Libre propos

Présidentielle 2023 : Un pistolet braqué sur le bulletin de vote des électeurs gabonais

Présidentielle 2023 : Un pistolet braqué sur le bulletin de vote des électeurs gabonais
Présidentielle 2023 : Un pistolet braqué sur le bulletin de vote des électeurs gabonais © 2023 D.R./Info241

Dans cette tribune libre, le Pr Noël Bertrand Boundzanga décrypte l’actualité politique brûlante de l’heure au Gabon. Pour cet universitaire, membre de la société civile, le régime d’Ali Bongo « conscient de ce qu’il ne peut pas gagner une élection présidentielle transparente, organise l’anarchie, le doute, l’incertitude et le découragement ». Lecture.

Moov Africa

Sur quoi peut compter un président candidat à sa propre succession quand il a un bilan médiocre, quand il a vécu une longue saison d’absence suite à son AVC et qu’il est physiquement, mentalement et cognitivement diminué pour exercer les plus hautes fonctions de la République ? Quelle arme miraculeuse détient-il pour espérer être reconduit à son poste ?

En 2016, si des bombes lacrymogènes et autres armes de guerre n’avaient pas craché le feu sur des Gabonais révoltés et désireux d’alternance, Ali Bongo ne se serait pas imposé à la tête de l’Etat. En 2018, si les juges constitutionnels n’avaient pas raturé l’article 14 de la Constitution, y mêlant des termes confus comme « indisponibilité temporaire », Ali Bongo ne serait sans doute pas resté président de la République. Ainsi donc, les fusils et la Constitution sont-ils ses armes. Chef suprême des armées et patron d’une Garde Républicaine au personnel pléthorique et surarmé, il peut savoir appuyer sur la gâchette. On nous tuera d’une manière ou d’une autre, nous sommes vulnérables jusqu’au jour où l’histoire bascule.

La témérité des armes

Dans le flanc gauche du Palais du Bord de mer, la Constitution est l’autre nom de Marie-Madeleine Mborantsuo dont les liens de parenté avec Ali Bongo sont de notoriété publique. Et suivant une mise en scène cynique orchestrée par Omar Bongo, elle est la gardienne de la Constitution, c’est-à-dire l’autre pôle du pouvoir de l’empire Bongo. Les fusils pour contraindre et les textes pour légaliser… ils ont les munitions comme ils possèdent l’encre ; ils écrivent l’histoire comme bon leur semble. Parce que l’histoire du Gabon est la leur, croient-ils. Ils possèdent une horde d’exécutants, l’argent, l’institution judiciaire et la police pour s’imposer.

Le Général d’armée travaille pour lui, le procureur dicte la loi pour lui, le trésorier général payeur décaisse l’argent pour lui… l’ivresse du pouvoir est telle qu’on l’imagine sans bornes spatio-temporelles. La promesse du bonheur, c’est eux ; la sanction de la prison ou de la misère sociale, c’est aussi eux. Les Jean Eyeghe Ndong, les Massavala, les Ndemezo’o Obiang, les Charles Mba sont obligés, même partis, de revenir à eux. Et l’on entre dans le PDG ou les partis alliés ! Et l’on fait des copinages, du clientélisme… Une omnipotence qu’aucun politologue n’explique ni ne comprend. Et les journalistes des médias publics n’ont jamais assez de panégyriques !

Ali Bongo n’est plus en mesure de diriger le Gabon

Il faut le dire et le redire sans doute jusqu’à ce que le régime prenne une loi pour l’interdire : l’état de santé d’Ali Bongo ne lui permet pas de présider aux destinées de notre pays parce qu’il ne peut exercer pleinement la fonction présidentielle. Ce qui signifie qu’il se prépare une grande mascarade dont le nom est l’imposture. La stratégie consiste à placer Ali Bongo comme une affiche, une égérie, une figure de caution, tandis que ce sont d’autres personnes qui vont exercer le pouvoir. Lors de son absence de cinq ans, avec Appel à Agir, nous posions déjà cette question : « qui dirige le Gabon ? ».

C’était une bande d’imposteurs dont les héritiers veulent continuer à instrumentaliser et manipuler Ali Bongo et le peuple gabonais pour jouir des biens, de l’argent et des institutions du pays. Un complot se joue contre la patrie et contre les Gabonais. Nombre d’intellectuels, de technocrates, l’élite politique ainsi que des réseaux d’affaires sont impliqués dans ce marché dont l’ambition est de duper le peuple gabonais et d’abuser de ses ressources. 

Tout le monde voit le yoyisme des uns et des autres sur scène et sa technique pour réduire autant que possible les contestations. La pléthore de nominations au PDG, la rallonge de l’âge de départ à la retraite chez les militaires, la création des hauts commissaires et des task-forces, l’augmentation du nombre des membres du gouvernement visent à contenter – l’âge du contentisme - autant que possible une élite toujours en proie à des crises de solvabilité et de prestige. On ne doit pas accepter ces petits marchandages qui avilissent le Gabonais.

Parce que ces manigances veulent démontrer que les Gabonais sont cupides et qu’ils sont faibles face à l’argent. Paulette Oyane a un jour posé cette question sur un plateau de télévision : « par quoi sommes-nous gouvernés » pour sortir de cette dogmatique : « par qui sommes-nous gouvernés ? ». Elle avait raison. Tout montre que les hommes au pouvoir et les élites intellectuelles et technocratiques qui les soutiennent sont gouvernés par l’argent, le luxe et même la luxure.

Le patriotisme est piétiné par la toute-puissance de l’argent. Haro sur la République et gloire à la monarchie, entonne-t-on dans les plus hautes sphères du pays. Et l’Etat ne sert plus qu’à faire rêver ces élites qui sont obsédées par l’augmentation de leurs revenus financiers en cherchant à puiser dans les caisses de l’Etat leurs fortunes. Qui pour protéger l’Etat ?

Vaincre nos peurs

Là où se trouve la plus grande peur se cache aussi la plus grande liberté. Etre libre, c’est donc vaincre sa plus grande peur. Il faut donc, même en étant PDGiste, vaincre le PDG, vaincre son histoire, vaincre les logiques qui le gouvernent et vaincre la dynastie qui y a pris corps. Sortir du défaitisme, du sentiment d’indignité de soi, de la honte de soi ; puiser à l’intérieur de nous-mêmes, individuellement et collectivement, les ressources pour vaincre ce qui nous effraie tous : la toute-puissance du clan Bongo et sa main-d’œuvre le PDG.

On ne doit pas accepter qu’Ali Bongo dirige le Gabon une année de plus. Notre réveil pourrait être catastrophique. Et même l’élite intellectuelle et technocratique qui se croit à l’abri du besoin et de la peur ne sera pas épargnée. L’imbroglio dans le calendrier électoral, dans les préparatifs des élections, dans l’exclusion d’une grande partie des Gabonais de l’étranger est savamment orchestré par le Conseil Gabonais des Elections.

C’est la compétence à l’incompétence ; et on voit bien qu’ils surjouent, la scène est fausse. La vérité est que le régime, conscient de ce qu’il ne peut pas gagner une élection présidentielle transparente, organise l’anarchie, le doute, l’incertitude et le découragement. Les contrôles militaires (gendarmes ou policiers) servent deux causes : assurer à ces derniers leurs pains quotidiens puisqu’ils ne peuvent s’empêcher de racketter au lieu de sensibiliser ; et par ce contentement, semer la terreur dans l’esprit des gens.

Quand on voit ces scènes, leurs logiques et l’histoire qu’elles fabriquent, on en déduit qu’il n’y a plus d’Etat au Gabon. Un étatisme oui ! C’est-à-dire un régime qui s’appuie sur une fiction de l’Etat pour asseoir sa domination et légaliser sa violence. La violence qu’exercent les forces habillées qu’on dit forces de l’ordre n’est pas une force légitime ; elle est aussi illégitime que les quatorze ans de pouvoir d’Ali Bongo à la tête de notre pays.

L’union sacrée pour sauver notre patrie

En 2016, l’opposition et la société civile ont créé une organisation éphémère appelée l’Union sacrée pour la patrie. Si elle a éclaté par la suite, l’idée n’en est pas moins grande. Il faut aujourd’hui une union sacrée pour la patrie. On sait que les bains de foule que les ouailles d’Ali Bongo lui offrent ne se transformeront pas en vote. Les Gabonais ne voteront pas Ali Bongo, pas plus qu’ils ne l’ont voté en 2016. Il reste à l’opposition de se structurer de manière à ordonner le choix des Gabonais pour l’alternance.

Et je ne doute pas que, même au sein du PDG, il y ait des compatriotes qui vont œuvrer pour l’alternance. Aux législatives comme aux locales, il n’est pas trop tard pour organiser des organisations communes et des candidatures uniques. Car il faut maximiser les chances de succès et ne laisser planer aucun doute sur la victoire prochaine de l’alternance. Aux acteurs de l’opposition favorables à l’alternance de favoriser l’union du peuple pour la cause de l’alternance. Il faut se donner du crédit.

La candidature unique n’est pas la condition de la victoire, mais la condition du crédit. Or la crédibilité est essentielle pour gouverner dans la légalité et la légitimité. On dira : peuple de l’alternance, unissez-vous, même contre les pistolets et les bombes lacrymogènes que le régime pourrait déployer. Les petites démonstrations de force des blindés circulant dans la ville, des barrages et contrôles ne doivent aucunement entamer la détermination des patriotes à vaincre l’imposture qui se prépare sous nos yeux. 

Pr Noël Bertrand Boundzanga, maître de conférences, écrivain, membre de la société civile

 

@info241.com
Moov Africa

Newsletter de Info241.com

Inscrivez-vous maintenant pour recevoir notre newsletter quotidienne


Info241.com s'engage à ne pas vous envoyer de messages non sollicités. Si vous changez d'avis, vous pourrez vous désabonner de cette newsletter à tout moment.

Commenter l'article