Décentralisation : Le Gabon acte enfin le transfert de ses compétences avec un fonds de péréquation
Après plus d’un demi-siècle de centralisation, le Gabon s’arrime enfin vers la gouvernance locale. Réuni ce jeudi 23 octobre à Libreville en Conseil des ministres, le gouvernement a adopté deux textes fondateurs consacrant la mise en œuvre concrète de la décentralisation : un projet de loi organique révisant la législation de 2015 et un décret fixant le transfert des compétences et des moyens de l’État vers les collectivités locales. Cette double adoption marque la volonté des autorités gabonaises de rapprocher l’administration des citoyens et de doter les territoires de véritables moyens d’action.
Un nouveau cadre juridique pour une décentralisation cohérente
Le projet de loi portant révision de la loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 vise à rationaliser et harmoniser l’ensemble du dispositif juridique régissant la décentralisation. Jusqu’ici, la coexistence de plusieurs textes — dont la loi n°028/2020 sur le transfert des compétences et l’ ordonnance n°005/PR/2023 — avait engendré une insécurité juridique et de nombreuses lenteurs administratives. Le nouveau texte fusionne et simplifie ces dispositions afin de garantir une application plus lisible et uniforme du principe de décentralisation.
Principales mesures adoptées par le Conseil des ministres du 23 octobre relatives à la mise en œuvre effective de la décentralisation au Gabon :
| Volet | Texte adopté / Disposition | Objectif principal | Mesures clés | Impact attendu |
|---|---|---|---|---|
| Cadre juridique | Projet de loi révisant la loi organique n°001/2014 du 15 juin 2015 relative à la décentralisation | Unifier et moderniser le cadre juridique de la décentralisation | - Fusion des lois de 2014, 2020 et de l’ordonnance de 2023
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Un cadre plus cohérent, lisible et applicable pour les collectivités locales |
| Organisation territoriale | Catégorisation des collectivités locales | Adapter la gouvernance aux réalités locales | - Classement selon les critères démographiques, économiques et géographiques | Meilleure représentativité et efficacité des instances locales |
| Finances locales | Révision du cadre financier et création d’un Fonds de péréquation | Garantir l’équité financière entre les territoires | - Dotation spéciale : 5 à 10 % des ressources propres du budget de l’État
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Réduction des inégalités régionales et dynamisation du développement local |
| Transfert des compétences | Projet de décret portant transfert des compétences et moyens de l’État aux collectivités locales | Donner une réalité concrète à la décentralisation | - Transfert progressif des compétences de 20 ministères vers 135 entités décentralisées
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Responsabilisation des collectivités dans la gestion publique |
| Financement des collectivités | Création d’un Fonds de péréquation spécifique | Assurer la durabilité du financement local | - Dotation annuelle : 10 % des ressources de l’État
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Meilleure autonomie financière et stabilité budgétaire des collectivités |
| Gouvernance locale | Renforcement du rôle des organes décentralisés | Promouvoir une administration de proximité | - Rôle accru des présidents de conseils
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Amélioration de la qualité du service public et de la participation citoyenne |
| Vision présidentielle | Développement équilibré du territoire national | Concrétiser la politique de proximité voulue par le chef de l’État | - Décentralisation progressive et contrôlée
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Gouvernance participative, développement durable et cohésion nationale |
Cette réécriture introduit plusieurs innovations majeures : la catégorisation des collectivités locales selon des critères démographiques, économiques et géographiques ; la clarification des attributions des bureaux des conseils et de leurs présidents ; la redéfinition du régime des délégations spéciales et des compétences non transférables. Le texte révise également le cadre financier des collectivités locales, en redéfinissant leurs ressources, leurs charges et les mécanismes d’équilibrage budgétaire.
Un fonds de péréquation pour réduire les inégalités territoriales
L’une des mesures phares du projet est la création d’un Fonds de péréquation des collectivités locales, destiné à corriger les disparités de développement entre les territoires. Ce fonds sera alimenté par une dotation spéciale équivalente à 5 à 10 % des ressources propres du budget de l’État, ainsi que par des contributions issues des secteurs minier, forestier, pétrolier, gazier et local.
La clé de répartition adoptée consacre un équilibre entre équité et performance : 70 % des ressources seront distribuées à parts égales entre les 135 entités décentralisées, tandis que 30 % le seront en fonction des critères démographiques et d’éloignement. Ce mécanisme, selon le communiqué du Conseil, permettra « d’assurer un développement équilibré du territoire national et de promouvoir une véritable autonomie de gestion locale » .
Le transfert des compétences devient une réalité
En complément de cette réforme législative, le gouvernement a adopté un projet de décret portant transfert des compétences et des moyens de l’État aux collectivités locales, en application de la loi de 2020 et de l’ordonnance n°006/PR/2025 du 27 janvier 2025. Ce décret donne enfin une traduction concrète au principe de décentralisation, en permettant aux collectivités locales d’exercer pleinement les missions de service public qui leur reviennent.
Sur la base des conclusions de la Commission nationale de la décentralisation (CND), réunie les 17 et 18 juin 2025, le gouvernement a opté pour un transfert progressif des compétences de vingt ministères vers les 135 collectivités locales du pays. Ces entités comprennent 52 communes, 35 arrondissements et 48 conseils départementaux, désormais appelés à devenir les relais administratifs et économiques de la politique de proximité.
Un financement stable pour les collectivités locales
Le décret précise également les modalités d’accompagnement et de financement de cette réforme. Outre la création d’un Fonds de péréquation spécifique, celui-ci sera alimenté par une dotation annuelle fixée à 10 % des ressources propres du budget de l’État. Des contributions supplémentaires viendront des fonds de développement minier, forestier, pétrolier et gazier .
La répartition de cette enveloppe est encadrée : 97 % des fonds iront directement au développement local, 1,5 % au fonctionnement du fonds lui-même et 1,5 % au financement des organes de la décentralisation. Pour la part allouée aux collectivités, la même clé de répartition que pour la loi organique est retenue : 70 % distribués de manière égalitaire, 30 % selon la démographie et la distance géographique.
Une réforme à suivre de près
Les prochains mois seront décisifs pour la mise en œuvre effective de cette réforme. Les collectivités locales devront être accompagnées dans la montée en compétence de leurs administrations, tandis que l’État central devra garantir la régularité des dotations et le suivi des transferts. Si elle est correctement appliquée, cette décentralisation pourrait transformer durablement la gestion publique gabonaise, en rapprochant enfin le pouvoir des citoyens et en donnant à chaque territoire les moyens de son développement autonome.
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