Portrait

Jean-François Ondo Ndong Owono, d’opposant à super collaborateur de Léon Mba

Jean-François Ondo Ndong Owono, d’opposant à super collaborateur de Léon Mba
Jean-François Ondo Ndong Owono, d’opposant à super collaborateur de Léon Mba © 2022 D.R./Info241

Environ six ans après l’établissement de l’administration générale de l’Afrique équatoriale française (AEF), le centre névralgique du nord du Gabon est le théâtre de la naissance d’un garçon, Jean-François Ondo Ndong Owono (1916-1972), issu d’un puissant clan de la région qui s’y serait établit depuis de longues années précisément vers le milieu du 19ème siècle. Il s’agit des Nkodjein qui auraient migré depuis l’actuel Cameroun jusqu’au Gabon en passant par l’ex Guinée espagnole, la présente Guinée Equatoriale.

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Vers la fin des années 1910, le paysage gabonais est entièrement sous-développé et seule la ville de Libreville, qui ressemble plus à un regroupement de villages qu’à autre chose, semble se métamorphoser car les Européens travaillant au sein de l’administration de l’AEF s’y établissent. Mais les missions catholiques et protestantes vont participer à l’éclosion d’un embellissement des différents environnements campagnards et contrées de cette zone géographique africaine située à proximité de l’équateur.

L’illustre disparu

De plus, l’éducation scolaire dispensée initialement par des religieux européens puis plus tard par des autochtones, va accélérer l’ascension sociale et le développement multiforme des agglomérations. Pour des jeunes comme Owono, l’école constitue la voie par excellence pour se réaliser. Il s’imprègne donc des rudiments d’écriture et de lecture en langue française, afin d’être considéré comme un « évolué » et non comme un indigène illettré. Ce statut lui ouvrira grandement les portes de l’emploi. C’est fort de son expérience professionnelle au sein de l’administration coloniale et de son niveau d’enseignement qu’il aura le mérite de faire de la politique et ce au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale.

Membre influent de l’Union démocratique et sociale gabonaise (UDSG) du renommé et très apprécié député franco-gabonais Jean-Hilaire Aubame, Jean-François Ondo Ndong Owono est viscéralement opposé à Léon Mba qui est plus asservi à la Métropole et dont les intentions ne semblent pas républicaines. Contre toute attente, il rejoindra le camp de son adversaire d’hier au terme d’un scrutin électoral entaché de manigances éhontées.

 Enfantement et origines

C’est au sein de la grande bourgade d’Akoakam précisément au village Meka’a devenu une artère de la ville d’Oyem localisée dans l’actuelle province gabonaise du Woleu-Ntem que l’accouchement de Jean-François Ondo Ndong Owono eut lieu aux environs de l’année 1916. Il est le descendant d’un certain Ndong Owono qui fonda l’importante agglomération d’Akoakam. Ce dernier était le patriarche du clan Nkodjeign et ledit clan construisit plusieurs villages dans la région.

C’est d’ailleurs la plupart de ses espaces géographiques qui forment aujourd’hui la commune d’Oyem. Cette partie du Gabon, possession française jusqu’en 1911, a été cédée le 4 novembre 1911 à l’Allemagne et rattachée au Nouveau-Cameroun ou NeuKamerun (en allemand), propriété de l’empire allemand. C’est après la bataille de Mimbeng du 6 décembre 1914 que Oyem fut réintégré au territoire gabonais en 1915 après la victoire totale de l’armée française sur les allemands.

 Cursus

Comme beaucoup de jeunes âmes de la progéniture indigène, Jean-François Ondo Ndong Owono a bénéficié d’une instruction européenne notamment française. Il a fréquenté les missions catholiques qui offraient des bases solides de l’enseignement. A cette période de l’histoire pédagogique du Gabon, un autochtone qui savait aisément lire et facilement écrire la langue du colonisateur était doté d’un très bon niveau d’études donnant accès à des postes honorables au sein de l’administration coloniale. De surcroît, le natif de Meka’a suivit par la suite une formation de comptable.

 Carrière aéfienne et joutes politiques

Dans les années 1930, Jean-François Ondo Ndong Owono intègre l’administration coloniale. Lettré, il n’eut problème aucun à être engagé dans l’organisation de l’AEF. Il ne se révolta aucunement contre la gestion socio-économique à géométrie variable des responsables européens même s’il estimait qu’ils étaient bien mieux traités que les travailleurs africains et locaux qui méritaient plus de respect et de considération. Jean-François Owono était très jeune et se sentait assez chanceux de travailler à son âge. Le poste qu’il occupait lui permettait déjà de s’autonomiser et d’apporter assistance à ses proches.

Cependant, en 1946, sa vie prend un tournant surprenant quand le Gabon comme la plupart des colonies africaines de France sont intégrées dans « L’Union française » qui est la nouvelle organisation politique de la Métropole instituant la 4ème République. Plusieurs droits sont alors accordés aux nouveaux territoires d’Outre-Mer tels que le Gabon ou encore le Moyen-Congo. Les habitants de ces régions ont désormais, à partir de la fin de l’année 1956, le choix d’adhérer à des associations ou encore de créer des partis politiques.

Léon Mba Minko, un « instruit » originaire de Libreville fonde le Comité mixte gabonais (CMG). Il est bien connu des gabonais de la capitale notamment pour avoir été condamné par les autorités locales à 10 ans d’interdiction de séjour et 3 ans de prison pour une affaire de détournements de deniers publics mais pas que. Il fut incarcéré en Oubangui-Chari (actuel) en 1931 et l’accusé qualifia cette détention de complot savamment structuré pour nuire à sa personne. Il bénéficiera d’une remise de peine et revint au Gabon en 1946.

Deux autres gabonais, eux aussi Librevillois, mettront sur pied les formations politiques que furent le Parti démocrate gabonais (PDG qui deviendra plus tard le Parti Démocratique Africain) dans lequel Paul-Marie Indjendjet Gondjout fut vice-président, et l’Union démocratique et sociale gabonaise (UDSG) appartenant respectivement à Emile Issembé, chef de bureau de l’administration coloniale , et à Jean-Hilaire Aubame, qui fut agent des services administratif et financiers au sein de l’AEF et président de la commission indigène municipale de « Poto-Poto » du 1er janvier 1944 au 10 novembre 1946 à Brazzaville. Jean-François Ondo Ndong Owono fait le choix de rejoindre l’UDSG et devient un politicien d’envergure dans le septentrion.

Adulé par les « Fangs » du Nord qui se reconnaissent en lui, Jean-Hilaire Aubame s’organise en 1947 pour implanter son entité politique dans la province du Woleu-Ntem. Il y arrive facilement et peut compter sur le soutien de Jean-François Ondo Ndong Owono. Ce dernier aide d’ailleurs sieur Aubame à se faire élire au second collège de l’Assemblée ou Conseil représentatif lors des élections du 12 janvier 1947. Ce qui lui permit plus tard de devenir député à l’Assemblée nationale française. En 1949, le sénateur gabonais au sein du Conseil d la république française décède. Des élections anticipées sont organisées en terre gabonaise, le 18 novembre 1946, pour pallier cette absence au Sénat français.

Le scrutin va opposer les poids lourds de la politique gabonaise de cette époque à savoir Léon Mba, Paul Gondjout, Jean-François Ondo Ndong Owono ou encore Louis-Emile Bigmann-Indjono, un gabonais ayant combattu aux côtés de la France durant la guerre de 14-18 et celle de 39-45 . Il a notamment cofondé et coanimé avec son cousin germain Laurent Cyr Justinien Antchouey, le journal "L’écho gabonais" sous-titré Organe d’Union et de Défense des Intérêts Généraux de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F) qui deviendra par la suite "La voix coloniale" qui serait le premier organe gabonais de presse.

Jean-François Ondo Ndong Owono est victorieux au premier tour mais doit encore subir l’épreuve du second avec comme challengers Léon Mba et Paul Gondjout. Le dernier cité remporte le scrutin en soudoyant le collège électoral qu’il avait invité festoyer à son domicile. L’enfant du Woleu laisse éclater sa colère et tente, sans succès, de faire invalider l’élection et la victoire de Paul Gondjout par le biais d’un recours.

 Rapprochement avec le camp adverse

En 1953, Paul-Marie Indjendjet Gondjout et Léon Mba décident d’unir leur force et occasionnent la naissance du Bloc démocratique gabonais (BDG) issu de la fusion de leurs formations politiques respectives. Les années passent et le BDG s’implante progressivement dans les villes de Lambaréné, de Port-Gentil et de Libreville. Paul Gondjout a à cœur avec son allié Mba de faire du BDG, la première force politique du pays devancé par l’UDSG de Jean-Hialire Aubame qui remporte d’une façon écrasante les élections locales de 1952.

Lors des nouvelles élections au Parlement ou Conseil territorial de 1956 qui avait remplacé le Conseil représentatif par le biais de la Loi-cadre Deferre du 23 juin 1956, l’UDSG dont faisait partie Jean-François Ondo Ndong Owono remporte 18 des 40 sièges à pourvoir battant à nouveau le BDG recueillant 16 sièges. Léon Mba, soutenu par des puissants forestiers français installés au Gabon et par le cercle des francs-maçons européens présents dans le pays, réussit à renverser la situation en débauchant astucieusement plusieurs élus de l’USDG. Aubame et son parti se retrouvèrent ainsi minoritaires car la stratégie de Léon Mba lui redonnait l’avantage avec 21 sièges contre 19 accrédités à son concurrent.

Jean-François Ondo Ndong Owono qui était devenu un véritable cador de la politique gabonaise au sein de l’UDSG particulièrement au sein de sa province natale rejoignit la même année le BDG ainsi que Jean-Marc Ekoh Ngyéma, Yves Henry Evouna et Jean Stanislas Migolet respectivement conseillers territoriaux du Woleu-Ntem et de l’Ogooué-Lolo. Les deux derniers furent insérés dans le conseil de gouvernement du 21 mai 1957, au sein duquel Léon Gabriel Mba Minko occupait la haute fonction de vice-président. Expliquons tout de même que les élections municipales du 18 novembre 1956 permirent à Léon Mba de devenir maire de Libreville suite à une écrasante victoire lui octroyant 19 des 27 sièges possibles.

L’année d’après précisément le 15 mai 1957, grâce à sa majorité absolue à l’Assemblée territoriale, il devint le vice-président du Conseil du Gouvernement du Gabon, la présidence étant assurée par le gouverneur français du territoire selon les décrets du 4 avril et du 22 juillet 1957. C’est cette montée politique fulgurante de l’ancien chef de canton de Libreville Nord qui finira de convaincre certains cadres d’autres partis politiques de le rejoindre au sein du BDG pour espérer entrevoir, un avenir certain dans l’administration gabonaise de demain. C’est en grande partie à cause de l’échec de la motion de censure déposée par Jean-Hilaire Aubame que plusieurs de ses soutiens firent défection au sein de l’UDSG après les avoir « invités » dans un premier temps à démissionner du Conseil de gouvernement.

En 1958, Ndong Owono se présenta à la tête du Conseil municipal d’Oyem sous l’étiquette du parti de Gondjout et de Léon Mba mais fut vaincu par son adversaire qui était lui de l’UDSG. Mais son influence et son aura ne faiblissaient pas, ce qui conforte Léon Mba d’en faire un véritable collaborateur. Jean-François Ondo Ndong Owono deviendra un maillon essentiel du régime de celui qui fut le premier président de la jeune République du Gabon. Léon Mba le nommera à plusieurs reprises à des postes de haute responsabilité comme celui de ministre des Affaires étrangères.

 Disparition

Jean-François Ondo Ndong Owono a disparu du monde des vivants en 1972, sans être sexagénaire, aux environs de l’âge de 56 ans.

@info241.com
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