Gabon : Quand la saturation du campus de l’USTM révèle le revers des bonnes idées d’Oligui Nguema

L’Université des sciences et techniques de Masuku (USTM), dans la province du Haut-Ogooué (sud-est du Gabon), traverse une crise sans précédent depuis la rentrée universitaire. Conçue en 1986 pour accueillir à peine 326 étudiants, cette institution phare de l’enseignement supérieur gabonais fait aujourd’hui face à une explosion démographique étudiante. Avec plus de 5 000 inscrits pour seulement 800 lits disponibles, le campus de Masuku vit désormais au rythme d’un embouteillage humain et matériel, conséquence directe de la nouvelle politique gouvernementale en matière d’éducation dénonce les étudiants et leurs mutuelles qui ont débraillé dès ce jeudi en mouvement d’humeur.

En effet, la décision du président Brice Clotaire Oligui Nguema de réduire drastiquement l’envoi des étudiants à l’étranger et de limiter les orientations vers les établissements privés a provoqué un afflux massif dans les universités publiques. Si cette mesure visait à renforcer la souveraineté éducative nationale et réduire les dépenses de l’Etat, elle a été appliquée sans réelle anticipation des capacités d’accueil et d’encadrement des institutions locales. Résultat : un campus saturé, des dortoirs transformés en logements collectifs de fortune et des tensions croissantes entre étudiants et direction universitaire.
Des dortoirs transformés en camps de fortune
À Franceville, les scènes de promiscuité se multiplient. Dans les pavillons M1 et M2, initialement destinés aux couples étudiants, des dizaines de jeunes dorment désormais sur des matelas posés à même le sol. « Nous logeons parfois jusqu’à six étudiants par chambre », a confié à Info241 un responsable du Centre national des œuvres universitaires (Cnou-USTM). Les réclamations s’accumulent, certaines mutuelles dénonçant une situation indigne d’une institution de rang universitaire.
Le mouvement pacifique des étudiants hier
Le recteur de l’université, le professeur Bill Raphaël Bikanga, reconnaît les difficultés mais appelle au calme. Selon lui, cette situation « transitoire » découle d’une crise structurelle ancienne, héritée de plusieurs décennies d’oubli et d’absence d’investissement. « Nous faisons face à une pression démographique sans précédent. Nos infrastructures n’ont pas été adaptées depuis plus de trente ans », a-t-il expliqué, tout en annonçant des mesures temporaires de relogement et de réhabilitation.
“Seul le président peut apporter une solution durable”
Face à cette impasse, les étudiants du campus de Mbaya ont lancé un appel direct au président Oligui Nguema. Dans une déclaration relayée sur les réseaux sociaux, ils affirment vouloir échanger avec le chef de l’État afin d’obtenir des réponses concrètes sur les dispositions prévues pour gérer cette explosion du nombre d’étudiants. « Le président détient la vision et le plan pour faire face à cette situation, nous voulons simplement qu’il nous écoute », ont-ils affirmé.
Une autre vue des conditions de vie des étudiants
Cette démarche traduit un sentiment croissant d’abandon. Pour de nombreux étudiants, la crise actuelle symbolise l’échec d’une gouvernance centralisée où les décisions se prennent « à la haute », sans concertation avec les principaux acteurs du terrain. L’absence de plan de financement clair, conjuguée à la vétusté des infrastructures et au manque de personnel enseignant, a transformé le rêve universitaire en cauchemar collectif.
Entre héritage du régime Bongo et inertie institutionnelle
La situation de l’USTM est l’aboutissement de plusieurs décennies d’inaction sous les régimes Bongo successifs. Si le Gabon a longtemps misé sur l’envoi de ses étudiants à l’étranger, les universités locales ont, elles, été privées d’investissements structurels. Amphithéâtres exigus, laboratoires obsolètes, manque de logements et d’enseignants : tout concourt aujourd’hui à une crise généralisée.
Le recteur de l’université en appelle désormais à un plan d’urgence gouvernemental. Selon lui, seule une politique d’investissement massif permettra d’éviter l’« asphyxie » annoncée de l’USTM. Les étudiants, de leur côté, promettent de maintenir la pression jusqu’à l’obtention de solutions concrètes. Car derrière cette crise, c’est tout l’avenir de l’enseignement supérieur gabonais qui se joue — entre promesses politiques et réalités d’un campus qui craque de toutes parts.
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