety : le gouvernement gabonais justifie la méthode forte et assume l’émotion

Le gouvernement est monté au créneau ce 8 juin à travers une déclaration fleuve du ministre du Logement, de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Cadastre, Ludovic Megne Ndong, pour tenter de désamorcer la vive émotion suscitée par le déguerpissement musclé observé à Plaine Orety. Invité d’un plateau spécial sur Gabon 1ère, le membre du gouvernement a livré une communication détaillée, défendant la légalité de l’opération tout en reconnaissant la dureté sociale du moment.

Un projet « ancien et d’utilité publique »
Dès l’entame de son intervention, le ministre a tenu à replacer l’opération dans son contexte historique et juridique. Il a rappelé que la vallée Sainte-Marie, et particulièrement le quartier de Plaine Orety — situé derrière l’Assemblée nationale —, a été depuis plusieurs décennies classée parmi les zones destinées à accueillir les projets structurants de l’État. Ce statut avait déjà permis, par le passé, la construction de l’Assemblée nationale (palais Léon Mba) et de la maison Georges Rawiri.
En 2018, une réserve foncière a été constituée derrière l’ambassade de Russie afin d’y implanter d’autres représentations diplomatiques. Selon Ludovic Megne Ndong, les gouvernements successifs avant le 30 août 2023 auraient mené un recensement des biens bâtis, indemnisé les occupants, et proposé des zones de relogement — notamment à Alenakiri, dans la commune d’Owendo.
Mais depuis lors, plusieurs irrégularités ont été relevées : « certaines personnes indemnisées ne sont jamais parties, d’autres ont revendu leurs terrains sans en mentionner la situation juridique », a expliqué le ministre, évoquant une « squatterisation » progressive du site.
Une procédure encadrée et conforme à la loi
Le membre du gouvernement a insisté sur le fait que l’opération de déguerpissement respecte les textes en vigueur. Il a cité la loi n°6/61 du 10 mai 1961 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, ainsi que les ordonnances de 1983 et 2012 relatives à l’urbanisme.
Un décret de déclaration d’utilité publique aurait été validé en conseil interministériel en janvier 2024, adopté en conseil des ministres et promulgué en février. Ce texte prévoit un délai d’expropriation d’un mois, avec possibilité de déguerpissement immédiat des occupants sans titre dès sa publication.
À la suite de cela, plusieurs démarches ont été entreprises : saisine du tribunal de première instance de Libreville pour obtenir les jugements d’expulsion, mobilisation des brigades spéciales de l’urbanisme, concertation avec le maire de Libreville, émission d’un arrêté de cessibilité par le gouverneur et distribution d’assignations individuelles d’expulsion entre juin et octobre 2024.
Une concertation sur plusieurs mois
Le ministre a affirmé que les populations concernées avaient été sensibilisées à plusieurs reprises. Cinq missions de terrain auraient été organisées, entre août 2024 et fin mai 2025. « Tout le monde savait depuis une dizaine d’années que l’État avait des projets sur cette zone », a-t-il martelé. Certaines personnes auraient déménagé volontairement, mais d’autres auraient poursuivi des travaux malgré les avertissements répétés des autorités.
L’émission de près d’une heure de Gabon 1ère
Le reportage diffusé sur Gabon 1ère pendant l’émission a montré les destructions opérées dans une atmosphère tendue, entre engins mécaniques et habitants impuissants. Le ministre a estimé que ces opérations sont indispensables au développement national : « Nous n’avons pas le choix. Il faut ouvrir les bassins versants, développer la cité, améliorer la circulation. C’est à ce prix que nous avancerons ».
Une parole officielle en quête d’apaisement
Face à la détresse humaine provoquée par l’opération, Ludovic Megne Ndong a néanmoins reconnu que l’impact social reste une préoccupation majeure. « Le gouvernement reste attentif aux situations les plus préoccupantes de nos concitoyens », a-t-il déclaré, sans toutefois détailler les mesures d’accompagnement concrètes envisagées.
Il a souligné que les terres concernées sont enregistrées au nom de la République gabonaise et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), ce qui renforce, selon lui, la légitimité de l’intervention.
Une opinion divisée
Malgré ces éclairages, l’opinion publique demeure partagée. Si certains reconnaissent la nécessité de remettre de l’ordre dans l’occupation du domaine public et de concrétiser les projets de développement, d’autres dénoncent la brutalité des méthodes et l’absence de solutions de relogement dignes. Plusieurs ONG et responsables religieux ont déjà interpellé le gouvernement à ce sujet.
Reste à savoir si la déclaration de Ludovic Megne Ndong suffira à calmer les tensions. À court terme, le défi pour les autorités de transition sera de combiner impératif de développement et justice sociale, dans un contexte où chaque décision est scrutée de près par une population échaudée par des décennies de promesses non tenues.
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