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Développement du continent africain : les solutions de l’économiste Amadou SY

Développement du continent africain : les solutions de l’économiste Amadou SY
Développement du continent africain : les solutions de l’économiste Amadou SY © 2015 D.R./Info241

L’économiste Amadou Sy, membre du centre d’études et de réflexion du Mali (CERM), de l’Union des fédéralistes africains (UFA) et de l’Association diplomatique des jeunes nations unies (ADJNU) propose des pistes pour le management et le déploiement de politiques économiques efficaces, mais aussi à un véritable éveil des consciences africaines pour parvenir au développement du continent africain.

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L’Afrique et la problématique de l’éveil des consciences : le problème serait-il l’africain lui-même ? Quelles pistes pour un développement économique et social cousu sur-mesure ? S’interroge Amadou Sy l’économiste Malien, spécialiste en finance d’entreprise en contrôle de gestion et en diagnostic économique d’entreprise.

Nous vous livrons dans les lignes qui suivent, l’intégralité de son intéressante analyse parvenu à notre rédaction. Celle-ci pourrait servir d’aiguillon aux autorités politiques gabonaises et africaines qui caressent le rêve de rendre leur pays émergent. Il faudrait pour cela, souligne l’économiste, prendre en compte les réformes économiques et institutionnelles à réaliser de fond en comble pour y parvenir dans les faits au-delà de tout discours de propagande.

" Si chaque africain avait l’anxiété de s’autoflageller pour le développement socio-économique du continent à travers l’éveil des consciences et la capacité de s’outrepasser soi-même, beaucoup de pays seraient déjà dans l’aune de la profondeur de l’émergence. "

Plus de cinquante années après les indépendances, force est de constater que les pays africains restent éperdument calfeutrés dans la spirale d’une recherche de développement économique et social à outrance. La capacité de s’autoflageller, d’être imaginatif afin de réfléchir au delà du cercle vicieux construit sur la base d’une idéologie mortifère semée et auto-entretenue par l’occident, voilà la clé d’un éveil des consciences collectif pour briser le cercle macabre et sortir l’Afrique de l’ornière.

La capacité de s’autoflageller est relative à l’aune de la profondeur de la crise identitaire de l’africain lui-même. D’après Moussa Mara (ancien premier Ministre du Mali) dans son dernier ouvrage intitulé Pour un Mali meilleur, « Il s’agissait pour le colonisateur de gommer chez le noir sa conscience de sa propre identité » et cela est une réalité pour tout le continent. L’ africain a besoin de se tancer en creusant dans son passé pour comprendre son identité.

L’analyse de son passé permettra de répondre à la question d’où il vient et où il va. Malheureusement il s’y récuse et tant que cela perdurera, il restera dans cette logique lugubre et morbide importée de l’occident qui n’a fait que balkaniser les Etats africains pour mieux régner. Pour retrouver son identité perdue, l’africain doit se désagréger de l’hybridisme identitaire et l’acculturation en redevenant lui-même.

Retrouver son identité n’a de sens que si l’on retrouve ses origines, ses valeurs, ses coutumes, sa culture, sa société…Comment vivions-nous avant tout ternissement identitaire ? Pourquoi une rupture identitaire ? La réponse à ces questions se trouve au fond de nous même. Les chaînes de l’obéissance ne tombent plus du pied et des mains mais du cerveau et de la conscience.

L’africain est systématiquement dans un système de mimétisme inouï qui est antinomique à ses valeurs et à son identité. Il apprend comme le dominateur, il s’habille comme le dominateur, il bouge comme le dominateur, il consomme même l’identité du dominateur comme il consomme ses fruits importés. Le problème est bien l’africain lui-même et il doit se réveiller. Un éveil des consciences et redevenir lui-même. Toutefois, l’éveil des consciences passera également par l’aptitude de l’africain à être imaginatif.

La problématique de l’imagination est relative à la capacité de l’africain à être créatif, inventif, prendre des initiatives au delà du cercle vicieux afin de converger à coup sûr vers un développement économique et social cousu sur-mesure inclusif de nos valeurs ancestrales tout en éludant de rester dans la marge des hystérésis de l’innovation.
Pour ce faire, nous devons : mettre en place un système éducatif adéquat

Le rôle de l’éducation est primordial pour l’éveil des consciences en Afrique. Et pourtant, c’est presque innommable à quel point le système éducatif dans la majorité des pays africains laisse à désirer. En effet, c’est une lapalissade de corroborer qu’il y a un gros décalage entre le système éducatif actuel et les réalités socio-économiques - c’est le moins que l’on puisse dire. L’enseignement élémentaire n’est pas à la portée de tous.

Et l’enseignement supérieur ne forme en grande partie que des futurs chômeurs. Finalement, que doit-on faire ? La réponse à cette question est très simple. Il faut adapter le système éducatif au contexte socio économique en se focalisant non pas sur la promotion des universités comme la priorité des priorités mais plutôt sur la promotion des écoles techniques et professionnelles. Puisque, c’est la formation technique et professionnelle qui est beaucoup plus conforme à la structure actuelle de la société africaine.

De plus, quand on sait que le secteur informel qui représente la quintessence de l’économie africaine pour environ soixante dix pour cent, ne réclame pas nécessairement des diplômes universitaires mais plutôt ceux de l’école technique et professionnelle. Ce qui signifie que les Etats africains ont leur part de responsabilité pour faire de l’enseignement technique et professionnel la prioritaire dans le système éducatif. Ils doivent avant tout faire en sorte que le secteur informel se transforme en secteur formel en le réglementant tout simplement car aucun pays ou continent ne s’est développer grâce au secteur informel.

Cette réglementation devra se faire au cas par cas en tenant compte de la spécificité de certains métiers. L’enseignement professionnel est à soutenir et à privilégier car il ne devrait pas être le parent piètre du système éducatif africain. L’exemple d’un pays comme l’Afrique du Sud est indéniable pour corroborer la nécessité de se focaliser sur l’enseignement technique et professionnel. En effet, selon le National Development Plan, « l’Afrique du Sud devra former au moins trente mille artisans par an jusqu’en 2030 ».

L’objectif de ce programme consiste à réinsérer les futurs chômeurs de l’enseignement supérieur qui voudront entreprendre dans les métiers professionnels. Pourquoi les pays africains ne s’inspirent pas entre eux sur les bonnes initiatives qui réussissent au lieu de reproduire coûte que coûte ce qui se passe chez les voisins occidentaux ? La réponse à cette question se trouve dans l’irresponsabilité et très souvent même dans la cupidité et l’avidité de la majorité des dirigeants africains. Les africains doivent se réveiller, et prendre conscience que le système éducatif qu’on essaye de calquer ne nous convient aucunement.

Retrouver le patriotisme du temps de nos ancêtres

Il est évident que le patriotisme est inhérent à l’histoire bien avant toute pollution des consciences. Le patriotisme signifie l’amour de ses racines, de son peuple et de sa patrie. C’est avant tout l’amour pour les grands ancêtres du passé. Nos ancêtres vivaient placidement lorsque le dominateur a débarqué d’un coup pour imposer sa supériorité et son idéologie pour le fonctionnement de l’Afrique.

Malgré sa forte identité, sa pertinacité, sa détermination, tout simplement sa conscience, l’africain a été incapable de faire face à l’invasion du dominateur. De nos jours, personne n’est dubitatif sur la perte de l’instinct patriotique de l’africain. L’exemple est encore plus tracassant au niveau des jeunes qui rentrent dans l’armée non pas pour défendre les couleurs de la nation mais tout simplement parce qu’ils n’arrivaient pas à trouver un emploi parfois malgré des études supérieures.

Or, ces jeunes qui sont pourtant l’avenir de l’Afrique, nombre d’entre eux sont désemparés, désoeuvrés et s’immiscent dans des systèmes claniques dans le cadre du syndicalisme étudiant où les différends se géraient déjà par le « machettage » et les affrontements « opérations commandos » avec des « gros bras » qui n’ont fait que fragiliser les consciences. Nous devons retrouver le patriotisme des hommes forts tels que Sonni Ali Ber de l’empire songhaï, Amadou Sékou de l’empire peul du Macina, Nelson Mandela de l’Afrique du Sud, Thomas Sankara du Burkina Faso…Ces hommes conscients et patriotes avaient de la volonté et du cran.

Prendre en main notre autonomie financière

L’histoire exhibe que même si les indépendances ont été farouchement obtenues de haute lutte, l’après indépendances corrobore que les premiers chefs d’Etats Africains ont été élus non pas par les peuples africains mais par le dominateur (le colonisateur). En effet, le dominateur considérait que l’Afrique n’était pas suffisamment apte pour assurer son autonomie financière.

Ce qui n’est pas nécessairement vrai, puisque les africains qui ont combattus en versant leur sang croyaient à la liberté et au développement de l’Afrique par elle-même. Mais ce développement naturel et authentique que le continent pouvait placidement avoir a été immédiatement brisé pour satisfaire les exigences du dominateur et une minorité clanique africaine.

La création de l’Organisation de l’Union Africaine depuis 1963 juste après les indépendances de la plus part des pays africains a été un échec pour promouvoir le développement du continent puisque encore une fois, le dominateur assurait le financement de l’institution. En 2002, l’OUA disparait pour donner naissance à l’Union Africaine (l’UA) qui comprend actuellement cinquante quatre membres soit tous les pays d’Afrique à l’exception du Maroc.

Cela commence à porter ses fruits puisque, tout récemment réunis lors du 25e sommet à Johannesburg, les représentants des Etats membres de l’Union Africaine (UA) tablaient sur une autonomie financière de l’organisation dès 2016. Le président du Conseil exécutif de l’UA, Simbarashe Mumbengegwi a confirmé que l’institution s’est engagée à financer son propre budget de fonctionnement à hauteur de 100 % en mobilisant essentiellement des ressources domestiques.

Nous pouvons dire même si beaucoup reste à faire, que c’est une grande décision pour l’Afrique vers l’indépendance financière surtout quand on sait que les cinq plus grands pays du continent (Afrique du Sud, Nigéria, l’Algérie, Libye et l’Egypte) contribuent pour environ 65% à l’Union Africaine.

Toutefois, il faut un suivi budgétaire drastique et une gestion rigoureuse de la part des responsables de l’institution pour éviter tout dépassement budgétaire mais surtout éviter la demande d’aides financières auprès des partenaires occidentaux. Car, nous ne pouvons plus s’éterniser à quémander auprès de l’occident qui table ses propres conditions en cas d’intervention.

Par ailleurs, chaque Etat de l’UA doit être responsable et conscient afin de mobiliser ses ressources internes en mettant le salarié au cœur de l’organisation, décentraliser les institutions vers le bas (communes, cercles, régions) pour plus de transparence, converger vers une démocratie participative à gouvernance tournante qui est un modèle très intéressant proposé par José L. Mene Berre (initiateur du courant de pensée de la fédéralitude).

Au final, l’Etat doit prendre ses responsabilités et multiplier les bonnes actions pour la mobilisation des ressources internes et surtout mettre en place une gestion rigoureuse et implacable de la répartition des richesses.

Mettre en place le fédéralisme comme moteur d’une intégration régionale forte

Depuis les indépendances, le système des Etats africains est calqué sur du « made in occident ». Jusque là, ce système a été un échec total pour le développent du continent. Mais l’africain semble être désemparé, plongé dans une lugubrité inouïe et s’éternise dans une trappe de pauvreté mortifère. Donc oui, nous devons nous réveiller et prendre conscience.

Une conscience nationale et collective à travers un nouveau système « made in Africa », c’est le système de fédéralisme ou confédération helvétique. Bien entendu, il ne s’agit pas de faire du « copy-paste » du système fédéraliste Suisse mais de l’adapter (du cousu sur-mesure) au contexte africain en le disséquant profondément au préalable la sociologie et la tribalité africaine.

D’après José Mene Berre « En Suisse, le peuple est l’autorité politique suprême. Le système politique suisse se fonde sur ce principe. Le peuple suisse peut s’exprimer au niveau fédéral, cantonal et communal, sur les thèmes les plus variés et élire ses représentants au Parlement. ». Il est temps de remettre l’africain au cœur de son développement et cela se fera uniquement avec le fédéralisme qui est tout simplement une forme d’organisation des Etats permettant l’autonomie et la prise de décision collective des membres.

L’histoire peut donc changer si les africains eux-mêmes arrivent à prendre conscience pour être au cœur du système. Cela permettra l’éveil de l’africanité dans tout le continent pour la réalisation d’une véritable unité africaine. Mais pour que l’africanité ne soit pas un obstacle à la construction du fédéralisme à l’africaine cousus de fil blanc, ne faudrait-il pas une forte intégration régionale ? la réponse est oui en préparant les consciences au respect de soi et de l’autre car un peuple sans conscience est une population fragilisée et désoeuvrée.

Oui, une forte intégration régionale des peuples en tenant compte de leurs cultures, représente un lendemain meilleur. Donc au final, promouvoir le fédéralisme à travers une forte intégration régionale des peuples consiste pour l’africain de transcender ses particularismes traditionnels, ethniques, tribales et religieux pour un seul objectif : la cohésion sociale au sein des Etats fédéraux.

Une bonne politique d’intégration régionale à travers des Etats fédéraux ne peut se bâtir qu’à travers des identités nationales fortes et des spécificités ouvertes. Une intégration réussie permet aux différents peuples de partager l’espace communautaire et de vivre dans un bon climat social en parfaite harmonie.

Dans cette belle intégration proposée par le fédéralisme, l’africain ne se perçoit pas comme l’ennemi ou le dominateur puisque, chaque peuple a confiance en ses propres potentialités, chaque peuple est conscient et agit de manière collective pour le bien être de la communauté. Dans ce cas, la conscience transcende les appartenances initiales et les différences culturelles, ethniques, religieuses et tribales deviennent constructives et source de progrès mutuel.

Créer des monnaies régionales indépendantes de toute ancienne puissance coloniale

Il s’agit d’un divorce total de l’arrimage des monnaies africaines à celles occidentales. Mais prenons le cas le plus atterrant et stupéfiant qui est l’arrimage macabre et mortifère du FCFA à l’Euro qui ne fait que exalter la pauvreté et ralentir le développement dans la zone Afrique francophone depuis plusieurs décennies. Certains économistes et chefs d’Etats commencent à dénoncer ce système au point où lors du 55ème anniversaire de l’Indépendance du Tchad qui s’est déroulé à Abéché, la deuxième plus grande ville du Tchad, le président Tchadien Idriss Déby a déclaré : « Nous avons la possibilité de frapper notre monnaie comme nous voulons.

Le Franc CFA aujourd’hui c’est du papier. Frapper une monnaie coûte cher, l’Afrique, les pays qui sont concernés doivent avoir la possibilité de faire un appel d’offre au meilleur offrant à qui l’on doit s’adresser pour frapper notre monnaie et cette monnaie doit être large sur toutes ses formes. Cette question n’est pas un tabou. Celui qui veut faire de cette question un tabou va tuer l’Afrique et demain on va être condamné par les générations futures ». C’est une déclaration courageuse et juste de la part du président Tchadien puisque le Franc CFA freine effectivement le développement économique de l’Afrique.

Plusieurs études exhibent ce fait mais les dirigeants africains continuent à persister dans l’erreur. Le Franc CFA (Communauté Financière Africaine) qui a été créée en 1945, est la monnaie des pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale soit au total seize pays. En effet, c’est une monnaie qui avait été appliquée par les nazis à la France lors des cinq années d’occupation Allemande.

Après l’occupation hitlérienne, la France à travers le Général De Gaulle a tout limpidement appliqué ce système macabre à l’Afrique en faisant encore mieux puisque, les pays africains doivent impérativement verser 50 % (75 % jusqu’aux années 1990) de leurs réserves de change auprès du Trésor public français car la parité entre l’euro et le FCFA est fixe.

Le taux d’inflation est fixé par l’eurogroupe, le FCFA est imprimé au prix fort en France (Chamalières près de Lyon), les politiques sont effectuées par des experts des institutions de Bretton Woods (FMI, Banque Mondiale) et le commerce entre pays africains est bradé par cette monnaie. Les premiers responsables de ce système lugubre sont les dirigeants africains eux-mêmes.

Le fait est que, au lendemain des "indépendances", ces dirigeants corrompus qui avaient été choisi par la France pour ses intérêts ont empêtrés leurs peuples dans l’idéologie mortifère du franc CFA laquelle n’est rien d’autre que la prolongation du nazisme monétaire "applied to africa" pour déstabiliser et ponctionner le continent de ses ressources naturelles.

Les pays du maghreb comme le Maroc ou l’Algérie avaient été colonisés aussi par la France mais ont choisi de frapper leur propre monnaie et ils avaient raison puisque le constat est frappant pour ce qui concerne le niveau de développement de ces pays et celui des autres pays qui ont accepté le FCFA.

Donc oui, il faut un éveil des consciences des africains pour prendre en main leur développement en frappant des monnaies régionales dans tout le continent car l’avenir des générations futures est extrêmement menacé. Les monnaies régionales permettront le renforcement des échanges commerciaux ente pays africains, une croissance économique inclusive en moyenne à deux chiffre, le renforcement de la cohésion sociale entre communautés africaines et tout simplement la véritable convergence du continent vers l’émergence.

L’africain a son destin en main et celui ci passera forcement par un éveil des consciences en commençant à s’autoflageller soi-même sur sa conscience perdue de son identité. L’africain a été calfeutré dans un cercle vicieux lugubre dans l’objectif de ponctionner son continent de ses richesses.

Et donc, pour converger vers le véritable développement économique et social, il doit : être capable de réfléchir au delà du cercle vicieux afin d’avoir un système éducatif adapté qui répond aux besoins socio économiques et qui est primordial pour l’éveil des consciences, retrouver son patriotisme à travers ses valeurs ancestrales, mettre en place le système du fédéralisme helvétique cousu sur-mesure, prendre en main son autonomie financière et frapper sa propre monnaie.

Enfin, réveillons-nous africains pour un continent qui se veut émergent !

@info241.com
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