Justice

Mise en demeure de Jean Ping : le procureur de la République gabonaise brandit le bâton

Mise en demeure de Jean Ping : le procureur de la République gabonaise brandit le bâton
Mise en demeure de Jean Ping : le procureur de la République gabonaise brandit le bâton © 2016 D.R./Info241

Le procureur de la République gabonaise, Steeve Ndong Essame Ndong, a mis en demeure dans un réquisitoire télévisé rendu publique mardi soir sur les antennes de Gabon24, Jean Ping, ancien président de la Commission de l’Union Africaine, candidat déclaré à la présidentielle de 2016, à comparaître à la prochaine audience, faute de quoi il encourt un emprisonnement d’un mois.

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Au regard de cette menace d’emprisonnement, plusieurs juristes gabonais interrogés par Info241 pointent une énième instrumentalisation politique à peine voilée du pouvoir judiciaire gabonais, accusé par leurs pairs d’attiser les tensions politiques au Gabon. L’avocat de Jean Ping, maître Jean Rémy Bantsantsa nous a informé qu’une conférence de presse sera tenue cet après-midi au sujet de la sortie du procureur de la République.

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Pour rappel des faits, il s’agit de la rocambolesque affaire des "cafards" intentée par l’Etat gabonais et Ali Bongo contre l’opposant Jean Ping pour diffamation et d’incitation à la haine qui intervient hasardeusement à quelques encablures de l’élection présidentielle. Le timing ne semble pas anodin. Or, le 17 juin dernier, lors d’une première audience, le tribunal de Libreville avait fixé le montant des provisions financières à verser au greffe par les plaignants. Ainsi, le procès n’avait pas pu se tenir car le demi-million que devait verser les plaignants, le gouvernement et Ali Bongo, par ailleurs président du Conseil supérieur de la magistrature n’avait été effectué.

Il faut également souligner que l’audience de fixation de provision du 17 juin où les différentes parties étaient représentées par leur avocat avait renvoyé l’affaire à une date ultérieure en attendant que les parties plaignantes, le gouvernement gabonais et le justiciable Ali Bongo, s’acquittent de la provision financière d’un demi-million de francs CFA exigée par le tribunal. Donc Jean Ping avait été bien représenté, selon un haut magistrat gabonais se faire représenter par un avocat est d’une conformité légale et en vigueur du code pénal gabonais.

A la grande surprise, fort est de constater les accusations graves du procureur de la république, Steeve Ndong Essame Ndong qui lors d’une conférence de presse mardi 21 juin 2016 au tribunal de Libreville a dénoncé les violations de la loi pénale par Jean Ping. En effet va-t-il indiquer, convoqué à plusieurs reprises sur différentes affaires, le suscité n’a pas daigné se présenter dans le mépris total des institutions judiciaires et de la loi pénale.

Tout en martelant : « En ne déférant pas aux convocations des autorités chargées de l’exercice de l’action publique, l’intéressé s’est volontairement mis hors la loi en entravant l’action de la justice au sens de l’article 344-13 du code pénal  ». Pour le son de cloche pro-gouvernemental et relayé par plusieurs médias proche du palais du Bord de mer, Jean Ping « serait alors dans une position de défiance à l’autorité de la loi et se croira un super homme face à la loi. »

Selon le procureur de la République, « Depuis quelques mois, Jean Ping est en conflit avec la loi pénale du fait de ses propos et comportements portant gravement atteintes à la sécurité et à l’ordre public ainsi qu’aux intérêts fondamentaux de la nation, notamment par des graves propos appelant la population à la haine, à la désunion des citoyens et à braver l’autorité de l’Etat ».

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Les faits reprochés qui ne laissent personnes dupes, car savamment orchestrés, comme l’indique un juriste gabonais sont certes prévus et réprimés par l’article 88 du code pénal, brandi par le procureur de la République. Stricto sensu, il stipule : « Sera puni d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 24 000 à 25 000 francs, quiconque participera, de quelque manière que ce soit, à toute propagande écrite ou orale tendant à troubler la paix publique, à inciter à la révolte contre les autorités de l’Etat, à porter atteinte à la République dans le prestige de ses institutions, à provoquer la désunion des citoyens, à instituer la haine raciale, religieuse ou tribale et , de façon générale, à nuire aux intérêts vitaux de l’Etat et la Nation. »

Ainsi, indique un enseignant chercheur juriste à l’Université Omar Bongo, si on interprète scrupuleusement l’esprit et la lettre de cet article sans « le procureur de la République « et les avocats du gouvernement ne peuvent aucunement prouver dans les faits, que cette déclaration pamphlétaire, qui n’est pas une propagande, comme on assiste depuis plusieurs mois dans les deux bords politiques, opposition et régime au pouvoir, qui plus est sortie de son contexte a troublé l’ordre public. Quels sont les actions de trouble y afférentes ? Aucuns. Quels sont les faits probants qui ont porté atteinte à l’Etat gabonais et qui au demeurant a provoqué la désunion, la haine raciale, religieuse ou tribale. » Tout ceci participe encore à détériorer le climat politique déjà très tendu à nos jours.

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Mais indique un avocat proche de Jean Ping, curieusement pour le gouvernement gabonais appuyé par le président gabonais Ali Bongo soutiennent urbi orbi que « cette description faite par le code pénal de 1960 correspond effectivement à l’exercice auquel Ping et ses compagnons se sont prêtés depuis plusieurs mois allant de ville en ville prêcher l’évangile de la haine et de la révolte. » Et allèguent que l’ancien ministre des affaires étrangères « a refusé donc de se présenter à l’audience du 17 juin 2017 où il était attendu pour répondre des faits qui lui sont reprochés suite à la plainte de l’agent judiciaire de l’Etat et à la celle d’un justiciable lésée par ses propos. »

Le procureur de la république se justifie en ces termes : en instruisant les officiers de la police judiciaire, à auditionner Jean Ping, deux semaines auparavant, le natif d’Omboué ne s’étant pas présenté pour non notification du motif sur la convocation, s’inscrivait hors la loi. Pour Steeve Ndong Essame Ndong, une première occasion lui avait alors été donnée, qu’il n’a pas saisie. « En ne déférant pas à la convocation des autorités chargées de l’exécution de l’action publique, Jean Ping) s’est volontairement mis hors-la-loi en entravant l’action de la justice au sens de l’article 344-13 du code pénal », tout en prétendant d’un « incivisme du justiciable Jean Ping », qui sur la menace d’une peine de prison d’un mois et à une amende de 24 000 francs. Affaire à suivre.

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