Présomption d’innonence

Près de 80% des détenus des prisons gabonaises y sont en détention provisoire !

Près de 80% des détenus des prisons gabonaises y sont en détention provisoire !
Bertrand Homa Moussavou (président du CNDH-Gabon) et la conférencière Marie-Anne Mboga, hier à Libreville © 2017 D.R./Info241

C’est l’une des statistiques à retenir d’une conférence débat qui s’est tenue mardi à Libreville à l’occasion de la Journée africaine de la détention provisoire, organisée par la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH-Gabon). Il ressort des communications de ces experts que le recours à la détention provisoire au Gabon est devenue quasi-automatique au point où près de 80% des détenus de la prison centrale de Libreville y séjourne sur la base de soupçons (la moyenne africaine des détenus préventifs s’élève à 34,7%), foulant ainsi au pied la présomption d’innocence.

Moov Africa

La présomption d’innocence est plutôt un droit rarement respecté par les juges gabonais qui n’hésitent pas à avoir recours à la détention provisoire ou préventive pour incarcérer les auteurs présumés de crimes ou de délits en attendant leur procès. Occasion pour l’antenne gabonaise de Commission des droits de l’Homme, de tirer la sonnette d’alarme sur une pratique qui demeure mal encadrée par le législateur gabonais.

Une pratique "automatique"

De cette conférence organisée hier au siège du CNDH-Gabon, il ressort que la pratique de la détention provisoire serait devenue automatique pour les juges d’instruction gabonais. Pourtant selon l’article 115 du Code de procédure pénale, la détention préventive est qualifiée de mesure exceptionnelle. Une exception devenue automatique pour ces juges.

Au Gabon, la durée de la détention préventive est encadrée par la loi. Elle peut aller jusqu’à 24 mois maximum pour un crime et 18 mois maximum pour les autres délits. Or, selon ces experts parmi lesquels des agents des Forces de l’ordre, acteurs de l’appareil judiciaire, membres de la CNDH, ces délais ne sont jamais respectés dans les faits. Des détenus peuvent compter parfois plusieurs années d’incarcération sans le moindre jugement des tribunaux.

Un vide juridique

Cette situation déplorable découlerait selon Marie-Anne Mboga, membre de la CNDH et animatrice de la conférence, d’un vide juridique entre le moment où le juge d’instruction envoie le dossier du détenu au tribunal ou au parquet pour qu’une audience se tienne, et le moment même de ce jugement.

« C’est une période qui n’est pas encadrée par la loi. Il peut s’écouler un temps plus ou moins long avant que la personne ne soit effectivement jugée. Ça peut être un jour, comme ça peut être dix ans. Et même si l’intéressé adresse une demande de mise en liberté provisoire, le Code de procédure pénale ne désigne pas clairement le service compétent qui doit statuer sur cette requête », a indiqué la conférencière.

Pour y remédier, la solution serait que « le législateur, sur cette question, se réapproprie le Code de procédure pénale afin de combler ce vide juridique. Qu’il enferme la question du jugement du détenu préventif dans un délai bien précis », a proposé Marie-Anne Mboga. A charge donc aux autorités concernées de prendre le taureau par les cornes pour faire cesser ces privations de liberté qui n’honore aucunement notre Justice.

Et sur le reste du continent ?

Sur le continent africain, le taux moyen des détenus préventifs s’élève à 34,7%. Aussi, les coûts directs et indirects pour l’Etat, la société et les individus, ainsi que les violations des droits fondamentaux qui découlent de cette surpopulation carcérale font de la réduction de l’usage de la détention provisoire une urgence.

Il convient de noter que la journée africaine de la détention préventive a été adoptée par le Réseau des institutions nationales africaines des droits de l’Homme (RINADH) dans la Déclaration de Yaoundé du 23 octobre 2015, suite à sa dixième conférence biannuelle tenue sur le thème "Prohibition et prévention de la torture : les succès, les défis, les opportunités et le rôle des INDH".

La Déclaration de Yaoundé recommande de "contribuer à une réduction de l’usage excessif de la détention provisoire, y compris par la promotion des réformes juridiques et des politiques pénales sur "les alternatives à l’incarcération", "les interventions para-juridiques, "les avocats de garde à des postes de police" et "l’évaluation de la détention préventive".

@info241.com
Moov Africa

Newsletter de Info241.com

Inscrivez-vous maintenant pour recevoir notre newsletter quotidienne


Info241.com s'engage à ne pas vous envoyer de messages non sollicités. Si vous changez d'avis, vous pourrez vous désabonner de cette newsletter à tout moment.

Commenter l'article