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Marche vers l’indépendance

Indépendantiste, le Gabon refusa le piège de l’Union des républiques de l’Afrique centrale

Indépendantiste, le Gabon refusa le piège de l’Union des républiques de l’Afrique centrale
Indépendantiste, le Gabon refusa le piège de l’Union des républiques de l’Afrique centrale © 2021 D.R./Info241

A l’occasion du 61e anniversaire de l’Indépendance du Gabon célébrée ce 17 août 2021, la rédaction d’Info241 vous invite à redécouvrir quelque grands traits de cet aboutissement fondateur de notre Nation. Ce, au travers d’une série d’articles inédits de notre rubrique Fragments d’histoire qui prend langue habituellement, chaque lundi matin, avec l’histoire du Gabon et de ses acteurs héroïques. Ce second article s’intéresse à l’Union des républiques de l’Afrique centrale (URAC) tout d’abord proposée aux colonies françaises de la sous-région à laquelle le Gabon a dit niet pour jouir de sa totale indépendance.

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Durant plusieurs siècles, l’Afrique et les différentes régions qui la composent vivent paisiblement en s’organisant autours des règles, des valeurs et des coutumes qui définissent les sociétés traditionnelles. De puissants chefs communautaires sont les détenteurs du pouvoir exécutif et les croyances animistes régissent les comportements et les habitudes des populations.

Vers les années 1400, l’Européen se lance à la découverte de nouvelles terres, vitales pour son expansion économique, administrative et territoriale. Se servant d’arguments de circonstance tels que l’amitié et l’amour du prochain, le « colon » s’empare illégalement des territoires africains. Très vite, il s’y établit avec la mise en place d’une administration coloniale présente un peu partout en Afrique. Toute forme de résistance de guerriers ou de responsables traditionnels est réduite à néant. Les rares poches de résistance qui subsistent sont rapidement mises en mal par la puissance de tir et la force meurtrière des canons et d’armes à feu. Parmi les nombreux européens présents sur le continent, on y retrouve inéluctablement les français. Ces derniers choisissent les zones occidentale et équatoriale du continent.

Au début de 20ème siècle, l’ensemble des territoires coloniaux en Afrique est appelé « Congo français ». En 1910, l’administration coloniale française est divisée en deux pôles bien distincts : l’Afrique occidentale française (AOF) fondée en 1985 et l’Afrique équatoriale française (AEF) dont fait partie le Gabon, le Moyen-Congo et l’Oubangui-chari (Tchad) entre autres. Ce n’est qu’en 1958 que le Gabon, comme beaucoup d’autres anciennes colonies françaises d’Afrique, commença à recouvrer sa liberté après plusieurs années de revendications et d’interpellations. L’indépendance étant considéré comme « un luxe » pour les nouvelles Républiques africaines de l’époque, c’est assurément pour profiter des « joyaux » d’une telle autonomie que le Gabon voulut faire cavalier seule dans sa gestion du pays, refusant l’idée d’une Union régionale : l’éphémère Union des républiques de l’Afrique centrale (URAC).

 Genèse

Au milieu des années 1950 voire avant, certains responsables politiques français sont soucieux de l’évolution des rapports constitutionnels et politiques entre la France et ses territoires. Après l’Union française née en 1946 sous l’impulsion de la 4ème république, la métropole songe à moderniser son fonctionnement institutionnel et le statut de ses territoires. Des nationalistes modérés comme l’ivoirien Félix Houphouët-Boigny et des politiciens de l’hexagone à l’instar de Gaston Deferre, ministre français d’outre-mer collabore étroitement et présente un projet de loi visant à accélérer le processus de décolonisation et à encourager l’autodétermination des territoires africains d’appartenance française : l’accession à la souveraineté devient dès lors un rêve quasi réalisable.

Au cours du mois de juin de l’année 1956, la loi-cadre Gaston Deferre est votée et promulguée. Elle renforce un peu plus l’autonomie des territoires africains en leur octroyant un droit de gestion interne dont sont dépositaires des acteurs politiques locaux formant le pouvoir exécutif sous l’égide d’assemblées législatives. En sus, la loi-cadre a pour objectif la création d’un nouvel espace politique franco-africain : la Communauté française. Bien que toujours composée de la France, de ses départements d’outre-mer et de ses anciennes colonies, la « Communauté française » tend à faire voler en éclat le terme « territoire ».

En lieu et place, ces ex territoires français sont soumis à trois choix quant à leur nouveau statut : demeurer des territoires, devenir des départements de la République française à l’instar de la Martinique ou se muer en Républiques membres de la Communauté française. C’est cette dernière option qui sera la plus adoptée par les nouvelles républiques africaines, car celle-ci offrait un panel plus élargi en matière d’autonomie. Le vote du référendum de 1958 voit le « oui » l’emporter massivement et conditionne dans le même temps l’adoption et la mise en œuvre de la 5ème république. De 1958 à 1960, des regroupements entre républiques africaines voient le jour, signe d’une aspiration fédéraliste profonde.

Dans l’ex Afrique occidentale française (AOF), nous avions la Fédération du Mali qui fut fondée le 4 avril 1959 et qui regroupait la République soudanaise et le Sénégal. L’Union Sahel-Bénin était aussi une fédération d’ex Afrique occidentale ; elle fut fondée entre 1958 et 1959 et avait pour membres la République de Haute-Volta (actuel Burkina-Faso), le Niger, le Dahomey (actuel Bénin) ainsi que la Côte-d’Ivoire. Cette union se disloqua rapidement et devint dès mai 1959 le Conseil de l’Entente. Dans l’ancienne Afrique équatoriale française (AEF), la mise en place de l’Union des Républiques d’Afrique centrale (URAC) s’inscrivait dans le même esprit d’unification régionale.

 Qu’est-ce que l’URAC ?

LUnion des républiques de l’Afrique centrale en abrégé URAC était une fédération de républiques autonomes, toutes membres de la Communauté française. Elle a été créée le 22 février 1960 à Fort-Lamy et son texte fondamental définissait sa langue, ses symboles ainsi que ses symboles officiels. Elle comprenait la République centrafricaine, la République du Congo (ex Congo-Brazzaville) et la République du Tchad. Bien que souhaitée à la rejoindre par les membres fondateurs, la République du Gabon déclina l’invitation.

L’URAC avait pour texte fondamental, une charte constitutive composée d’un préambule et trente et un articles dont trente regroupés en cinq titres. Le préambule annonçait clairement les motivations réelles de l’union « Ayant le désir de renforcer les liens qui les unissent, de maintenir et accroître leur solidarité, et d’exprimer solennellement la conscience qu’elles ont de leur destin partagé, sur la base de leur égalité et du respect de leur autonomie ». En effet, la charte constitutive était légalement applicable car elle fut adoptée par les différentes assemblées législatives des différents membres.

La charte constitutive de l’URAC a été adoptée le 17 mai 1960 et contenait plusieurs dispositions légales pour veiller au bon fonctionnement de l’Union. Elle déterminait son but et son rôle aux articles 3 et 8 notamment «  L’union a pour but de garantir l’indépendance de ses peuples, de protéger leurs libertés et d’assurer leurs prospérités  » et celui « de garantir aux Républiques membre leur territoire et leur souveraineté ». La charte énonçait les compétences réservées à l’Union ainsi que les compétences de ses républiques membres. Elle tablait entre autres sur le financement de l’Union et sur son statut envers la France ainsi que vis-à-vis de la Communauté française.

Elle déclinait la nationalité de l’Union ainsi que sa structure organisationnelle précisément par la composition du conseil de l’Union ramifiée par sa constitution, ses compétences, l’établissement des réunions de travail, le système électoral qui donnait mandat à un président et un vice-président ainsi que les paramètres de gouvernance. L’Union disposait aussi d’une Cour suprême et prévoyait aussi la création d’autres organismes. Elle s’était aussi penchée sur la question de la circulation des biens et des capitaux.

 Quelles sont les raisons du non ralliement du Gabon à l’URAC ?

Réunis au sein de la capitale du Tchad, Fort-Lamy (Actuel N’Djaména), les républiques du Tchad, de Centrafrique et du Congo créent le 22 février 1960 l’Union des Républiques d’Afrique centrale (URAC). Ces dernières souhaitent de tous leurs vœux l’adhésion du Gabon mais son président de conseil du gouvernement, Léon Mba, soutenu par bon nombre d’acteurs politiques du pays, rejettent le rattachement lesquels préfèrent conjugués leurs efforts pour l’accession à la souveraineté internationale. La raison première de ce refus réside dans le choc psychologique donc souffre les gabonais suite à l’assujettissement du pays à l’ancien Congo Brazzaville aux temps de l’Afrique équatoriale française (AEF).

La seconde raison est la marginalisation multiforme et l’extrême négligence dont on fait montre les autorités coloniales françaises à l’égard du développement du Gabon. En effet, le Gabon avait pour pseudonyme à l’époque celui de « cendrillon d’Afrique centrale ». Son importante richesse forestière faisait de ce petit pays d’Afrique équatoriale, l’un des principaux sinon l’exportateur privilégié africain de bois à destination de la France ; les grumes d’Okoumé et les différentes espèces de bois divers étaient très prisées par la Métropole. La richesse du sous-sol gabonais n’avait par la même rien à envier à sa biodiversité à l’exemple de la région du Haut-Ogooué qui regorgeait de considérables gisements en minerais notamment l’or, le diamant et d’autres pierres précieuses.

Malheureusement pour le Gabon, toutes les recettes financières issues des différentes exportations des matières premières gabonaises servaient à l’évolution structurelle et infrastructurelle de la ville de Brazzaville, siège du pouvoir central coloniale de l’AEF. En effet, fort d’une âpre concurrence franco-belge, Brazzaville tend à se moderniser afin d’être esthétiquement semblable à la ville de Léopoldville (actuel Kinshasa), capitale de l’ex Congo-belge. Tout avait été mis en œuvre pour que des infrastructures administratives, routières et même ferroviaires puissent sortir de terre. A cette époque par exemple, le Congo Brazzaville dispose déjà d’une voie ferrée reliant sa capitale à ses autres régions par le biais du massif du Mayombe.

Aussi, ledit Congo est détenteur d’un port en eau profonde et bénéficie comme l’Oubangui-Chari ou encore le Cameroun de juteux profits provenant des recettes douanières gabonaises, laissant pour compte le principal intéressé. Le bitumage des routes est fréquent et le traitement des employés de l’administration coloniale est aux antipodes de celui mis en place au Gabon.

Logements modernes, rémunérations significatives ou encore avantages en nature sont là quelques illustrations de la différence de considération entre les deux anciens territoires français. Libreville avait un visage bien plus terne que Brazzaville. La vétusté des bâtiments administratifs fendait le cœur, le chargement et déchargement des passagers et des marchandises par les bateaux étaient d’un calvaire indescriptible, le développement infrastructurel n’existait que de nom, les liaisons téléphoniques étaient affreuses…

Toutes ces raisons irritèrent la population au plus haut point surtout les « instruits » qui savaient très bien que c’était les revenus issus du sous-sol gabonais qui servait de tremplin au développement du Congo-Brazzaville, le Gabon n’étant que la distributrice à bonbons qui ne se gavait jamais. De plus, le pays fut soumis aux moqueries de plusieurs administrateurs de colonie qui le qualifiait de « côte des mal-gens » en raison de son climat qui répudiait bon nombre d’entre eux et de son aspect miséreux et campagnard.

Par ailleurs, nombreux furent les membres de l’administration coloniale qui souhaitaient se servir du Gabon pour s’enrichir en faisant du Congo français, leur chasse-gardée. Tous ces agissements avaient marqué profondément la plèbe gabonaise ainsi que ses élites. Ce fut une marque inextricable dans la pensée collective. C’est pour cela que le Gabon ne voulut pas prendre le risque de servir une fois de plus, une fois de trop, les intérêts d’autrui sans d’abord contenter les siens. La longue marche vers l’indépendance presque terminée, Léon Mba n’avait Dieu que pour l’ultime matérialisation de celle-ci…

@info241.com
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