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Présidentielle 2016

Quid du rôle des armées et forces de l’ordre gabonaises en période électorale

Quid du rôle des armées et forces de l’ordre gabonaises en période électorale
Quid du rôle des armées et forces de l’ordre gabonaises en période électorale © 2016 D.R./Info241

Le Gabon est sous tensions politiques depuis le dépôt de candidature d’Ali Bongo Ondimba à sa propre succession. L’élection du 27 août dernier s’est réalisée sans moindres incidents. Les gabonais ont voté le candidat de leur choix en toute liberté. Le verdict des urnes de ce mardi doit être conforme à la volonté du peuple gabonais. D’où les forces de l’ordre et l’armée gabonaise doivent jouer leur rôle impartial de protecteur de la sécurité du territoire national et des citoyens de tous bords politiques.

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Les forces armées et les forces de l’ordre gabonaises ont le rôle essentiel de préserver la paix et la stabilité dans le pays. Au regard de tout ce qui se trame en ce moment dans le camp présidentiel, étant donné que celui de l’opposition gabonaise revendique d’ores et déjà la victoire suite aux procès verbaux recueillis par leurs soins à travers leurs représentants, une redéfinition du rôle des armées face à de nouvelles menaces dans un pays qui n’a jamais connu de guerre civile est indispensable. Au Gabon, en France et dans bon nombre de pays francophones, nous avons coutume d’appeler l’armée « la grande muette ».

Car les conditions de réussite d’une opération militaire sont souvent liées au secret, mais en même temps l’armée a des comptes à rendre aux citoyens. Le but des journalistes est de donner un maximum d’informations, mais le journaliste est également citoyen et donc responsable dans son pays. A priori ce dialogue semble être « mission impossible ». Et pourtant, il faut bien que l’armée et les citoyens dialoguent pour maintenir un équilibre social et éviter une psychose de violence. Or, ce dialogue ne peut avoir lieu que par l’intermédiaire des médias. Comment faire ?

Bref aperçu historique du fonctionnement des forces de l’ordre et armées gabonaises

Le XXème et le XXIème siècle ont été les témoins de mutations profondes dans tous les domaines : social, économique, politique, géopolitique…. A l’équilibre des puissances de l’époque, la colonisation a succédé l’explosion de conflits complexes, souvent civils, avec d’importantes pertes humaines. En effet, pour parler plus spécifiquement du Gabon, l’armée de terre gabonaise a été créée le 6 décembre 1960 par décret du président gabonais Léon Mba. Elle est la composante terrestre des Forces armées gabonaises. Elle est composée de la Garde Républicaine, le bataillon de sapeur-pompiers, le service de santé militaire et le génie militaire.

Initialement, les forces armées gabonaises rassemblent les sous-officiers Gabonais ayant servi dans l’armée coloniale française et principalement de la 2e compagnie du 21e BIMA (Bataillon d’Infanterie de Marine) basé à Libreville. Ces éléments formeront par la suite le 1er Bataillon d’infanterie gabonaise basé au camp Ntchoréré (Libreville), composé de la 1re compagnie de combat et du Centre d’Instruction. À la suite de l’indépendance, le Gabon signe avec la France des accords de défense portant essentiellement sur l’assistance technique et la formation.

D’ailleurs, jusqu’en juin 1964, le titre de Chef d’État-Major des Forces Armées Gabonaises est d’ailleurs porté par un officier supérieur français (le colonel Gribelin puis le colonel Royer). Ce titre reviendra par la suite à des officiers gabonais dont le colonel Nazaire Boulingui à partir de 1969. Le rôle de l’armée doit être impartial, car sa mission principale est de sécuriser le territoire national et de protéger les citoyens gabonais. Il faut donc que les généraux puissent prendre de la hauteur par rapport aux événements qui vont suivre la déclaration des résultats officiels de l’élection présidentielle du 27 août denier. Indéniablement vu la coopération militaire entre Paris et Libreville, les autorités politiques françaises ont toujours joué un rôle déterminant par rapport au maintien de la paix au Gabon. Et nous pensons fortement qu’elles pèseront dans ce cas de figure présent.

En ce qui concerne les forces de l’ordre il faut signaler qu’elle sont largement assurées par la gendarmerie gabonaise, fondée en 1960, lors de l’accession du Gabon à l’indépendance. Elle a succédé au détachement de gendarmerie coloniale française affecté au territoire gabonais en 1929 par le Gouvernement général de l’Afrique Équatoriale Française. Elle est régie par les décrets du 27 avril 1982 et du 14 janvier 1983 réglementant l’organisation de la gendarmerie nationale. A l’heure actuelle, en effet, les conflits inter-étatiques régressent au profit de crises et troubles mettant en cause de façon bien plus courante la population civile.

Le terrorisme et l’instabilité territoriale peuvent atteindre n’importe quel pays, n’importe où et n’importe quand - c’est un exemple révélateur des nouvelles menaces de notre temps. Parallèlement, l’essor des moyens de communication, les avancées technologiques ainsi que la mondialisation ont favorisé l’universalisation de valeurs comme les droits de l’Homme, la démocratie. L’armée et les forces de l’ordre gabonaises ne peuvent pas se mettre en marge des avancées démocratiques des pays francophones. Car, le Gabon constitue l’exemple emblématique du retard criard dans l’intégration des valeurs d’une démocratie moderne qui impose l’alternance démocratique, la limitation des mandats présidentiels dans tous les pays qui se revendiquent ses normes indispensables pour la survie d’un Etat de droit républicain.

Le rôle des armées et des forces de l’ordre au Gabon

Dans son Rapport du Millénaire intitulé « Nous les Peuples – Le rôle des Nations Unies au 21ème siècle », le Secrétaire général de l’ONU de l’époque, M. Kofi Annan, indique que le monde se dirige vers un nouveau concept dit de « sécurité humaine » : « Alors que naguère il consistait à défendre le territoire contre les attaques extérieures, il s’agit aujourd’hui de protéger les communautés et les individus des actes de violence interne. » Ce nouveau concept englobe sept catégories de menaces qui touchent aux différents domaines d’action : la sécurité économique, la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, la sécurité de l’environnement, la sécurité personnelle, la sécurité de la communauté et enfin, la sécurité politique.

Pour ce qui est du Gabon, la gendarmerie nationale constitue une force militaire placée sous l’autorité du président de la République gabonaise, chef suprême des armées et du ministre de la défense nationale. Elle fait partie intégrante des forces de défense et de sécurité. La gendarmerie, la police et les forces armées ont pour missions principales de se conformer aux exigences de l’ONU. C’est-à-dire : de défendre le territoire ; de veiller à la sûreté publique ; d’assurer la protection des citoyens, le maintien de l’ordre et de l’exécution des lois et règlements démocratiques ; d’assurer l’action directe de la police judiciaire, administrative et militaire.

Leurs compétences s’exercent sur toute l’étendue du territoire national, ainsi qu’aux armées. En cette période électorale de tensions politiques, il n’est pas question de suivre un mot d’ordre partisan qui plongera le Gabon dans un chaos, mais pour tous les grands généraux, il s’agit d’être en phase avec ses missions légales des forces de l’ordre et de l’armée pour éviter toute bavure sanglante. Il n’est pas également question de laisser une milice aux ordres de prendre les rennes du territoire national au nom d’un passage en force électoral peu importe les obédiences. La volonté populaire exprimée dans les suffrages universels doit être respectée à tout prix.

La défense d’un peuple, précédemment jugée comme étant du ressort souverain des Etats individuels, devient potentiellement l’affaire de la communauté internationale ".

Ce nouveau concept traduit ainsi non seulement l’interrelation entre les individus mais aussi, plus généralement, la nature interdépendante du monde… Il met également en lumière la complexité des questions de sécurité, renforçant par conséquent la nécessité de réactions plurielles. Parce que le monde a changé, les conditions de fonctionnement et les missions des forces armées ont, elles aussi, profondément évolué dans les pays occidentaux comme dans les démocraties émergentes d’Asie centrale.

Le nouveau rôle des militaires dans les sociétés dites démocratiques

De nos jours, les militaires n’attendent plus que l’ennemi apparaisse à l’horizon ; leur attention est dirigée vers d’autres tâches telles les missions - dites de « basse intensité » - de maintien ou de rétablissement de la paix des Nations Unies, de l’OTAN ou de l’Union européenne, ou la lutte contre le terrorisme ou bien encore, l’assistance aux autorités civiles en cas de catastrophes naturelles.

Ces tâches relativement nouvelles au lendemain de la Guerre Froide, ont entraîné une importante réorganisation des forces armées et une forte professionnalisation des instruments militaires allant dans certains pays comme la France, jusqu’à la suppression du système de conscription. L’objectif était de « transformer » des armées, inutilement encombrantes, en unités pouvant être rapidement déployées et capables d’opérer à travers le monde entier dans des théâtres armés sous-régionaux comme c’est le cas pour le Gabon en Centre Afrique, au Tchad. Néanmoins, ce phénomène a largement contribué à l’indifférence grandissante des citoyens vis-à-vis de leur défense nationale….

Un rapprochement entre civils et militaires, devenu indispensable pour l’idéal démocratique !

Il est évident que face à de telles mutations, le rapprochement entre militaires et civils devient essentiel, les uns et les autres occupant de plus en plus les mêmes théâtres d’opération au service d’une même cause ! Aujourd’hui, pour le Gabon, le défi principal consiste donc à promouvoir une conscience de sécurité et de défense, fondée sur des valeurs partagées entre sociétés civiles libres (démocratiques) et officiers servant dans les forces armées. Plus encore, il s’agit de favoriser l’émergence d’une communauté autour de la devise, union-travail-justice, capable de concevoir et de conduire les mutations majeures de la gouvernance, du développement et de l’universalisation du droit humanitaire. Dans ces conditions, deux chantiers deviennent prioritaires : œuvrer pour une compréhension partagée entre citoyens et militaires des risques et des menaces sur la paix et le progrès social global de l’humanité basé sur l’idéal démocratique.

Pour le cas typique du Gabon il faut urgemment instaurer un dialogue entre militaires et la société civile libre gabonaise tout en favorisant l’émergence d’une alliance sereine pour le maintien de la paix. Seule cette compréhension partagée peut permettre une prise de conscience du caractère indispensable des militaires dans la société (et d’octroyer par là-même, les moyens financiers nécessaires à leur action). Secundo, tendre vers une étroite coopération (sécuritaire) entre les différents pays. En ce sens l’expérience de l’Europe demeure un exemple historique qui mérite d’être mutualiser en Afrique et plus précisément au Gabon. Depuis la conscription et en particulier depuis la fin du XIXème siècle, l’armée s’est interrogée sur son rôle social et son rôle dans la société.

Avec la conscription, le rôle social interne, l’action sociale, étaient intimement mêlés avec le rôle social et citoyen de l’armée et des forces de l’ordre gabonaises dans la société. De fait l’armée doit incarner en période électorale un rôle social dans la préservation de l’intégrité nationale par l’intermédiaire de toutes les valeurs transmises sous les drapeaux. La formation civique, l’éducation, l’intégrité, le sens du bien commun, le goût de l’effort, le patriotisme, la liberté, toutes valeurs inhérentes aux militaires et aux forces de l’ordre gabonaises se trouvaient diffusées dans la nation toute entière. Du fait que, l’histoire politique gabonaise se rappelle des bavures des forces de l’ordre au sein de l’Université Omar Bongo en 1990, après la contestation estudiantine.

La violation des franchises universitaires est régulièrement exécutée au Gabon. Les forces de l’ordre pénètrent et son installées à l’intérieur des locaux qui abritent la plus ancienne et plus grande université gabonaise. Or, si on remonte dans l’histoire des contestations sociales estudiantines gabonaises, précisément le 17 janvier 1990, cette erreur d’actions des forces de l’ordre et armées gabonaises avait été la cause principale de plusieurs cas de violence aggravée : viols à la matraque des étudiantes dans les campus universitaires, dégradation des infrastructures universitaires, actes de vandalisme, étudiants tabassés, mort d’un étudiant dans le bâtiment baptisé Soweto.

Ces bavures condamnables ont été perpétuées en 1998, en 2005 et plus grave encore en 2009 avec les morts civils de Port-Gentil. Après l’accession contestée à la magistrature suprême d’Ali Bongo Ondimba. Les répressions policières à chaque sortie de l’opposition gabonaise et des membres de la société civile libre sont condamnables. Sans compter les arrestations arbitraires de plusieurs syndicalistes avec l’un des chefs de file, Jean Rémy Yama (SNEC et Les témoins Actifs) et membres de l’opposition Firmin Ollo (responsable des jeunes de l’Union Nationale). Et de plusieurs activistes dont Landry Amiar Washington. Or, dans la formation des agents de l’armée et des forces de l’ordre, il est mis en avant le respect de l’intégrité des citoyens, de démocratie, de la liberté d’opinions et d’expressin, la mixité sociale, les valeurs républicaines, les valeurs de solidarité, que l’histoire d’une part et la neutralité du militaire d’autre part facilitaient, chacun se sentant « propriétaire de son armée ».

La position des généraux et hauts gradés gabonais donneurs d’ordre est indispensable pour ce qui va se passer dans les heures qui suivent. Ils ne doivent pas s’exposer à une condamnation des juridictions internationales simplement par l’avidité du pouvoir d’un régime cinquantenaire dont les populations gabonaises semblent avoir librement choisi de tourner la page afin d’inscrire leur pays dans le concert des nations démocratiques. Ils ont une grande responsabilité historique dont ils doivent s’attacher à honorer à moins de vouloir être inscrits dans les nombreuses pages du côté obscur de l’histoire politique gabonaise.

A nos forces armées et forces de l’ordre, à bon entendeur patriotiquement vôtre !

Rostano Eloge Mombo Nziengui. Doctorant chercheur en littérature générale et comparée et en sciences de l’information et de la communication- P-DG Project Manager de Continental Com Corporate, Think Tanks groupe de communication publique, politique et territorial.

@info241.com
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