Manipulation des masses

La paix, ce concept dissuasif tant prisé à la veille des scrutins présidentiels gabonais

La paix, ce concept dissuasif tant prisé à la veille des scrutins présidentiels gabonais
La paix, ce concept dissuasif tant prisé à la veille des scrutins présidentiels gabonais © 2016 D.R./Info241

Depuis 1960 que le Gabon a obtenu sa souveraineté, les présidents sortants devant l’approche d’une présidentielle, ont toujours brandi subrepticement et avec malice l’argument de la « paix », pour dissuader les électeurs au changement, à l’alternance. Retour sur un concept subliminal qui contribue à l’hégémonie du pouvoir gabonais aux mains d’une même famille depuis près de 50 ans.

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Au Gabon, la paix est résilience au régime au pouvoir !

Le Gabon n’a jamais connu de troubles engageant des heurts ou des confrontations entre ses populations. Le seul événement majeur de son histoire dans ce registre, fut le coup d’Etat de 1964 qui s’est déroulé dans le calme avant que la France ne réprime à mort des soldats à l’origine du renversement de son poulain-président Léon Mba. Mais d’où sort alors cette idée de « paix » troublée à l’orée de chacune des présidentielles gabonaises que le pouvoir sortant PDG, brandit sans réserve comme slogan de campagne dissuasive dirigée contre quelque irréductibles qui reverraient d’un Gabon sans les Bongo à sa tête.

La une d’hier du quotidien pro-gouvernemental gabonais

Omar Bongo lui-même, prédisait le chaos après son départ du pouvoir avant de gagner en sagesse au fil des contestations de ses détracteurs qui ont soit fini à son service soit six pieds sous terre. A chacune des élections présidentielles disputées, le slogan « la paix » s’exhibait comme la principale réussite des mandatures précédentes. Le président Omar Bongo mettait à son actif le fait que la pays pétrolier ait été épargné par les drames de guerre qui ont ébranlé les pays de la sous-région et environnant le Gabon.

Ali Bongo qui est au pouvoir que depuis 1967, reprend à nouveau ce « bien précieux » que les gabonais possède au forceps de leur résilience au pouvoir familial régent et de ses complices qui ont vite fait de comprendre que le soleil au Gabon ne s’obtient que par la soumission aux autorités hégémoniques prégnantes. Quand on regarde le branle-bras que constitue la vie quotidienne des citoyens, minée par la corruption et le clientélisme qui gangrène le sommet de l’Etat-PDG, on comprend mieux le sens de la « paix » que personne ne mange dans le pays à moins d’appartenir à la caste de soumis, rêveuse de conserver la moindre étincelle de pouvoir.

La polysémie récursive du concept de paix

De quelle paix parlent alors les président sortants ? Celle de leur train de vie de privilégiés demi-centenaire à la tête du pays ou de l’instabilité de leur ego surdimensionné inquiété par l’idée de perdre le prestige de s’appeler sans fin « président de la république gabonaise ». Une république qui a pourtant tout d’une royauté où le père meurt au pouvoir et son successeur n’est désigné qu’au sein de sa lignée royale. Ali Bongo ayant succédé point par point à l’héritage d’un père qui incluait bon gré malgré la présidence du Gabon.

Si tout ceci n’est qu’affabulation née de légendes urbaines trop haineuse d’une famille qui a finalement tout eut sur son passage, pourquoi ne peut t-on parler ou désigner un ancien président vivant du Gabon ? La paix dont s’époumone à vendre les présidents sortants, représenterait-elle alors leur unique envie de mettre le feu au poudre s’ils leur arriveraient le malheur de n’avoir pas été réélu par un peuple pourtant à leur merci ?

On pourrait aisément opter pour cette seconde voie puisque, hasard de circonstances ou pas, ils ont toujours réussi à se maintenir au pouvoir et que chaque président gabonais a rendu son âme au pouvoir sans que les urnes puissent l’en déboulonner. A quelques jours de la 10e présidentielle toute remportée par le parti au pouvoir, ce slogan sera à nouveau à dissuader subrepticement les adeptes de l’alternance politique de toute contestation des résultats qui seront clamés par des institutions républicaines dont la partialité et la connivence avec le régime sont loin d’être un secret de polichinelle.

Paix, manipulation malice de maintien au pouvoir

Le désir de « paix » des gabonais, l’emportera toujours sur son envie d’une meilleure gouvernance du pays, de l’amélioration certaine de leurs conditions de vie avec des gouvernants qui manient sempiternellement la procrastination comme mode de gouvernement. Promettant à l’envi, de faire mieux s’ils étaient réélus ou si personne n’attentait à leur confort si durement obtenu au sommet d’un Etat qui promeut la pensée unique et le culte d’une famille qui préside avec malice et dextérité des citoyens gabonais plus frileux de perdre la « paix » que leur donne en retour de leur silence.

L’élection du 27 août 2016 fera t-elle mentir ce pronostic de résilience désormais assouvie et contenue dans la célèbre maxime populaire « on va encore faire comment », prononcée par dépit par une population dégourdie devant les manœuvres sans fin d’un régime avide de pouvoir. Beaucoup ont donc tronqués leurs ambitions pour consommer cette paix, le bien le plus précieux dont ils disposent dans la vie.

Les drames politiques et la corruption à grande échelle qui régissent le quotidien du Gabonais font ainsi partie du cycle traditionnel de la vie. Une fatalité née du fait d’être Gabonais et d’être dirigé par une famille qui se perpétue à elle-même à chaque décès de l’un de ses membres. Et dont le courroux oblige de renoncer à sa citoyenneté et au droit à l’alternance politique, seul gage d’une profonde remise en question de la gestion politique et de notre modèle de démocratie. Vive donc la paix car comme le disait si bien Omar Bongo, on ne construit rien dans le désordre. Sauf que depuis 50 ans, tout a été fait dans le plus beau des désordres !

Cédrin Mounziégou , doctorant en psychologie

@info241.com
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