Portrait

Oliver N’Goma, la première star mondiale gabonaise de l’afro-zouk

Oliver N’Goma, la première star mondiale gabonaise de l’afro-zouk
Oliver N’Goma, la première star mondiale gabonaise de l’afro-zouk © 2021 D.R./Info241

A la fin des années 1970, le monde en général et l’Afrique en particulier s’est longtemps délecté d’un style de musique né aux Antilles et propagé en Afrique aussi bien dans les bar-dancing, les boîtes de nuit ainsi que dans diverses soirées mondaines. Longtemps rythmé par le soukouss ou encore la rumba congolaise, les nuits d’enivrement et de déhanchement ont été inondés, dès les années 1980, par le courant musical dit du « zouk » encore appelé « zouk béton ou chiré » car se dansant la plupart du temps seul.

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Créatifs et novateurs, les artistes africains se sont eux aussi appropriés cette forme chaleureuse et émotionnelle de la musique en la fusionnant à des rythmes locaux : c’est de là que naquit « l’afro-zouk ». Un peu partout sur le continent, des chanteurs comme Gadji Céli, Awa Maïga, Africa Maestro, Monique Séka furent les premiers à mettre sur pied des titres qui ont été couronnés de succès et dont le temps n’en a pas eu raison. Le Gabon n’étant pas en reste, un natif du Sud du pays viendra s’ajouter à cette longue liste d’artistes afrozoukeurs : il s’agit de Oliver N’Goma (1959-2010).

 Présentation du protagoniste

Né Olivier Ngoma et se faisant appeler affectueusement plus tard Oliver N’Goma, « Noli » qui était son sobriquet est né le 23 mars 1959 dans une petite ville côtière située au Sud-Ouest du Gabon du nom de Mayumba ; elle fait partie de la province de la Nyanga et est le chef-lieu du département de la Basse-Banio. Très jeune, la vie de ce petit d’ethnie « Lumbu » a été bercée par la musique car son père était lui-même un fondu de sonorités était un harmoniumiste, joueur d’harmonium qui est un instrument de musique à vent, à anches libres, à clavier et à soufflerie. Le père de « Noli » était d’ailleurs professeur d’harmonium au sein de l’église catholique de la ville. C’est ainsi que Oliver N’Goma prit ses premiers cours de musique dès 1967 lorsqu’il avait huit ans.

 Cursus

Ayant commencé ses études dans son Mayumba natal, Oliver N’Goma poursuit son cursus à Libreville, capitale du pays, car sa famille décide de s’y installer pour lui faciliter la tâche dans son apprentissage scolaire. Nous sommes en 1971 et âgé de douze ans, le petit « Noli » suit une formation en comptabilité au Centre d’apprentissage professionnel d’Owendo (CAPO) nouvellement appelé Lycée technique national Omar Bongo (LTNOB).

 Début de carrière

Dès son arrivée à CAPO, Oliver N’Goma n’a que très peu d’estime pour les études, lui qui s’est fortement épris de la musique. Il prend alors la décision de s’inscrire dans l’orchestre du Centre dont le nom est « CAPO Sound ». Depuis sa tendre enfance, le jeune « Noli » n’a eu dieu que pour la musique, voulant toujours être au-devant de la scène et jouer les premiers rôles. Il apprend très vite à jouer de la guitare et se fait remarquer surtout pour le timbre de sa voix.

C’est véritablement à cette époque qu’il devint un crooner. « CAPO Sound » ébranle l’esprit des mélomanes lors de ses différentes présentations musicales et ce même dans les cérémonies officielles. Oliver N’Goma comprend alors qu’il partage un lien profond avec la musique et se perfectionne ardemment, lui qui était en ces temps le célèbre guitariste de sa troupe musicale du lycée.

Cependant, Oliver N’Goma démarre réellement sa carrière musicale au milieu des années 1970 en fondant un groupe musical du nom de « Black Gold ». Ces prestations sont à ravir et attire l’attention de la chanteuse gabonaise à succès et première dame de l’époque, Marie-Joséphine Kama, dont le nom de scène n’est autre que Patience Dabany. Ainsi, elle l’intègre dans son orchestre « Banowita » qui deviendra plus tard un groupe socio-culturel du nom de « Kounabéli Mbil’assuku » en 1977 dans lequel il exerce comme guitariste et dont les prouesses sont de très bonne facture. « Noli » quitte « Kounabéli Mbil’assuku » en 1981 pour lancer sa carrière solo afin de se forger une carrière professionnelle d’artiste de renom.

 Puis…

Passionné aussi par l’audiovisuel en rêvant d’être non pas devant mais derrière l’objectif d’une caméra, Oliver N’Goma parvient à décrocher un emploi de cadreur donc de technicien de l’image en travaillant sous la direction du réalisateur et du chef opérateur de la RTG chaîne 2 (RTG 2). Mais depuis ses années à « CAPO Sound », Oliver N’Goma n’avait cessé de se ravitailler en matériel de musique dans le but de produire ses propres œuvres musicales.

Il avait alors mis en place dans son logement, un studio d’enregistrement personnel où il ne se lassait de composer des titres et rythmes de chansons en les associant à plusieurs cadences musicales locales. Quand il se rend en France en 1988 pour se perfectionner dans son métier de caméraman, il n’omet pas de mettre dans ses valises, plusieurs bandes audios enregistrées au Gabon pour les parfaire à Paris. Aussi, « Noli » a bien-sûr en tête, l’idée de se faire connaître, d’intégrer aux forceps l’univers de la musique dans lequel il a longtemps séjourner sans devenir une figure de proue.

Oliver N’Goma se met alors à rechercher un arrangeur et se tourne vers un autre artiste gabonais déjà connu à l’époque, François Ngwa qui est un passionné de sonorités et de phénomènes sonores. Mais un des très estimés amis de « Noli », Bono’s Moussavou, prend l’initiative de l’orienter vers un musicien du Congo Brazzaville répondant au nom de Clay Mavoungou. Celui-ci les emmène voir le célèbre auteur-compositeur et interprète de musique capverdienne Manu Lima qui est aussi en ces temps, l’un des meilleurs réalisateurs/producteurs de la scène musicale africaine de Paris.

Ils se rencontrent finalement en novembre 1989 et Manu Lima est séduit par les maquettes composées par Oliver N’Goma et décide de se charger de la production et du cadre artistique de la première composition musicale de « Noli ». Les deux hommes redoublent alors d’efforts pour mettre sur pied un album qui sera l’éponyme du premier disque de Oliver N’Goma.

 Suite de carrière et discographie

A sa sortie en 1990, l’album d’Oliver N’Goma « Bané » [traduit littéralement par « Les enfants »] qui porte le même nom que son disque « Bané » ne connaît pas de suite un franc succès. Ce sont alors des émissions de radio diffusées sur les ondes de Africa N°1 et sur Radio France international (RFI) qui vont propulser « Noli » sur les plus hautes marches de la célébrité africaine. Sur RFI par exemple, c’est l’animateur français Giles Obringer qui, via son émission « Canal Tropical », va populariser et faire la promotion de l’album d’Oliver Ngoma avec pour titre phare « Bané » qu’il faisait à chaque fois jouer lors de la diffusion de l’émission ; sur Africa N°1, la chanson passait plus de quatre fois par jour.

« Bané » devint alors un titre planétaire enflammant les pistes de danse des discothèques des Antilles, d’Afrique ou encore de France. L’album « Bane » deviendra alors l’un des plus vendus d’Afrique et ce jusqu’à ce jour. D’autres titres extraits de l’album comme « Icole » ou « Lusa » furent aussi très appréciés par le public. Mais c’est surtout son titre « Bané  », titre incontournable des soirées mondaines à l’époque, qui ouvrira à « Noli » les portes des plus grandes capitales africaines où il fut reçu tel une rock star. Son titre « Bané » est l’un des plus grands hits africains des années 1990-2000 et il est toujours aussi apprécie qu’auparavant du moins chez les puristes et sympathisants de l’Afro-zouk. Il figure dans les plus gros tubes de la musique africaine depuis les années postindépendances et a été présenté dans le film « Beau Travail » de Claire Denis sorti en 1999.

Cinq ans après le succès fou de son premier album, Oliver N’Goma en sort un second, lui qui s’était remit au travail pour confirmer son statut de star de la musique africaine. Il signe alors au label indépendant de musiques du monde basé à Paris « Lusafrica » et cette collaboration voit la mise sur le marché de l’album « Adia » (signifiant L’amour) et conforte sa popularité car l’album rencontre là encore un succès aussi énorme que le premier : les mélomanes étaient comme hypnotisés ; il faut dire que « Noli » a su se réinventer en intégrant plusieurs sonorités à celles qu’il avait déjà dans son répertoire et en épiçant encore plus son style de zouk toujours « cuisiné à l’africaine » comme on aime à le dire en parlant de l’Afro-zouk.

Puis, toujours sociétaire du label « Lusafrica », Oliver N’Goma sortira deux autres albums notamment « Séva » (qui veut dire « ris »), qui connaîtra un succès mitigé, et « Saga » (« réjouis toi ») respectivement en 2001 et 2006. L’album « Séva » ne verra pas la participation de Manu Lima mais celui-ci produit à nouveau « Saga » ; « Saga » est composé des sonorités célèbres comme « Saga » ou encore « Noli », Oliver N’Goma y collabore avec Kevin Sauron sur le titre « Lubuge  ». En 2003, « Noli » sort un « Best of ». Oliver N’Goma a à son actif plusieurs tournées à travers le monde et s’est produit dans des destinations de rêve telles que les Etats-Unis, la France ou encore la Chine. En Afrique, il a fredonné ses douces et envoutantes mélodies dans des villes comme l’Algérie, l’Angola, le Rwanda, le Congo, la Côte-d’Ivoire, le Maroc…

 Dernière danse

Comme il fallait s’y attendre mais pas aussi tôt, Oliver N’Goma affectueusement appelé « Noli » esquisse son dernier pas de danse non pas sur scène ais dans une structure sanitaire de Libreville le lundi 7 juin 2010 à l’âge de 51 ans. Il luttait depuis deux ans contre une insuffisance rénale. « Noli » fut inhumé dans la capitale gabonaise au cimetière de « Alibadeng ». « Noli » s’était un peu mit en retrait sur sa carrière musicale depuis 2006, il s’évertuait à faire des clips pour ses morceaux jusque-là non-imagés et à revisiter l’ensemble de son œuvre pour en faire une compilation. Aussi, il occupait depuis un certain temps le poste de directeur des programmes de la télévision gabonaise bien qu’il s’était laissé bercé par la religion et le piano jusqu’à en jouer dans l’une des églises de la capitale. Par ailleurs, il préparait en coulisse un album avec son label de toujours Lusafrica.

Un film-documentaire retraçant la vie du noble disparu intitulé « Oliver N’Goma le crooner  » a été réalisé par le cinéaste gabonais René Sousatte et l’écrivain gabonais, Dr Sylvain Nzamba, a écrit un roman sur lui du nom de «  Oliver N’Goma, artiste sentimental et moraliste ». Le groupe gabonais Kiffra-L lui a rendu hommage peu de temps après sa mort en 2010 en lui dédiant un clip pour saluer son héritage et honorer sa mémoire. Lors de sa disparition, il laisse dans l’émoi et l’accablement des millions de fans à travers le Gabon et bien au-delà des frontières.

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