Confidences : Noureddin Bongo livre son calvaire présumé entre torture, détention et accusations

L’ancien coordinateur des Affaires présidentielles du Gabon, Noureddin Bongo Valentin, a livré à la presse anglaise un témoignage inédit sur les vingt mois de détention qu’il affirme avoir subis au Gabon après le renversement de son père, Ali Bongo, le 30 août 2023. Deux premières parties de cette longue interview vidéo de 12 minutes chacune ont été publiées ce jeudi sur le site du journal conservateur londonien The Standard, la troisième étant prévue ce vendredi matin. Dans une énième opération de com, le fils de l’ex-président déchu raconte son quotidien derrière les barreaux et les « sévices » endurés. À travers ses propos, il cherche à se présenter comme victime et assure déjà qu’il ne retournera plus au Gabon alors que son procès est pourtant prévu en novembre avec sa mère.

Éduqué au Royaume-Uni, à Eton, Noureddin Bongo affirme n’avoir jamais eu d’ambition politique au Gabon. Mais après l’AVC de son père en 2018, il accepte de le soutenir et devient en 2019 coordinateur général des affaires présidentielles. Cette nomination est alors perçue comme un symbole de népotisme au sommet de l’État. Quatre ans plus tard, il est arrêté lors du putsch conduit par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, cousin de son père et désormais chef de l’État. « J’ai fait l’erreur de faire confiance à Oligui, il venait aux anniversaires de mes enfants », confie-t-il.
Les premiers sévices
Arrêté brutalement à son domicile de Libreville, Noureddin est séparé de sa femme Léa et de leurs trois enfants. Conduit au palais présidentiel transformé en centre de détention, il découvre l’envers du décor de la résidence construite par son grand-père. Les cellules sont étroites, insalubres, plongées dans l’obscurité et infestées de mauvaises odeurs. « On m’a plongé la tête dans l’eau, tasé, frappé, menacé de viol sur ma femme et ma mère », raconte-t-il, assurant avoir perdu toute notion du temps dans ces conditions.
La seconde partie de cette interview partagée sur Facebook par sa mère Sylvia
Très vite, le nouveau pouvoir met en scène son arrestation. En septembre 2023, il est présenté à la télévision nationale, assis devant des valises de billets censées illustrer les détournements massifs de la famille Bongo. « On m’a forcé à poser devant de l’argent qui n’était pas le mien », affirme-t-il. Dans le même temps, il est contraint de signer des documents sous la torture, abandonnant plusieurs biens personnels, dont un restaurant qu’il avait créé à Libreville. Ses geôliers l’accusent d’être impliqué dans des réseaux financiers allant du Qatar au Mexique, accusations qu’il rejette comme absurdes.
La famille sous pression
Sa femme Léa et leurs enfants sont retenus deux mois sous surveillance militaire dans la capitale. « Les enfants demandaient où était leur père, je devais mentir en disant qu’il était au travail », explique-t-elle. Coupée de toute communication, elle multiplie les démarches auprès d’ONG et de diplomates, mais se heurte à l’indifférence. « On nous considérait comme des victimes toxiques », ajoute-t-elle, en référence aux enquêtes en cours contre d’autres membres de la famille en France.
Sa mère, Sylvia Bongo, subit elle aussi la répression. Arrêtée pour détournement et blanchiment, elle est détenue plusieurs mois dans des conditions qu’elle juge inhumaines. Noureddin se souvient de leur première rencontre en prison : « Elle m’a dit : tu ressembles à Jésus sur la croix ». Il raconte aussi l’avoir vue battue et étranglée devant lui, scène qui provoque chez lui une explosion de colère immédiatement sanctionnée par de nouvelles violences. En mai 2025, Sylvia a même tenté de se suicider, avant d’être hospitalisée.
Un régime de torture
Durant ses vingt mois de détention, Noureddin décrit une succession de sévices destinés, selon lui, à lui arracher de faux aveux. « Tout ce qu’on voit dans les films sur la torture, je l’ai subi », assure-t-il. Il raconte avoir été attaché des nuits entières à une chaise, aspergé d’eau glacée pour masquer les hématomes, ou encore privé de sommeil par des inondations volontaires de sa cellule. Des médecins britanniques ont confirmé la présence de cicatrices et d’un tympan perforé, preuves selon lui de ces violences.
Au-delà des sévices physiques, il évoque les menaces psychologiques visant sa femme et ses enfants. Des gardes lui répétaient avoir vu Léa dans la rue et promettaient de l’agresser. « Ils savaient que c’était mon point faible », dit-il, la voix brisée. Il affirme également avoir été forcé de signer des documents pour céder les derniers actifs de sa famille, parfois jusqu’à des biens modestes. Ces humiliations, explique-t-il, avaient pour but de briser toute résistance morale.
La libération et l’exil
Après 610 jours de captivité, Noureddin et sa mère Sylvia sont libérés en mai dernier. Transférés en Angola, ils rejoignent finalement Londres où Léa et les enfants les attendent. Âgé de 33 ans, il dit souffrir aujourd’hui d’un stress post-traumatique sévère. « Un simple cri de mon enfant peut me paralyser », confie-t-il, ajoutant qu’il n’a conservé que la maison familiale de Marylebone, ses comptes ayant été vidés par le nouveau régime. Son quotidien se résume désormais à la thérapie et à la reconstruction familiale.
Avec ses parents, il a saisi la justice française, accusant cinq responsables du coup d’État de torture et d’arrestation arbitraire. Le dossier est instruit à Paris, tandis que le gouvernement gabonais nie en bloc les accusations et maintient les poursuites pour corruption. Pour Noureddin, cette bataille judiciaire est la seule manière de donner un sens à son calvaire. « Je veux simplement que mes enfants grandissent libres, qu’ils puissent choisir leur avenir », explique-t-il.
« Jamais je ne retournerai au Gabon »
Aujourd’hui, Noureddin affirme avoir tourné la page de son pays natal. S’il se décrit toujours comme un entrepreneur tourné vers l’Afrique, il admet que son retour au Gabon est exclu. « Jamais », lâche-t-il, lorsque la question lui est posée. Son récit, à la fois intime et politique, relance le débat sur la chute brutale d’une dynastie qui a gouverné le pays pendant 56 ans. Mais il soulève aussi une autre interrogation : comment une famille au pouvoir pendant plus d’un demi-siècle en est arrivée à se retrouver réduite au silence et à l’exil.
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