Détournements à La Poste gabonaise : des membres du gouvernement d’Ali Bongo éclaboussés !
L’opération ’’Mamba’’ qui a pour but de traquer les responsables des détournements de fonds publics a-t-elle défini certaines cibles ? Comment comprendre l’omerta de la justice gabonaise au sujet des accusations exprimées publiquement par l’ancien P-DG du groupe La Poste, Alfred Mabika Mouyama pointant le Premier ministre chef du gouvernement, Emmanuel Issozet Ngondet, comme auteur présumé et responsable des détournements des fonds publics alloués à La Poste. Sans oublier le silence courtois à l’encontre d’Alain Claude Billie Bi Nzé, Yves Fernand Manfoumbi, respectivement Porte- parole du gouvernement, Ministre de la communication et Ministre de l’Agriculture.
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Plusieurs observateurs de la politique gabonaise relèvent un manque de confiance criard envers la Justice gabonaise. Sommes-nous véritablement en présence d’une Justice à deux vitesses au Gabon ? En effet, lors de la présentation de ses essais : « Du cœur à l’ouvrage. Mouila, ma ville, ma vie » et « La Poste au Gabon : Controverses & Manipulations politiques » à l’occasion d’une conférence de presse tenue le jeudi 16 février à Paris, l’ancien P-DG de la Poste, Alfred Mabika Mouama, après plus d’un an, a rompu le silence. En exprimant sa part de vérité après une campagne médiatique orchrestée par les médias d’Etat le mettant sur le banc des accusés, suite au scandale qui a conduit à la crise de La Poste au Gabon.
Crise de La Poste Gabon : la responsabilité d’Emmanuel Issozet Ngondet est pointée
Il ressort de ce point de presse des informations accablantes qui jettent un discrédit sur le chef du gouvernement gabonais, Emmanuel Issozet Ngondet. Dans son essai d’analyses, « La Poste au Gabon : Controverses & Manipulations politiques », l’ancien P-DG n’est pas allé de main morte. A travers des explications documentées et chiffrées, Alfred Mabika Mouyama a révélé à l’opinion publique nationale et internationale, le non-versement de la subvention allouée à La Poste, lorsque l’actuel chef du gouvernement occupait le fauteuil ministériel du Budget partant de 2011 jusqu’à 2012. Pour l’ancien P-DG, la crise de la Poste est une machination politique simplement parce que « toutes Les subventions ont été amputées et détournées de leur destination initiale par le ministre du Budget de l’époque ».
L’ancien P-DG de La Poste lors de sa conférence de presse
Pour être plus clair, Alfred Mabika Mouyama documents à l’appui a démontré dans son livre, la supercherie fomentée par Emmanuel Issozet Ngondet, quand il était ministre du Budget. On peut y découvrir qu’il a changé illégalement de rôle en se substituant à l’instance dirigeante de la Poste. Exemple patent : en signant sans l’aval du dirigeant de La Poste un contrat avec Internet Gabon appartenant à Alain Ba Oumar, candidat à la tête de la Confédération patronale gabonaise, patron d’IG Telecom. Avant de préciser ce qui suit : « Quand il signe cette convention, sans même nous consulter, La Poste avait déjà versé la somme de 1 152 000 000 francs CFA à Internet Gabon pour acquérir l’équipement nécessaire à sa transformation et son développement. Et à ce jour, cet équipement évalué à 1,009 milliards de francs CFA est toujours détenu par Internet Gabon ».
Interrogé à Paris par Info241, l’ancien ministre en charge de l’Investissement souligne que l’analyse objective de la crise de La Poste « révèle que deux des principaux éléments ayant précipité l’entreprise dans la crise sont les agissements de l’actuel Premier ministre, Emmanuel Issoze-Ngondet, ministre du budget (2011 - 2012) à l’époque des faits : le non versement des subventions allouées à La Poste par l’Etat et l’inertie dans la prise de décisions essentielles. Pour l’auteur, il s’agit d’une crise de trésorerie, une crise artificielle, voulue et organisée par l’Etat. Nous sommes en présence d’un cas flagrant de détournements des subventions avec des incitations des clients à retirer leurs dépôts pour affaiblir la trésorerie de Postebank, gel des fonds, accumulation d’une dette de 100 milliards de francs CFA vis à vis de La Poste. En outre, souligne Alfred Mabika-Mouyama, l’Etat n’a ni couvert les avoirs des épargnants ni libéré un seul centime du capital de La Poste SA et de Postebank. »
Ce scandale économique qui plonge dans une misère effroyable plusieurs familles gabonaises, des retraités, des jeunes fonctionnaires, des étudiants serait dû au rôle insidieux de l’actuel chef du gouvernement gabonais. L’ancien P-DG de La Poste s’est interrogé d’ailleurs à juste titre sur les raisons de son limogeage précipité alors qu’il venait de solutionner le problème de la crise de trésorerie, une crise artificielle qu’il dit voulue par l’Etat gabonais. Suite à une lenteur dans la prise de décision, des détournements de subventions, à une incitation des clients à retirer leurs dépôts pour affaiblir la trésorerie de Postebank, assorti d’un gel de fonds et d’une accumulation d’une dette de 100 milliards de francs CFA vis à vis de La Poste.
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« Emmanuel Issoze Ngondet lorsqu’il était ministre du Budget aurait-il mis en place tout un habile système de détournement de fonds et d’utilisation frauduleuse des subventions prévues au budget de l’Etat ? » Tout semble concorder à cette plausible version des faits selon Alfred Mabika. Soulignant sans ambages l’attitude éhontée du ministre du Budget de l’époque qui après plusieurs relances sur l’absence de ces subventions décaissées par le Trésor public gabonais, brillait par un refus notoire de coopérer à clarté au nom de la responsabilité d’une mission régalienne d’Etat.
Ainsi, a déclaré l’ancien P-DG de La Poste « De 2012 à 2015 compris, le système fonctionnait parfaitement (…) La Poste qui devait percevoir quelques 5 milliards de francs CFA, n’en a rien reçu. Ce mécanisme de détournements de fonds publics s’est traduit par une perte colossale de 9,372 milliards de francs CFA. Le 17 octobre 2015, lorsque je suis démis de mes fonctions à la tête de La Poste, cette importante somme de 9,372 milliards de francs CFA n’avait toujours pas été réglée (…) Cette perte sèche n’est donc pas constituée de fonds que j’aurai secrètement transportés dans des mallettes, mais bel et bien de sommes n’étant jamais parvenues à La Poste ».
Face à ces accusations qui planent sur l’actuel chef du Gouvernement gabonais, que fait la justice gabonaise ? Pourquoi les tenanciers du Palais du bord de mer qui ont commandité l’opération ’’Mamba’’ ne se saisissent-t-ils pas de ce dossier ? Et pourtant Alfred Mabika a donné son éclairage sur son management à la tête de La Poste. Plus frontalement il a affirmé ce qui suit : « J’accuse donc nommément Emmanuel Issoze Ngondet d’avoir privé La Poste de sommes importantes, qui ont eu un impact négatif sur la possibilité des épargnants de disposer de leurs fonds et sur le redressement de l’entreprise. Pour ce fait j’ai porté plainte contre l’action ministre du Budget en raison de l’action du responsable de ce département auprès de la Justice gabonaise, qui est restée sans suite ».
D’autres ministres et hauts cadres cités dans scandale : le rôle du CNLCEI
Ce scandale économique revêt un maillage très large dans la responsabilité de cette crise de trésorerie. L’ancien Ministre du Commerce et de l’Industrie ne s’est pas arrêté à accuser Emmanuel Issoze Ngondet d’avoir privé La Poste de ses subventions qui se chiffrent en milliards. Il a également cité les noms d’autres personnalités éclaboussées par ce scandale. En l’occurrence, l’actuel Ministre de l’Agriculture en charge du projet Graine, Yves-Fernand Manfoumbi, jadis directeur du Budget, Jean-Fidèle Otandault, complice de Maixent Accrombessi, haut représentant personnel d’Ali Bongo à la présidence de la République et Alain-Claude Bilie-By-Nze, Porte-parole du gouvernement, Ministre de la Communication.
En parlant des présumés détournements de fonds publics qu’aurait exécutés Alain-Claude Bilie-By-Nze, Alfred Mabika n’a pas pris des gants, en affirmant du haut de sa tribune que l’actuel ministre de la Communication aurait empoché pas moins de 400 millions de francs CFA de La Poste. « M. Bilie-By-Nze est l’un des fossoyeurs de La Poste. En 2006, il prenait l’argent des Comptes chèques postaux (CCP). Il profitait du fait que le chef d’agence qui était en service était de sa province. Nous étions trois à avoir ce dossier : Paul Toungui, alors ministre des Finances, le président Omar Bongo et moi », a indiqué Alfred Mabika.
Il faut souligner qu’un jour après la sortie publique d’Alfred Mabika qui a mis la lumière sur les accusations de détournement de fonds de La Poste, Alain Claude Bilie-By-Nze a botté en touche radicalement ses accusations en niant catégoriquement son implication même tacite dans la faillite de La Poste. Le ministre de la Communication a pris la défense de son Premier ministre et la sienne en déclarant sur les ondes de RFI ce qui suit : « Je m’attendais à tout, sauf à ce que Monsieur Mabika aille tomber si bas. Je ne vois pas en quoi le Premier ministre actuel ou moi serions responsables du trou de 100 milliards ».
Cette accusation est « tellement ridicule », a réaffirmé Bilie-By-Nze. En indiquant que pour lui l’enjeu du gouvernement gabonais est « que celui qui était le président directeur général de La Poste puisse répondre devant la justice, plutôt que de chercher de fausses accusations, à essayer de noyer ses responsabilités ». Le Porte-parole du gouvernement gabonais évoque en sourdine le rôle de la Justice gabonaise. Nous sommes face à un cas flagrant d’accusations graves contres des membres du gouvernement. Pourtant au Gabon, une commission "indépendante" dénommée Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI) a pour seule mission de combattre la corruption et l’enrichissement illicite.
On serait donc curieux de connaître son positionnement face à ces faits qui pourtant lui pré-existent et contre lesquels sa constitution en est l’unique sacerdoce. La CNLCEI est née de l’article 19 de la loi n°003/2003 du 07 mai 2003 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite du temps d’Omar Bongo. Depuis donc 2003, elle existe dans notre pays avec des prérogatives d’officier de police judiciaire. Ses trois missions sont l’investigation, la prévention et consultative : elle est donc spécialisée en matière de prévention et constatation des faits d’enrichissement illicite.
De plus, ce gendarme anti-corruption est statutairement, une Autorité administrative indépendante (AAI), c’est-à-dire : un organisme administratif qui agit au nom de l’Etat sans pour autant relever de l’autorité d’un membre du Gouvernement. Elle jouit ainsi d’une autonomie n’acière pour mener ses investigations et combattre la corruption. Au regard de ces dispositions légales, l’on serait en droit d’attendre de la CNLCEI qu’elle prenne ses responsabilités pour rétablir la vérité et prouver que les lois de la République sont et s’appliquent à tous.
Surtout que le serment de ses agents anti-corruption devant la Cour de Cassation est à juste titre univoque : "Je jure de servir l’Etat avec fidélité, de remplir avec probité les fonctions qui me confiées, d’observer le respect de la confidentialité des déclarations de biens et de me conformer aux lois et règlements en vigueur notamment ceux en rapport avec la lutte l’enrichissement contre illicite". Il ne s’agit pas donc de servir un régime au pouvoir mais de rendre justice au nom de la loi au service de la République gabonaise.
Sous d’autres cieux, la simple invocation d’une telle affaire qui met au pilori le chef du gouvernement gabonais Emmanuel Issoze-Ngondet aurait conduit à des réactions de rappel de probité morale et éthique des hommes politiques, suivi d’une enquête judiciaire. Mieux, les procureurs de République, censés défendre et servir la justice, se seraient auto-saisis pour mettre à nu ces crimes financiers commis devant la Nation par la plus haute autorité censée l’incarner. Sinon comment expliquer le manque de courage d’enquête de la CNLCEI devant la faillite patente de l’un des fleurons de l’économie gabonaise ?
Le regard épris de justice les citoyens gabonais attendent inlassablement une suite logique et une impartialité de la Justice et de la CNLCEI qui devraient être en première ligne dans de telles sombres affaires. La loi du silence est-elle l’unique rempart de cette commission ? La chasse aux sorcières, la justice à deux vitesses serait-t-elle la seule manière de dire le droit à travers l’opération Mamba ? La lutte contre l’enrichissement illicite a-t-elle encore un sens dans notre pays ? Ou est-elle uniquement orientée vers des justiciables moins puissants, les ennemis de l’Etat, les personnes qui gênent les sbires régime donc plus faciles d’atteinte ?
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