Présidence à vie

Gabon, ce doux pays où seule la mort sépare ses dirigeants du pouvoir présidentiel

Gabon, ce doux pays où seule la mort sépare ses dirigeants du pouvoir présidentiel
Gabon, ce doux pays où seule la mort sépare ses dirigeants du pouvoir présidentiel © 2016 D.R./Info241

Depuis que le Gabon a obtenu son indépendance en 1960 de la France, le pays a été toujours dirigé par des hommes dont l’hégémonie n’a été écourtée que par la mort. De Léon Mba à Omar Bongo, les présidents du Gabon ont été demis de leurs fonctions non pas par la voie des urnes mais par leurs propres ennuis de santé. Retour sur des évidences historiques devenues têtues.

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A quelques mois de la présidentielle gabonaise organisée par le pouvoir issu du Parti démocratique gabonais mutation fidèle du Bloc démocratique gabonais (BCD), dirigeant le pays pétrolier depuis les indépendances, arrêtons-nous sur la longévité des présidents de la République. Celle-ci n’a été écourtée non pas en raison d’une opposition forte mais par le jeu de rebondissements politiques. Un univers politique pollué par la corruption dont les présidents du Gabon ont manié à satiété jusqu’à ce que la mort les surprennent.

Léon Mba, le père du monopartisme et de l’hyperprésidence

D’abord le premier président du pays Léon Mba qui arriva au pouvoir aux lendemains de l’indépendance. Il n’aura réussi à quitter le pouvoir que parce que tenaillé par un cancer, il décéda le 27 novembre 1967 après deux ans de combat contre la maladie qui l’avait éloigné du pays. Au soir de sa mort, ce dernier fût un des chantres avec Albert Bernard Bongo, de la reconnaissance du Gabon comme département de l’Etat français.

L’hyperprésident Léon Mba (9 février 1902 - 27 novembre 1967)

Pas d’obole, ce francophile acharné, avait malgré le « oui » massif au référendum du 28 septembre 1958 pour l’indépendance du Gabon, un sérieux penchant jusqu’en novembre 1959 pour la départementalisation du pays. Malgré lui donc et ses ambitions de gouverneur local de la France, le Gabon avec le combat des matières grises nationalistes gabonaises, sorties de la FEANF, a été indépendant le 16 août et sa déclaration officielle faite par André Malraux, ministre français de la culture de l’époque fût promulguée le 17 août 1960.

Vice-président du conseil de gouvernement sous le diktat colonial, puis Premier ministre, Léon Mba a préparé son accession au pouvoir en multipliant au gré des situations des alliances contre-nature avec ses opposants pour parvenir et se maintenir au pouvoir. L’achat des députés réfractaires et corruption de ses opposants étaient devenus des armes de gouvernance que Léon Mba maniait à la perfection au grand dam des populations.

Élu le 12 février 1961 président de la république et ce, en ayant réussi à dissuader ses opposants, il s’arroge tous les pouvoirs en instaurant un régime hyperprésidentiel adopté par le vote d’une nouvelle constitution 9 jours plus tard. Concentrant au passage sur lui, l’ensemble des pouvoirs de nominations et de décisions de la vie politique : d’où son hyperprésidence. Celui qui se disait démocrate n’avait pas manqué de dissoudre à deux reprises l’Assemblée au gré d’alliances contre-nature.

Une crise majeure ébranlera sa première mandature. Il sera renversé dans la nuit du 17 au 18 février 1964 par un coup d’Etat militaire au profit de son opposant et rival démocrate Jean-Hilaire Aubame. Léon Mba se sortira tout de même de ce guêpier grâce à l’intervention française qui fera 25 morts chez les putschistes dont les corps ne seront jamais retrouvés.

Le Gabon passe dès lors, sous la tutelle directe de Paris malgré son indépendance obtenu, pour pallier à un nouveau renversement. Le président Léon Mba bien que remis au pouvoir, est vieillissant et malade. Il est physiquement diminué et quelque peu paranoïaque.

Son régime vacille mais il s’accrochera au pouvoir jusqu’à son décès en 1967. Son état de santé le force à abandonner dès 1965 l’exercice du pouvoir à Albert-Bernard Bongo, son chef de cabinet présidentiel à la demande de la France. C’est d’ailleurs sous cette formule qu’il sera réélu en 1967 bien que n’ayant pu faire compagne car alité à l’hôpital Claude-Bernard de Paris deux ans auparavant. Il ne reviendra d’ailleurs au Gabon que mort après deux ans de gestion du pouvoir à distance.

Le pouvoir l’échappe non pas parce qu’il n’aurait pas été réélu dans les urnes mais parce qu’atteint d’un cancer, la grande faucheuse l’avait emportée alors qu’il tenait même contre la maladie, à demeurer au pouvoir. Léon Mba fin animal politique, avec le soutien de la France, avait toujours réussi à asseoir son pouvoir en se moquant des mouvements politiques qui pouvaient se déclencher dans le pays.

Omar Bongo et ses 42 ans de longévité au pouvoir

Puis vinrent les longues années de gloire de son successeur Albert Bernard Bongo, choisi encore une fois par la France pour diriger avec son soutien, le pays d’Afrique centrale ragaillardie par la découverte de gisements pétroliers. Omar Bongo est alors nommé ministre délégué à la présidence, chargé de la Défense et des affaires étrangères en septembre 1965 pour gérer les affaires du pays car Léon Mba absent du pays.

La patriarche de la françafrique Omar Bongo (30 décembre 1935 - 8 juin 2009)

Albert Bernard Bongo le succédera officiellement à sa mort grâce à une reforme constitutionnelle introduite en février 1967 qui instaura le poste de vice-président de la République, chargé de prendre la succession du chef de l’État en cas de vacance du pouvoir. Le 28 novembre 1967, le lendemain de la mort de Léon Mba, Albert-Bernard Bongo accède enfin au pouvoir.

Son pouvoir aura été entaché par les assassinats successifs de ses fervents opposants Germain Mba (1970) puis Ndouna Depenaud (1977) et Joseph Rendjambé (1990). Toutefois, aucune preuve ne permet de relier ces disparitions criminelles à Omar Bongo. Lui aussi, se disait démocrate mais aura réussi à instaurer quelques jours après la création de son Parti démocratique gabonais (PDG, toujours au pouvoir) le 12 mars 1968, le monopartisme cher à son prédécesseur qu’il considérait par ailleurs comme son parrain politique.

Coup sur coup, il est élu aux 3 élections présidentielles suivantes auxquelles il est le candidat unique avec plus de 99% des suffrages. Le vote ayant été rendu obligatoire à tous les citoyens. Il trôna ainsi de 1968 à 1990 sans concurrence à la tête du pays ayant pris soin d’installer le monopartisme et donc de se débarrasser de toute adversité politique à son règne.

En 1990, après l’arrivée en France, de François Mitterrand au pouvoir et son discours de La Baule, écrit par Erik Orsenna et prononcé par le Président de la République française, le 20 juin 1990, dans le cadre de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France qui s’est déroulée dans la commune française de La Baule-Escoublac (Loire-Atlantique), le vent du multipartisme va souffler dans les 37 anciennes colonies française.

En résonance à cette action politique fort se sens, Omar Bongo se verra donc contrainte, suite à une révolte étudiante, amplifiée par un mouvement syndical dirigé par ses farouches opposants à organiser une conférence nationale qui rétablira le pluralisme politique dans le pays. Mais là encore, il réussira à se maintenir, certes avec des pourcentages moindres, au pouvoir aux présidentielles suivantes de 1993, 1998 et de 2005 avant de mourir le 6 juin 2009.

Les résultats de chacune de ses élections bien que contestées n’ont jamais empêché celui que l’on considérait comme le patriarche de la Françafrique, de demeurer au pouvoir malgré des opposants aguerris et populaires. Albert Bernard Bongo devenu Omar Bongo multipliait mallettes et grosses sommes d’argent à ses détracteurs dans l’unique but de s’éterniser au pouvoir. Et il parviendra puisque encore une fois, seule la mort l’éloignera à jamais du pouvoir présidentiel.

La présidence à vie au Gabon ?

On le voit, malgré les contingences et l’adversité politique ambiante, les présidents du Gabon n’ont réussi à se faire terrasser que par la la mort. Aidés par les réseaux francafricains sous l’impulsion de l’ancienne puissance coloniale dont ils ont été les chantres. Leur longévité au pouvoir orchestrée par des manipulations de la classe politique, échappe au pouvoir des urnes. Si la mort n’avait pas décidé de les emporter outre-tombes, ces deux personnalités controversées seraient chacun à leur tour restés plus longtemps à la tête du pays.

L’élection présidentielle prévue en août 2016 viendra-telle faire mentir ce cycle vicieux devenu implacable ? Les urnes n’ont elles finalement aucune responsabilité réelle sur la venue et le départ des chefs de l’Etat ? Pourquoi continuer à organiser des élections au Gabon avec une telle emprise du pouvoir qui s’accapare des institutions dites républicaines ? La France se lassera-t-elle enfin d’imposer ses « gouverneurs » à vie au peuple Gabonais dont elle assure malicieusement la pérennité au pouvoir ?

Malgré les tempêtes politiques internes, bien que d’ampleur, elles n’arrivent pas à déboulonner le président en exercice, fort de ses soutiens hexagonaux. Sinon comment comprendre qu’il n’y ait que dans les anciennes colonies françaises que les dictateurs à la longévité macabre font légions et où démocratie et République riment avec dictature couplée d’une corruption doucement voilée ?

Ali Bongo qui envisage rempiler au somme de l’Etat gabonais en 2016 finira-t-il par triompher des nombreux doutes sur sa filiation et de la horde d’opposants qui l’étrangle politiquement ? La Présidence de la République au Gabon se perd-elle uniquement par la mort et non par les urnes ? Rendez-vous fin août 2016 !

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