Face aux pressions, le Synamag exige une justice indépendante pour le Gabon après 21 jours de grève
Trois semaines après le début de leur grève, le syndicat national des magistrats du Gabon (SYNAMAG) a tenu, ce vendredi 7 février, une conférence de presse pour réaffirmer son engagement en faveur d’une justice digne et indépendante. Le syndicat dénonce le non-respect des textes législatifs récemment promulgués et les dysfonctionnements structurels du système judiciaire gabonais.
Un mouvement qui s’intensifie après trois semaines de grève
En effet, depuis le 13 janvier dernier, les magistrats gabonais sont en grève pour exiger l’application effective des textes de loi, notamment la loi n°040/2023 qui garantit une rémunération équitable et une indépendance institutionnelle des magistrats.
Les revendications principales du SYNAMAG :
Revendications | Détails | Commentaires |
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Application de la loi n°040/2023 | Mise en œuvre effective des textes garantissant l’indépendance des magistrats et une rémunération équitable. | Le SYNAMAG pointe le manque de décrets d’application nécessaires pour rendre cette loi opérationnelle. |
Amélioration des infrastructures judiciaires | Réhabilitation des tribunaux délabrés (Libreville, Port-Gentil, Franceville, etc.) et mise en service des projets inachevés (ex : tribunal de Ntoum). | Ils dénoncent des conditions de travail indignes et l’abandon des projets annoncés par le gouvernement. |
Respect des engagements gouvernementaux | Application des promesses faites en septembre 2023 par le président de la transition concernant les réformes judiciaires. | Le SYNAMAG considère que l’inaction actuelle compromet la crédibilité des autorités. |
Arrêt des manœuvres illégales | Suspension de la campagne de délivrance des cartes professionnelles, jugée illégale car sans décret d’application. | Le syndicat dénonce cette initiative comme un détournement des priorités réelles. |
Révision des moyens alloués à la justice | Allocation de budgets conséquents pour moderniser les outils judiciaires, améliorer les conditions de travail et revaloriser les salaires des magistrats. | Ils rappellent que la réforme de la justice nécessite des investissements prioritaires au même titre que ceux faits pour d’autres secteurs (défense, parlementaires). |
Arrêt des intimidations | Fin des menaces de suspension de solde des magistrats grévistes. | Le syndicat juge ces pratiques contre-productives et exige un dialogue constructif. |
Renforcement de l’indépendance judiciaire | Garantie que la justice ne soit pas instrumentalisée à des fins politiques et qu’elle reste un pilier de l’État de droit. | « Nous refusons d’être complices d’une justice instrumentalisée. » |
Reconnaissance du rôle des magistrats | Valorisation du travail des magistrats en termes de reconnaissance publique et financière. | Ils dénoncent le traitement de leurs revendications comme secondaires et demandent une place centrale dans les priorités gouvernementales. |
Modernisation des outils de travail | Dotation des juridictions en équipements modernes, notamment numériques, pour faciliter l’accès à la justice et améliorer l’efficacité des magistrats. | Le SYNAMAG insiste sur la nécessité d’investir dans des outils adaptés aux missions régaliennes. |
Lors de la conférence de presse, Landry Abaga Essono, président du SYNAMAG, a réaffirmé que ce mouvement est une lutte pour l’État de droit : « Nous ne faisons que demander le respect de la loi. Une justice indépendante ne peut exister sans l’application des textes en vigueur. Nous nous battons pour que cette justice soit un rempart pour tous les Gabonais, et non un instrument politique ».
Il a également appelé à la solidarité des magistrats en déclarant : « Chers collègues, nous devons rester unis face aux intimidations et pressions. Ce combat est le nôtre, mais il concerne aussi l’avenir du Gabon. »
Une interpellation directe au président de la transition
Lors de cette conférence, le SYNAMAG a directement interpellé le président de la transition, lui rappelant son rôle de garant des institutions et de l’indépendance de la justice. « Monsieur le président, vous avez affirmé en septembre dernier votre volonté de faire respecter la justice et les droits des magistrats. Où en est cette promesse ? », a lancé Landry Abaga Essono. Le syndicat a également questionné le président sur l’image qu’il souhaite renvoyer alors que le pays se prépare à élire un nouveau chef d’État : « Est-ce cette justice défaillante que vous voulez présenter au peuple pour solliciter sa confiance ? »
Une vue du point de presse d’hier
Le SYNAMAG a souligné que la mise en œuvre des réformes judiciaires est essentielle pour restaurer la crédibilité de l’appareil judiciaire gabonais et renforcer la confiance des citoyens envers les institutions. « Nous attendons que des actes forts soient posés pour faire avancer la justice dans notre pays. Sans cela, l’avenir de l’État de droit est en péril », a-t-il insisté.
Des infrastructures judiciaires en déclin, un constat alarmant
Le SYNAMAG a profité de cette conférence pour dénoncer la dégradation des infrastructures judiciaires dans tout le pays. Libreville, Port-Gentil, Franceville et bien d’autres villes abritent des juridictions dans un état de délabrement avancé. « Comment rendre une justice digne de ce nom dans des tribunaux où il n’y a ni eau ni électricité ? », s’est interrogé Landry Abaga Essono.
Le syndicat a également souligné l’inaction du gouvernement dans l’achèvement des projets annoncés. « Le tribunal de première instance de Ntoum, inauguré en grande pompe, reste fermé à ce jour. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de promesses non tenues. Où sont les priorités du gouvernement ? », a martelé le président du syndicat.
Des initiatives ministérielles sous le feu des critiques
Le président du SYNAMAG a également fustigé la gestion récente du ministère de la Justice, notamment la campagne d’établissement de cartes professionnelles. Cette initiative, lancée sans décret d’application comme le prévoit la loi, a été qualifiée de « manœuvre dilatoire visant à détourner l’attention des véritables enjeux ».
Abaga Essono a dénoncé les menaces voilées faites aux magistrats grévistes : « On nous menace de suspension de solde, mais ces intimidations ne feront que renforcer notre détermination. Nous ne reculerons pas tant que nos revendications ne seront pas satisfaites. »
Il a par ailleurs rappelé les engagements non tenus du gouvernement : « En septembre 2023, on nous avait promis des réformes concrètes. Trois semaines après le début de notre grève, nous constatons que rien n’a changé. Le peuple gabonais doit savoir que nous nous battons pour l’avenir de la justice, et donc pour leur avenir . »
Un appel à la mobilisation citoyenne
Le SYNAMAG a également exhorté les citoyens à comprendre les enjeux de ce combat. « Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est pour garantir les droits et libertés de chaque Gabonais. Nous ne pouvons pas rester silencieux face à une justice instrumentalisée », a déclaré Landry Abaga Essono.
Dans un message de solidarité adressé aux justiciables, il a affirmé : « Nous savons que vous êtes les premières victimes de cette grève, et nous vous présentons nos excuses. Mais sans cette lutte, nous continuerons de subir une justice défaillante, au détriment de l’État de droit. »
Une mobilisation qui continue de gagner en intensité
Alors que le mouvement entre dans sa quatrième semaine, le SYNAMAG se dit prêt à durcir le ton si le gouvernement reste sourd à leurs revendications. « Nous avons déjà démontré notre détermination. Le 13 février marquera un mois de grève, et nous n’excluons pas d’autres actions fortes si aucune avancée concrète n’est enregistrée », a conclu le président du syndicat.
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