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60 ans « d’Unité Africaine » : entre résonances et appropriation ambiguës en CEEAC ?

60 ans « d’Unité Africaine » : entre résonances et appropriation ambiguës en CEEAC ?
60 ans « d’Unité Africaine » : entre résonances et appropriation ambiguës en CEEAC ? © 2023 D.R./Info241

Dans cette tribune libre d’Yvan Comlan Owoula Bossou, l’auteur revient sur la célébration des 60 ans de l’unité africaine le 25 mai dernier. Cette fois, l’universitaire revient sur le discours prononcé à cette occasion par le président de la commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat. Avant de s’interroger sur la « maturation de notre résiliente africanité après Panafricanisme, Négritude et aujourd’hui Afrocentricité ». Lecture.

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Le sceau de l’Unité Africaine s’est imposé dans ce contexte du mois de mai comme une évidence, en référence au 25 mai 1963, date de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Le continent s’est dès lors exprimé par la voix du Président de la Commission de l’Union Africaine, S.E. Moussa Faki Mahamat, mais il se dégage comme une sorte de malaise structurant qui jette davantage de l’ombre sur les notions d’Union et d’Unité en Afrique.

En inscrivant notre analyse dans une démarche fonctionnaliste, le constat d’une résonance tiède, voire incommode de cette journée, au sein des CERs, est ce qui se dégage de l’ensemble des régions du continent, principalement de la CEEAC, dans un contexte où le rappelle le Président de la Commission de l’UA : « L’impérieux devoir qui nous interpelle aujourd’hui avec insistance, dans cet environnement international marqué par des replis identitaires et des élans de protectionnisme, est de donner un contenu réel, dynamique à cette unité si nous sommes déterminés à bâtir l’Afrique que nous voulons. » .

Le 25 mai 1963 représente-t-il aux yeux des Africains autant que la St Sylvestre, Noël, l’ Aïd el-Fitr , la journée des droits de l’homme... ? Notons que pareil questionnement se justifie dans le contexte d’une « Afrique aux Africains » , mieux, en phase avec « L’Afrique que nous voulons » de l’Agenda 2063 dont la matérialité est toujours aussi lente, une décennie plus tard.

60 ans d’une certaine évolution, mais quid de la maturation de notre résiliente africanité après Panafricanisme, Négritude et aujourd’hui Afrocentricité ? Alors que comme l’a souligné M. F. Mahamat lors de son discours de circonstance, rappelant l’objectif d’une Afrique unie de l’OUA  : « L’Union africaine qui lui a succédé, voici une vingtaine d’année, ne s’est guère écartée de cette voie. Mieux, elle a suppléé aux insuffisances relevées sur le difficile sentier de la gestion et de la résolution des conflits, au double plan normatif et opérationnel. […] Face à une telle conjonction de circonstances et d’événements asymétriques à la volonté proclamée de nos leaders de bâtir l’Afrique que nous voulons, une réflexion s’impose à la fois pour identifier avec courage les causes profondes mais surtout d’œuvrer à traduire en acte la parole donnée, celle de nos Leaders de voir l’Afrique unie.  »

A l’heure où le débat autour de la nécessité d’avoir un identifiant pour les populations de la CEEAC, force est de constater que nous venons de rater un rendez-vous d’une importance indescriptible, avec l’Histoire. De quelles substances africaines continentales l’ « afrocentralité » devrait-elle se nourrir lorsqu’au constat, la CEEAC n’a d’aucune manière, célébré la naissance du Continent libre et aux visions, bien qu’ambiguës, d’Unité ? Alors qu’au siège de l’Union Africaine (UA), « C’est à ce titre que l’Afrique s’est mobilisée dans la plénitude de sa diversité culturelle à travers des manifestations discursives, humaines, culinaires, artistiques et autres dans l’enceinte de la Commission ». Quelle appropriation, quelle résonance au niveau des CERs ?

En effet, l’idée d’une réappropriation de la célébration des 60 ans de l’Unité Africaine est, au constat, une pâle réalité au sein de la CEEAC car on ne note aucune marque à cet effet, causant ainsi une crise de compréhension dans le principe de subsidiarité qui voudrait que l’UA soit aujourd’hui plus proche des populations à travers ses CERs. C’est dire que l’objectif d’une « africanisation », tant des savoirs, des savoir-faire, des valeurs et des savoir-être, demeure une vague vue de l’esprit en l’absence d’une réelle mobilisation qui puisse donner aux générations les plus jeunes et les moins alimentées au substrat d’une africanité sensée être responsable de notre capacité de résilience, les rudiments nécessaires. « Je sais que mes propos ramassés, tantôt sur les ombres d’un versant du continent qui ne saurait cacher les lumières qui scintillent à l’autre versant, celui des indépendances et de la victoire contre l’apartheid, celui des progrès économiques et scientifiques significatifs, des sports, des arts, de l’accroissement du rôle international de l’Afrique etc. Je n’appartiens pas à l’école intellectuelle de l’afropessimisme mais au contraire à celle d’un panafricanisme optimiste mais réaliste à la fois. Je sais que malgré les difficultés de tous ordres, l’Afrique reste caractérisée par sa grande capacité de résilience. » , disait récemment le Président de la Commission de l’UA.

Il convient de noter que l’absence, au sein des CERs, d’initiatives qui traduisent la compréhension du sacrifice entrepris par nos pères, ne sert nullement les objectifs d’une « Afrique aux Africains ». L’absence de promotion des actions expliquant le principe d’une « africanisation » de la pensée en ce siècle s’impose hélas comme un facteur d’annihilation progressive des atavismes symboliques qui tentent, parfois assez péniblement, de subsister et résister à l’acharnement culturel et scientifique qui englouti notre originalité. C’est dans cette optique que, tout en tirant la sonnette d’alarme, M. F. Mahamat rappelle que d’ « importants progrès ont été enregistrés dans différents domaines. Ils auraient pu acquérir plus de signification, n’eussent été les chocs exogènes qui sont venus accentuer les fragilités dont nos efforts s’employaient déjà à venir à bout. ».

Nous nous inscrivons dès lors dans ce qui est vraisemblablement un appel, mieux, un rappel à la prise de conscience collective mais surtout régionale, selon que les aspirations de l’Afrique libre, forte et indépendante ne sauraient être une réalité sans prendre en compte les nombreux défis auxquels nous faisons face du fait d’une « Afrique des Afriques ». « Dans ce contexte international d’affrontement des intérêts géopolitiques divergents, la volonté des uns et des autres menacent de transformer l’Afrique en terrain de bataille géostratégique, recréant de ce fait une nouvelle version de la guerre froide fort préjudiciable à l’efficacité du multilatéralisme dont dépend la paix et la sécurité mondiales. Dans ce jeu à somme nulle où les gains des autres se traduiraient par des pertes pour l’Afrique, nous devons résister à toutes les formes d’instrumentalisation de nos États membres, pris individuellement et collectivement, en partageant la forte conviction que notre avenir reste et restera conditionné par la construction patiente et méthodique de notre unité. L’Afrique doit s’unir, disait Kwame Nkrumah. » dixit M. F. Mahamat.

Yvan Comlan OWOULA BOSSOU, chercheur en Histoire des relations internationales/DHA-CREHA/UOB

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