Loi des Finances

Ntoutoume Ayi décrie « la dégradation budgétaire et financière de l’État gabonais »

Ntoutoume Ayi décrie « la dégradation budgétaire et financière de l’État gabonais »
Ntoutoume Ayi décrie « la dégradation budgétaire et financière de l’État gabonais » © 2017 D.R./Info241

La crise économique gabonaise semble se dégrader davantage. Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, s’exprimant à l’occasion d’un point de presse organisé ce jeudi à Libreville, en tant que Commissaire National en charge du Budget de l’Union Nationale (opposition), a passé au crible le projet de loi de finances rectificative 2017, adopté par le Conseil des ministres le 19 mai. En pointant la déliquescence aggravée de la situation budgétaire et financière de l’Etat gabonais.

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Selon Jean Gaspard Ntoutoume Ayi « l’état de dégradation de la situation budgétaire et financière de l’État, qu’il n’est plus possible de dissimuler ; l’irresponsabilité du pouvoir qui, dans une situation aussi critique, présente un projet de budget qui n’est ni sincère, ni crédible ; les choix politiques du pouvoir ».

Dans une déclaration au nom du parti de l’opposition l’Union Nationale portant sur le projet de loi de finances rectificative (PLFR) 2017, le Commissaire National en charge du Budget a rappelé que « le Conseil des ministres du 19 mai 2017 a adopté un projet de loi de finances rectificative pour l’exercice budgétaire en cours, non sans préciser le lien entre la nécessité de rectifier la loi de finances initiale et la négociation d’un programme avec le Fonds Monétaire International ».

C’est le lieu de rappeler que le 23 décembre 2016, a déclaré M. Ntoutoume Ayi, « la Directrice Générale du FMI et le Ministre français des finances ont réuni, à Yaoundé, les Chefs d’État de la Cémac pour discuter la situation économique et financière extrêmement préoccupante des pays de la zone. Pour éviter une dévaluation de la monnaie, les Chefs d’État ont admis l’urgence de procéder à des ajustements budgétaires et à des réformes structurelles ».

Ainsi donc, le projet de loi de finances rectificative, adopté par le Conseil des ministres du 19 mai 2017, indique le Commissaire National en charge du Budget de l’Union Nationale « n’est autre que le volet budgétaire de l’ajustement structurel que souhaiteraient présenter les négociateurs gabonais au Conseil d’administration du FMI. L’examen ce projet de loi de finances rectificative confirme : l’état de dégradation de la situation budgétaire et financière de l’État, qu’il n’est plus possible de dissimuler ; l’irresponsabilité du pouvoir qui, dans une situation aussi critique, présente un projet de budget qui n’est ni sincère, ni crédible ; les choix politiques du pouvoir ».

Dans les lignes qui suivent trouver la suite de sa déclaration.

De la situation budgétaire et financière de l’État

Le projet de budget rectificatif adopté le 19 mai 2017 fait apparaitre une charge totale arrêtée à 2.860 milliards de Fcfa, et composée ainsi qu’il suit :

Service de la dette : 1.114,9
Dépenses de personnel : 710,0
Dépenses de biens et services : 251,3
Dépenses de transfert : 191,2
Dépenses d’Investissement : 436,6
Autres dépenses : 156,0

Pour le financement de cette charge de 2.860 milliards de Fcfa, l’État ne dispose que de 1.714,6 milliards de Fcfa en ressources propres. En d’autres termes, les ressources propres ne permettent de financer que 60% des charges de l’État. Il en résulte un besoin de financement total de 1.145,4 milliards de Fcfa, pour lequel le pouvoir n’aura d’autre solution que d’endetter encore plus les Gabonais. Et seulement 281,2 milliards de Fcfa, soit moins de 25% du total à emprunter, sont destinés à financer les divers programmes d’investissement.

Il nous faut comprendre que si ce projet de budget venait à être adopté puis exécuté en l’état, la dette du Gabon augmenterait de 1.145,4 milliards de Fcfa brut en 2017. La dette publique du Gabon, qui représentait moins de 18% du PIB en 2009, et avait déjà été portée à 49% du PIB en 2016, représenterait 55,7% de la richesse nationale à la fin de l’année 2017. Bel héritage offert aux générations futures.

La situation budgétaire et financière du Gabon porte donc un nom : Faillite.

Afin que cette situation apparaisse clairement à chacun, indiquons que, une fois la dette publique qui est sa première obligation payée, l’État n’aura plus les moyens d’assurer le paiement de la totalité des salaires de ses agents. En conséquences, le Gabon doit désormais s’endetter, non seulement pour financer ses investissements, mais aussi pour son fonctionnement et ses interventions en tant que puissance publique.

Malgré l’extrême gravité de la situation, le Gouvernement s’autorise, une fois de plus, à présenter un budget qui n’est ni sincère dans sa présentation, ni réaliste dans ses prévisions, ni rationnel dans ses choix et encore moins juste dans son orientation sociale.

De la non sincérité et de la non crédibilité du projet de Budget

Le volet Dépenses

Du service de la dette

En ce qui concerne le service de la dette, nous constatons, sans grande surprise, que l’État a accumulé au cours de l’exercice 2016 un important volume d’arriérés de paiement qui représente la somme de 391,4 milliards de Fcfa : 164,6 milliards de Fcfa au titre la dette extérieure contre 226,8 milliards de Fcfa pour la dette intérieure.

La situation des engagements de l’État fait ressortir, pour l’ensemble des postes de dépenses, un niveau d’arriérés de paiements de plus de 800 milliards de FCFA. Tout porte à croire que pour l’année 2017, ces arriérés vont continuer à s’accumuler. Une grande partie d’entre eux, faute d’être effectivement payée, viendra alimenter le stock de la dette.

Ce niveau élevé d’arriérés vient ainsi confirmer la faillite financière d’un État qui n’est plus en capacité de répondre à ses engagements vis-à-vis de ses créanciers.

Des dépenses de personnel

Alors que les dépenses de personnel étaient inscrites au budget 2016 pour un montant total de 732,2 milliards de Fcfa pour un effectif de 104.272 agents, le budget rectifié les ramène à 710 milliards de Fcfa alors que les effectifs sont portés à 106.095 agents. La justification proposée par le Gouvernement est : la mise à la retraite systématique des agents atteints par la limite d’âge et les opérations d’assainissement du fichier Solde. Cela est tout simplement invraisemblable.

Les dépenses de personnel sont largement sous-estimées. Elles ne prennent pas en compte les avancements indiciaires des fonctionnaires et les cotisations de l’État-employeur à la CNAMGS. De même, les prestations familiales aux fonctionnaires ont été diminuées de 6,1 milliards de Fcfa, passant de 24,6 à 18,5 milliards de Fcfa. Cela est inadmissible.

Des dépenses de biens et services

Alors qu’il est demandé à l’État de réduire son train de vie pour faire face à la grave situation budgétaire dans laquelle le pays se trouve plongé, les dépenses de biens et services augmentent de 2,1%, pour passer de 246,2 à 251,3 milliards de Fcfa. Le Gouvernement démontre ainsi son incapacité structurelle à l’ajustement et aussi une forme de cynisme au regard des efforts qu’il fait peser sur les populations.

Des dépenses de transfert

Les subventions de l’État, qui constituent les dépenses de transfert, présentent elles aussi un certain nombre d’incongruités. Globalement, ces dépenses connaissent une baisse de 20,7%, représentant 49,8 milliards de Fcfa. Cette baisse repose principalement sur :

les prestations aux indigents, dont la subvention de 3 milliards de Fcfa a purement et simplement été supprimée.
Comment admettre ce niveau de cynisme qui conduit à sacrifier les couches les plus fragiles de la population, pour préserver le train de vie de quelques-uns sur les ressources publiques ?

Le financement des bourses des étudiants perd plus de 11 milliards de Fcfa. Il serait intéressant que le gouvernement nous dise, qui parmi nos étudiants fera les frais de cette diminution. Les pensions des agents de l’État, qui voient leur subvention diminuer de 10 milliards de Fcfa, passant de 40 milliards dans le budget initial à 30 milliards dans le budget modifié. Comment justifier cette baisse de la subvention d’équilibre du régime des pensions des agents de l’État ?

Y a-t-il eu baisse du nombre de retraités ? Comment expliquer cette baisse au moment où le gouvernement procède à la mise en retraite systématique des agents atteints par la limite d’âge ? Là aussi, l’Union nationale et l’opinion attendent des explications de la part du gouvernement.

Pendant ce temps, le dialogue d’Angondjé, dont le montant dans le budget initial était de 7 milliards, coûtera finalement au contribuable la bagatelle de 27 milliards de Fcfa. Chaque Gabonais peut ainsi constater où se situent les réelles priorités du pouvoir.

Des dépenses d’investissement

Sur un montant total de 436,6 milliards de Fcfa au titre de l’investissement, 286 milliards de Fcfa sont financés par des emprunts extérieurs. Dès lors que leur mobilisation est conditionnée par le décaissement des contreparties nationales, il ne fait l’ombre d’aucun doute que leur réalisation se trouve d’avance compromise.

L’investissement public au Gabon repose désormais sur les seuls financements extérieurs. Curieuse situation, pour un pouvoir qui n’hésite pas à revendiquer à cor et à cri son indépendance et sa souveraineté vis à vis des pays qui se trouvent être, directement ou indirectement, nos principaux bailleurs.

Le volet Recettes

Des ressources propres

Alors que les recettes pétrolières s’élevaient à 478,6 milliards de Fcfa dans le budget initial, ce chiffre est porté à 520,1 milliards de Fcfa dans le projet de budget rectificatif. Chose curieuse, pendant que les recettes fiscales liées au secteur pétrolier sont divisées par 6, pour passer de 41 milliards dans le budget initial à 6,9 milliards dans le projet révisé, l’on nous annonce que les autres recettes de ce même secteur progressent de 17%, pour passer de 437,6 milliards de Fcfa dans le budget initial à 513,2 milliards de Fcfa dans le projet de budget révisé. De toute évidence, cette prévision sur les recettes pétrolières n’est pas sincère.

Les recettes hors pétrole enregistrent quant à elles une baisse de 185,3 milliards de Fcfa, passant de 1.379,8 milliards dans le budget initial à 1.194,5 milliards de Fcfa dans le projet révisé. Le Gouvernement reconnait que cette baisse des recettes hors pétrole résulte également de la crise sociale endémique qui perturbe les administrations fiscales, comme l’ensemble des secteurs de l’administration.

Mais tout observateur averti ne peut ignorer que cette dégradation des recettes fiscales est très largement sous-estimée. Les hypothèses les plus optimistes estiment à 40% au moins la dégradation des recettes fiscales, par rapport au budget initial, soit une perte de ressources de l’ordre de 550 milliards de Fcfa. Là aussi, les prévisions budgétaires annoncées ne sont pas sincères.

Au titre des recettes diverses, le Gouvernement annonce une augmentation aussi injustifiée qu’improbable des revenus des participations, notamment 50 milliards de Fcfa de cession d’actifs. Il ne dit jamais quels actifs de l’État seront cédés pour ce montant. Le pouvoir a-t-il l’intention de procéder à la privatisation d’entreprises publiques ? Lesquelles ?

Comme le disait en ces lieux mêmes, le 28 février 2015, son vice-président, Casimir Oyé Mba, l’Union Nationale exige des mesures d’urgence, notamment :

la vente de tous les biens immobiliers acquis avec l’argent du contribuable à l’étranger depuis 2009, notamment en France, en Angleterre et aux États-Unis ;
la vente du Boeing 777 présidentiel, dont l’entretien grève lourdement les finances de l’État ; la suppression des Agences créées depuis 2009 et qui grèvent lourdement le budget de l’État sans effet ;

La suppression du système parallèle de rémunération forfaitaire dont bénéficient les agents des cabinets ministériels et politiques. La suppression de tous les contrats de contractuel hors statut et leur mutation, si besoin, en contrat statutaires. La suppression des contrats de consultants nationaux ou internationaux qui participent à servir des rémunérations extravagantes, lorsque ce ne sont des services spécieux très éloignés de l’intérêt public, à la Présidence de la République et à l’Agence Nationale des Infrastructures et des Fréquences (ANINF).

La réduction effective des budgets des Institutions, particulièrement les budgets de la Présidence de la République, de la Cour Constitutionnelle, du Sénat, de l’Assemblée Nationale, du Conseil Économique et Social, du CNC, de la CENAP et de la Commission Nationale de Lutte contre l’enrichissement illicite.

Des ressources d’emprunt

Les 1.145,4 milliards de Fcfa que le Gouvernement se propose de mobiliser en 2017 pour financer le déficit budgétaire se répartiraient ainsi qu’il suit :

Prêts projets (financement de l’investissement) : 281,2
Émissions sur titres publics (emprunt sur les marchés financiers) : 218,2
Financement non bancaire (arriérés fiscaux) : 29,1
Appuis budgétaires généraux : 616,9

Comme pour bien souligner le niveau élevé de gravité de la situation, pour la première fois de son histoire, le Gabon va devoir recourir aux appuis budgétaires généraux pour financer son déficit budgétaire. En effet, 616,9 milliards de Fcfa sont inscrits au budget de l’État au titre des tirages sur prêts programmes. Il s’agit purement et simplement d’appuis budgétaires, c’est-à-dire des ressources qui seraient prêtées au Gabon pour boucler son budget.

Ces 616,9 milliards de Fcfa proviendraient du FMI (117,9), de la Banque Mondiale (121,8), de la Banque Africaine de Développement (328) et de l’Agence Française de Développement (49,2). Ce que ne dit pas le Gouvernement, c’est que les décaissements de ces appuis budgétaires sont soumis à un ensemble de conditions que le Gabon est, en l’État actuel, loin de pouvoir remplir.

Il ne fait, ici aussi, l’ombre d’aucun doute que la dégradation du climat politique que le dialogue d’Angondjé est venu exacerber, constituera à n’en point douter un point de blocage pour la conclusion d’un programme avec le FMI. Ce programme, qui engage lourdement le Gabon pour plusieurs années, ne peut être adopté par une Assemblée Nationale intérimaire, consécutive au refus du pouvoir d’organiser les élections législatives.

L’incapacité structurelle du pouvoir à mettre un terme aux grèves récurrentes dans les régies financières, qui hypothèquent la mobilisation des ressources fiscales ; l’incapacité à réduire le train de vie de l’État ; la dissimulation des charges de l’État et l’absence de transparence dans la gestion des marchés publics, sont également autant d’éléments qui ne permettront pas aux conseils d’administration du FMI, de la Banque Mondiale, de l’AFD et de la BAD d’approuver, en responsabilité, les décaissements au titre de ces différents appuis budgétaires.

En d’autres termes, il est presque certain que ce pouvoir ne parviendra jamais à tenir les engagements d’un programme avec le FMI, donc à mobiliser les appuis budgétaires inscrits dans le projet de budget adopté par le Conseil des ministres du 19 mai 2017.

La surestimation des ressources propres, et l’incertitude sur la mobilisation des ressources d’emprunt, confirment le caractère irréaliste de ce projet de budget révisé.

Des choix politiques du pouvoir

La répartition de l’effort budgétaire, entre les différents ministères et institutions, éclaire sur les choix politiques du pouvoir.

L’absence de crédits pour les législatives confirme la préméditation du pouvoir.

Aucune dotation budgétaire n’a été inscrite pour le financement des élections législatives. Alors que le Gouvernement avait sollicité le report de celles-ci en s’engageant à inscrire leur financement dans le budget 2017, nous constatons qu’il n’en est rien et qu’il n’en a jamais rien été. Ni dans le budget initial, ni dans le budget révisé, ces dotations n’ont jamais été inscrites.

La Cour Constitutionnelle, qui a pourtant approuvé le budget initial, a cautionné cet état de fait. Le projet de budget révisé confirme bien l’intention du pouvoir de ne pas organiser les élections législatives et de laisser siéger, à l’Assemblée Nationale, des députés dont le mandat est échu depuis décembre 2016. Depuis cette date, l’Assemblée Nationale ne dispose plus de la légitimité que lui confère le suffrage universel.

Ainsi donc, contrairement à ce que voudrait faire croire le pouvoir, le report sine die des élections législatives ne résulte en rien du dialogue d’Angondjé. Le pouvoir, avec la complicité bienveillante de la Cour Constitutionnelle, n’a jamais eu l’intention d’organiser les élections législatives. La préméditation est désormais établie de manière incontestable.

Les coupes sombres dans les secteurs vitaux que sont l’éducation, la santé et le social confirment le peu d’intérêt pour le capital humain. Le secteur éducation est une nouvelle fois sacrifié. Dans l’enseignement primaire et secondaire, la réduction des dépenses de personnel, pour un montant total de 4,4 milliards de Fcfa, traduit le non remplacement des départs à la retraite. Elle se traduira par la diminution du nombre d’enseignants dans les salles de classe.

En interrompant ainsi le recrutement, donc la formation initiale des enseignants, le Gouvernement mesure-t-il les conséquences immédiates, et sur plusieurs années, d’une telle démarche ? Dans l’enseignement supérieur, les dépenses de biens et services passent de 12 à 7,4 milliards de Fcfa, soit une baisse de 38%. Les subventions, qui sont destinées aux grandes écoles et aux universités, perdent 7,5 milliards de Fcfa, passant de 70,1 à 62,6 milliards de Fcfa.

Le secteur de la Santé voit lui aussi ses moyens baisser. Cette baisse concerne les dépenses de personnel et se traduira par la diminution des effectifs des personnels de santé dans les structures publiques. Alors que notre pays n’est pas en guerre, l’État dispose d’effectifs beaucoup plus importants dans les forces de défense (21.849 personnes pour un coût de plus de 154 milliards de Fcfa) que dans celui de la santé (12.301 agents pour un coût de 72 milliards de Fcfa).

La baisse des moyens concerne aussi les biens et services, les transferts et les investissements, traduisant ainsi le peu d’intérêt que le pouvoir accorde à l’offre publique de santé pour les populations gabonaises. La prévoyance sociale se voit être amputée des moyens financiers destinés aux familles et aux plus démunis. Notamment la dotation de 3 milliards destinée aux indigents ainsi que les ressources des prestations familiales.

Les efforts de légitimation de l’imposture restent la priorité du Gouvernement

Les dépenses transversales, dont la gestion ne s’est jamais fait remarquer par sa rigueur, passent de 79,4 à 125,4, soit une augmentation de 46 milliards de Fcfa. On y retrouve entre autre les 27 milliards de Fcfa qui ont financé le Dialogue d’Angondjé.
Dans ces mêmes dépenses transversales apparaissent aussi 18 milliards de Fcfa de dotation pour un fonds d’investissement provincial. Mais la loi ne précise jamais à quels investissements provinciaux sont destinés ces financements et qui en est l’ordonnateur. Elle ne dit pas non plus à quelles conditions et selon quels critères les crédits inscrits dans cette dotation pourront être mobilisés au profit des différentes provinces.

Autre curiosité, toujours dans les dépenses transversales qui s’apparentent davantage aux fameux « projets transversaux » du début de l’ancien septennat, 22 milliards de Fcfa sont destinés au paiement des dépenses d’hébergement et de location pour les services de l’administration. Au moment où il est question de réduire le train de vie de l’État, il est curieux d’encourager l’État-SDF, en privilégiant le recours à la location de locaux dont nul n’ignore les propriétaires. Dans un État de droit, cela s’appelle « prise illégale d’intérêt ».

Le secteur de la communication, au service de la propagande du pouvoir, voit ses ressources augmenter de 31,2%, passant de 25,3 à 33,2 milliards de Fcfa. Alors que les dépenses de personnel sont en baisse dans les secteurs de l’éducation et de la santé, elles sont en hausse de 37% dans ce secteur.
Encore mieux, pour des raisons qui n’échappent à personne, une taxe spéciale, dénommée redevance audiovisuelle et cinématographique a été instituée au profit du secteur public et payée par les opérateurs privés du secteur. Laissons le soin aux acteurs du secteur de comprendre ce qui les attend.

Alors que le Gouvernement prétend que ce budget serait l’instrument d’un supposé plan de relance économique, la jeunesse et plus largement les ressources humaines, l’emploi et la formation en sont les principales victimes. Tout se passe comme si le pouvoir avait un réel souci dans sa relation à l’épanouissement et au bien-être des Gabonais.

L’État doit protéger les plus faibles et être mis au service de l’amélioration des conditions de vie des citoyens les plus fragiles. Il est inadmissible que ce soit sur la jeunesse, sur les retraités ou sur les populations, qui ont besoin de l’accompagnement social de l’État, que doivent peser l’effort d’ajustement.

* *

La crise pétrolière ne peut à elle seule justifier la situation que connait notre pays. Depuis l’année 2010, l’Union Nationale n’a eu de cesse d’alerter l’opinion sur l’amateurisme des choix économiques, budgétaires et financiers du Pouvoir établi, ainsi que la cupidité qui le caractérisait. La gravité de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le Gabon, nous donne malheureusement raison.

À l’amateurisme qui a caractérisé la gestion budgétaire du Gabon depuis 2009, à la catastrophe que représente la gestion des ressources publiques depuis 7 ans, même le FMI et la Banque mondiale, dont nul n’ignore la modération du langage et la tempérance dans les jugements, ont dû sortir de leur réserve à partir de l’année 2013. L’évaluation PEFA, qui apprécie la qualité de la gestion des finances publiques, a été réalisée au Gabon en 2016 par une équipe du FMI. Le rapport qui en a résulté laisse sans voix, tant il confirme tous les maux qui minent la gestion de nos finances publiques et que l’Union Nationale a toujours dénoncé.

La gouvernance financière n’est rien d’autre que le reflet de la gouvernance politique.

Le 27 août 2016, ce pouvoir a été massivement rejeté dans les urnes par le peuple gabonais parce que son bilan au cours des sept (7) années précédentes était catastrophique et que les Gabonais ne lui faisaient pas confiance pour sortir le pays de la crise dans laquelle il l’a plongé. Le projet de budget 2017 donne raison au peuple gabonais comme jamais.

L’Union Nationale n’a eu de cesse de le dire, ce régime conduit notre pays à la ruine. Par son amateurisme et aussi la cupidité qui le caractérise, ce pouvoir cumule les pires aberrations qui soient dans la gestion budgétaire et financière du pays.

Les partenaires techniques et financiers, dont la mission est d’accompagner le développement de notre pays, seraient bien inspirés de ne pas se faire les complices d’une manœuvre qui n’a d’autre finalité que de laisser inutilement aux générations futures une dette dont personne aujourd’hui n’est sûre qu’elle sera remboursée.

* *

Ce projet de loi de finances rectificative doit être présenté devant le parlement.

À mesdames et messieurs les députés, depuis le mois de janvier 2017, vous constituez une Assemblée intérimaire, en charge de l’expédition des affaires courantes. En conscience, vous qui tirez désormais votre légitimité et même votre capacité à agir d’une décision de la Cour Constitutionnelle, vous sentez-vous qualifiés pour engager notre pays au niveau qui vous est ici proposé ?

À l’ensemble des parlementaires, vous ne pouvez en aucun cas accepter, comme vous y invite le Gouvernement, de conduire le pays à la ruine. Si vous votez ce budget, vous en porterez la responsabilité devant le peuple souverain. Et l’histoire de notre pays vous jugera.

Je vous remercie.

Jean Gaspard Ntoutoume Ayi

Commissaire National en charge du Budget

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