Portrait

Blaise Paraiso, l’as de la photographie au service de l’histoire récente du Gabon

Blaise Paraiso, l’as de la photographie au service de l’histoire récente du Gabon
Blaise Paraiso, l’as de la photographie au service de l’histoire récente du Gabon © 2021 D.R./Info241

L’immortalisation de nombreux évènements historiques et l’évolution des villes à travers le monde n’ont été rendues possibles que par la magie captivante de la photographie. L’Afrique n’a guère échappé à cette logique et en a même été gavée car l’enregistrement d’un ou de plusieurs sujets en images fixes a permis de sauvegarder quantités de pans de son histoire Au Gabon, nombreuses sont les œuvres iconographiques qui racontent mieux que des vocables, l’histoire et l’évolution de ce petit pays d’Afrique centrale.

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Bien que n’étant pas le pionnier de la photographie de cet ancien territoire français d’Afrique, un dahoméen du nom de Blaise Paraiso (1900-1990) est rentré à jamais dans l’histoire du Gabon car de tous les photographes blancs et africains qui ont été présents avant, pendant et après lui, il est pour beaucoup d’historiens, le photographe le plus prolifique qu’ont connus les gabonais surtout à une période charnière de leur histoire. Retour sur l’histoire de cet africain de l’Ouest qui comme beaucoup d’autres, s’est énamouré du Gabon jusqu’à en faire sa patrie chérie.

 Présentation générale du personnage

Blaise Paraiso découvre pour la première fois le monde des vivants le 27 février 1900. Il est l’un des descendants d’une famille esclavagiste brésilienne, son patronyme en est la preuve car n’étant à consonnance africaine mais bien portugaise.

Son appareil photo le suivant comme son ombre, on dit de lui qu’il était très discret, grand, courtois et gentil. Père d’une grande famille, il appartenait à la communauté musulmane gabonaise d’antan. Il considérait le Gabon comme sa deuxième mère patrie, lui qui y avait construit toute sa vie et bâtit sa richesse.

 Cursus et début de passion

Afin d’être instruit et d’en faire un futur cadre de son Dahomey natal, les parents de Blaise Paraiso l’inscrivent à l’école urbaine de Porto-Novo dès son jeune âge. Quelques années plus tard, il finit par obtenir son Certificat d’études primaires indigènes, un diplôme d’une extrême importance durant cette époque où les instruits africains possédant un tel diplôme étaient aussi rares qu’une averse en zone sahélienne. Peu après, il suit une formation en comptabilité. Mais selon d’autres sources, le jeune Paraiso aurait arrêté l’école car l’urgence de cette période sombre de l’Afrique rythmée par la colonisation, exigeait un minimum de connaissances en lecture et en écriture pour trouver un emploi afin de subvenir à ses besoins personnels et ceux de la famille.

Charles Ntchoréré au milieu des siens, photographié par Blaise Paraiso

On dit alors qu’il apprit le métier de barbier chez un de ses nombreux oncles. Son refus de rentrer dans l’administration coloniale de l’époque réveille en lui deux passions : la recherche de la renommée et la photographie. Il se rapproche alors d’un autre oncle qui connaissait les rouages de la photographie pour y apprendre les contours de ce métier novateur, fructueux et clinquant. A cette époque étaient aussi considérés comme « évolués », les jeunes autochtones des côtes africaines qui exerçaient comme jardiniers, cuisiniers, tailleurs mais surtout photographes.

 En route pour un El Dorado : le Gabon

C’est en 1917 alors qu’il n’a que 17 ans que le jeune Paraiso décide de tenter l’aventure au Gabon. Il quitte alors le Dahomey (Bénin) à bord d’un paquebot français au wharf de Cotonou. Lui-même confiera n’avoir qu’une valise en carton dans laquelle il rangea soigneusement un rasoir, du savon à raser, une paire de ciseaux, une blouse et un blaireau. Son voyage dura trois jours. Il est bien vrai qu’à son arrivée il ne connaissait personne mais sa détermination guidait son envie de réussir, loin de ses parents et de sa terre natale.

De plus, le Gabon était pour une lui la terre rêvée pour s’accomplir, tellement de personnes en disaient du bien et tellement aussi s’y étaient déjà installés pour monter leurs affaires. Les gabonais consommaient beaucoup étranger, beaucoup n’entreprenaient pas et préféraient travailler pour l’administration coloniale ou encore pour les différentes sociétés privées européennes.

L’adaptation de Blaise Paraiso fut très facile, le climat et le paysage étant semblables à sa mère patrie. Il commença alors à exercer au Gabon comme coiffeur-barbier, l’idée étant de mettre assez d’argent de côté pour s’acheter du matériel de photographie. D’autres affirment cependant qu’à son arrivée, il commença à travailler comme comptable dans une société privée de la place mais décida une fois certaines économies faites, de se consacrer uniquement et ce dès 1925, à la photographie. Il crée son premier studio en planches au quartier Nombakélé et élit domicile non loin de celui-ci.

 Œuvres d’un monstre sacré de la photographie

Il est important de rappeler que Blaise Paraiso n’est pas le pionnier africain de la photographie au Gabon. Bien avant lui vers la fin des années 1800, il eu un sénégalais du nom de Francis Joaque qui s’installa au Gabon comme photographe professionnel et dont les services furent rendus à la mission Savorgnan de Brazza. Puis, on retrouve au début des années 1800 un certain Khalilou travaillant comme photographe pour le compte d’un commerçant sénégalais nommé Ndemba N’Diaye.

Ce n’est qu’en 1910 que certains gabonais comme Ntchougwa Artman ou encore Toussaint Madola se lance dans la photographie. Mais Blaise Paraiso fut pour tous, celui qui dans la durée immortalisa via ses prises photographiques et ses cartes postales, l’évolution de Libreville ainsi que les différents évènements clés qui s’y sont passés des années 1920 aux années 1960. Il est certes vrai qu’il fera des photos pour le Congo Brazzaville, le Congo belge (l’actuel République Démocratique du Congo) et le Bénin entre autres mais c’est en terre gabonaise que ses œuvres sont les plus représentées.

Blaise Paraiso est très vite sollicité par les populations Librevilloises afin de sauvegarder en photos, les souvenir de leurs différents évènements tels que les mariages, les baptêmes, les portraits de familles lors des réveillons de noël ou de nouvel an et même pour les photos d’identité. C’est d’ailleurs lui le pionnier de la photo reportage au Gabon. Les européens et les africains se l’arrachent et comme il fallait s’y attendre, il est approché par l’administration coloniale et en devient le photographe officiel.

Il réalise les premiers clichés de la difficile exploitation de l’Okoumé au Gabon, l’une des principales richesses naturelles qui a servi à enrichir l’administration coloniale de l’époque. C’est aussi lui qui préservera en images, les affrontements entre Gaullistes et Vichystes à Libreville car après l’appel du 18 juin du Général français Charles De Gaulle, les autorités françaises furent divisées. Certaines se rangèrent derrière Vichy qui décida de faire allégeance aux allemands après qu’ils aient envahis Paris mais d’autres choisirent de se ranger du côté de la résistance voulu et entretenue par De Gaulle.

Par ailleurs, l’une des rares images du capitaine gabonais Charles Ntchoréré lors de son séjour au Gabon entre 1937 et 1939 furent l’œuvre de Blaise Paraiso. Blaise Paraiso était aussi un passionné de la vie quotidienne qu’il n’hésitait pas à photographier. Des accidents de voitures au marchés traditionnels à ciel ouvert en passant par la prise de clichés de cérémonie religieuses.

D’autres clichés tout aussi intéressants ont immortalisé d’anciens bâtiments publics ou privés de Libreville à l’instar du groupe scolaire public durant la coloniale, de la Banque française d’Afrique plombée par la crise de 1929, la résidence de Pierre Savorgnan de Brazza, des gouverneurs coloniaux ou encore du premier président gabonais construit en 1863 et démolit en 1976, l’église Saint-Pierre des plateaux, le second bureau de poste de Libreville détruit dans les années 1960 pour qu’un troisième puisse être rebâtit, le bâtiment du télégraphe surnommé « Le câble », plusieurs quartiers comme celui du « Plateau », le célèbre hôtel central, le troisième hôpital de Libreville, le marché du bord de mer, la chambre de commerce et son inauguration en 1947, la construction du port-môle, le lycée classique devenu plus tard le lycée Léon Mba. C’est aussi Blaise Paraiso qui immortalisa la célébration et les différents évènements relatifs à l’indépendance du Gabon, lui qui était très proche de Léon Mba.

 Perte d’une partie de son héritage iconographique

On dit de Blaise Paraiso qu’il est le plus emblématique des photographes au Gabon car il a connu les trois principales révolutions photographiques de l’époque : la plaque de verre et la chambre noire, le réflex 6x6 et le réflex 24x36. Il conservait toujours tout ce qu’il prenait en photo. Mais un malheur s’abattit sur lui lors des travaux d’aménagement initiés par Léon alors maire de Libreville. Voulant donnant un nouvel aspect à la circonscription qu’il administre, Léon décida de faire détruire un certain nombre de vieilles cases dans plusieurs quartiers de Libreville.

Malheureusement, le vieux studio photo de sieur Paraiso en était une et c’est dans son antre, qu’il conservait toutes ses pellicules et ses clichés, un trésor inestimable pour plusieurs historiens. Blaise Paraiso perdit alors une grande partie de son œuvre durant cette opération de démolition. Il sauva ce qui pouvait l’être mais les plaques de verre dans lesquels il y avait les archives les plus importantes furent quasiment toutes détruites. Un trésor dont l’estimation ne saurait être évaluée.

 Mort

En 1973, Blaise Paraiso décide de se rendre dans son Bénin natal. Il faut dire que son âge avancé est devenu un fardeau bien trop à porter pour lui. Il passera sept années loin de sa seconde mère patrie pensant y revenir pour y faire crépiter un dernier flash. Ce ne fut qu’une volonté infertile car il mourut à 90 ans précisément le 10 avril 1990 à Porto-Novo lui qui avait toujours souhaité être immortalisé en photo lorsqu’il allait être conduit dans sa dernière demeure dans le pays qui lui a tout donné et à qui il aura, autant que faire se peut, tout donné en retour.

En 2003, le cinéaste et écrivain gabonais Imunga Ivanga et l’un des fils de Blaise Paraiso, Honoré Paraiso, décédé en 2013 et qui était aussi photographe, décidèrent d’immortaliser les œuvres de cet illustre disparu en organisant un exposé retraçant son immense carrière et tout le travail qu’il avait si longuement abattu. Une bibliographie de Blaise Paraiso est parue aux Editions Production 12 en 2004 et est aussi l’œuvre du même Imunga Ivanga. Rappelons à toute fin utile que Blaise Paraiso a été maintes fois décoré pour l’ensemble de ses œuvres photographiques.

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