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Quand la crise politique gabonaise aggrave celle économique

Quand la crise politique gabonaise aggrave celle économique
Quand la crise politique gabonaise aggrave celle économique © 2016 D.R./Info241

Déjà secoué par une crise économique commencée fin 2014 avec la baisse des cours du pétrole, le Gabon est désormais secoué par une crise politique qui a pris une autre dimension avec la démission du président de l’Assemblée nationale, Guy Nzouba Ndama, ce 30 mars 2016. L’analyste économique gabonais Mays Mouissi, pose son curseur sur la crise politique qui gangrène le Gabon et son incidence qui aggrave selon le spécialiste de sécurité financière, la crise économique gabonaise.

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Il faut rappeler que Mays Mouissi s’était déjà exprimé sur les ondes la chaîne de télévision francophone TV5 Monde, le 26 mars dernier, au sujet de la situation économique du Gabon, l’état des finances publiques du pays et le bilan du septennat du président gabonais Ali Bongo. Ce, dans le cadre de l’émission « Et si vous me disiez toute la vérité », présentée par Denise Epoté, directrice Afrique de TV5, .

L’intégralité de l’entretien sur la situation politique et économique du Gabon

Parlant des crises politique et économique évoquées, cette situation inédite qui présage selon l’analyste économique gabonais d’une crise institutionnelle « ne peut être sans conséquence pour l’économie nationale et la confiance des partenaires économiques du Gabon envers le pouvoir en place » . Retrouvez dans les lignes qui suivent l’intégralité de l’analyse de M. Mays Mouissi.

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De nombreux signaux d’alertes ignorés

Depuis plusieurs mois la situation économique du Gabon est préoccupante. Face à la décélération de la croissance du pays, à l’accroissement de la dette (+144% en 7 ans), l’augmentation du chômage des jeunes passé de 30% en 2009 à 35.4% selon la Banque mondiale, etc. de nombreuses voix s’étaient déjà élevées pour appeler à un retour à l’orthodoxie financière.

Si le FMI et la Banque mondiale ont régulièrement invité le gouvernement à donner une meilleure lisibilité sur la situation des finances publiques (cf. rapport d’évaluation de la performance de la gestion des finances publiques PEFA 2013, FMI), de nombreux analystes n’ont eu de cesse d’alerter sur les choix budgétaires du gouvernement.

Ce fut notamment le cas lorsque dans la loi de finances 2016 quand le gouvernement préféra augmenter le budget du ministère de la Défense de 19% pour qu’il s’établisse à 120 milliards FCFA en même temps qu’il baissait le budget de la santé de 42% lequel est passé de 99 milliards FCFA en 2015 à 57 milliards FCFA en 2016.

Figés dans des postures politiques alors que l’urgence nationale commandait de remettre de l’ordre dans les finances publiques et d’élaborer une stratégie de relance économique, l’exécutif gabonais est resté sourd y compris aux appels des élus et des membres de sa majorité.

Ainsi le député Idriss Firmin Ngari ne fut pas écouté quand il s’étonnait que les budgets n’étaient plus exécutés, Alexandre Barro Chambrier ne l’a pas été non plus quand il demandait plus de transparence sur le stock d’arriérés de l’Etat, l’ancien Premier ministre Raymond Ndong Sima encore moins quand il dénonçait dans un ouvrage des prises illégales d’intérêts effectuées par l’entourage proche du Chef de l’exécutif.

N’ayant de cesse de vouloir démontrer que les anciens du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) n’ont à leur actif qu’échecs et mauvaise gestion, l’exécutif a déconstruit certaines limites de sauvegarde des finances publiques et d’équité initiés par les anciens de sa propre majorité. Ainsi le plafond national d’endettement de 35%, initié par Paul Toungui, pour protéger le pays d’un endettement excessif n’a pas été respecté. La dette représente désormais 42% du PIB.

La distribution des subventions publiques ne respecte plus les principes républicains d’équité et d’égalité. En effet, Laure Gondjout, alors ministre de la communication, avait choisi d’étendre la subvention de l’Etat à la presse à tous les organes de presse écrite du pays, tous supports confondus. En 2016, une grande majorité de médias a été privée de subventions, la presse en ligne a été simplement exclue des bénéficiaires. Étrangement les seuls médias ayant perçus la subvention cette année sont ceux qui affichent une ligne éditoriale proche de l’exécutif.

Inquiet de certains égarements, Léon Paul Ngoulakia, a lui aussi alerté sur des violations de procédures administratives et financières par le premier cercle du Président de la République, interpellant notamment l’exécutif sur l’indispensable nécessité de revenir à l’orthodoxie financière et à la promotion au mérite. Lui non plus ne fut pas entendu.

Le risque pays accru par d’importantes démissions dans la majorité au pouvoir

Défini par Bernard Marois, Professeur à l’Université de Columbia (New York, Etats-Unis), le risque pays est « Le risque de matérialisation d’un sinistre, résultant du contexte économique et politique d’un Etat étranger, dans lequel une entreprise effectue une partie de ses activités ».

Dans le contexte économique actuelle du Gabon, la seule démarcation de députés de la majorité regroupés au sein du mouvement Héritage & Modernité, de deux (2) anciens Premiers ministres et de l’ancien Dirigeant du Conseil national de sécurité (CNS) s’est traduite dans les milieux financiers par une aggravation du risque pays représenté par le Gabon.

L’aggravation du risque pays se traduit généralement par : une baisse de la confiance des investisseurs étrangers envers le pays en risque et les autorités qui le dirigent ; une réduction des investissements étrangers lesquels sont structurants pour le Gabon ; des craintes des partenaires étrangers sur les investissements réalisés dans le pays à risque et leur pérennité ; une nouvelle de dégradation de la note souveraine du pays à risque, un cout élevé des emprunts d’Etat et donc une prime de risque en hausse.

La détermination du risque pays se fondant principalement sur le niveau du risque politique et la stabilité des institutions, il apparait clairement que la démission du perchoir du Président de l’Assemblée nationale gabonaise, membre de la majorité au pouvoir le 30 mars, suivi ce 1er avril par la démission d’une dizaine de députés de la même majorité va prêter à conséquence. Le risque pays s’est encore accru alors que les notes souveraines du Gabon ont une perspective de moyen terme déjà négative.

Compte tenu de ce qui précède, la situation économique et politique du pays impose à l’exécutif d’engager sans délai des actions à l’endroit des différents corps sociaux de la nation dans le cadre d’un dialogue, large, inclusif où serait abordés tous les questions de la vie politique, économique et sociale de la nation pour dégager un consensus national avant la prochaine échéance électorale.

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