Invité de la Rédaction

Jean Ping : « Avec quel acte de naissance, Ali Bongo compte-t-il se présenter à l’élection présidentielle ? »

Jean Ping : « Avec quel acte de naissance, Ali Bongo compte-t-il se présenter à l’élection présidentielle ? »
Jean Ping : « Avec quel acte de naissance, Ali Bongo compte-t-il se présenter à l’élection présidentielle ? » © 2016 D.R./Info241

L’invité de la rédaction d’Info241 est cette semaine Jean Ping, opposant au régime du président Ali Bongo et ancien président de la Commission de l’Union Africaine. Il est par ailleurs candidat à la présidentielle gabonaise de cette fin d’année porté par une coalition de seize partis de l’opposition membres du Front.

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Jean Ping, revient au cours de cet entretien exclusif sur son programme politique, le diagnostic qu’il fait de l’état actuel du Gabon. Son vœux ardent étant de fédérer l’opposition gabonaise en vue de proposer aux électeurs une candidature unique contre le président sortant Ali Bongo.

Ali Bongo vient d’annoncer sa candidature à la présidentielle, qui ne faisait aucun doute, à quelques encablures de votre village natal. Que vous inspire cette déclaration ?

Jean Ping : Rien du tout. Je l’apprends. Cela ne m’inspire rien du tout, mais peut-être que vous pourriez lui demander avec quel acte de naissance compte-t-il se présenter à l’élection présidentielle.

Cela ne m’inspire rien du tout, mais peut-être que vous pourriez lui demander avec quel acte de naissance, compte-t-il il se présenter à l’élection présidentielle."

Vous avez marqué l’actualité politique gabonaise par une tournée nationale qui vous a permis de sillonner l’arrière-pays. Quel diagnostic faites-vous de la situation actuelle du Gabon ?

Jean Ping : La situation du pays que j’ai observé au moment où je visitais la quasi-totalité de nos villages, de nos villes, de nos quartiers, des maisons, des familles, des femmes, des jeunes, des sages, l’impression est une impression de désolation. Le Gabon ressemble à un pays pour ainsi dire sinistré. Il n’y a rien à l’intérieur du pays. Les gens ne demandent pas grand-chose.

Le Gabon ressemble à un pays pour ainsi dire sinistré. Il n’y a rien à l’intérieur du pays. Les gens ne demandent pas grand-chose.’’

Ils demandent simplement à pouvoir envoyer leurs enfants à l’école. A se soigner s’ils sont malades. A pouvoir évacuer leurs produits et les vendre au marché. Ils cherchent un logement décent. Ils cherchent des protections sociales. Ils cherchent des besoins essentiels que tout peuple doit attendre de son pays et de son gouvernement. Voilà des choses simples qu’ils cherchent. Et ils n’ont rien de tout cela. Ou pour ainsi dire, presque rien de tout cela.

Vous faites alors un diagnostic amer de la dégradation sociale du pays. En pointant le manque des besoins primaires, dans la santé, l’éducation, le logement. En précisant les secteurs et chantiers à développer. Lors de vos sorties politiques, il y a un slogan qui est martelé, « Un Gabon à l’abri de la peur et du besoin ». Quelles seront pour vous, les grandes lignes qui vont aiguillonner ce programme politique ?

Jean Ping : D’abord je crois qu’il faut faire en sorte que les Gabonais sortent de la peur. La peur de la tyrannie. La peur des crimes rituels. La peur de l’assassinat tout court. La peur d’être envoyé en prison, parce que vous avez exprimé librement vos opinions. La peur d’être traîné en justice. Une justice à deux vitesses. Qui juge et emprisonne les honnêtes gens. Et laisse libre les voyous. Les assassins. Ils ont peur de tout ça. Et il faut tout faire pour qu’ils sortent de la peur. Qu’ils n’aient plus peur. Il faut que les Gabonais soient à l’abri de la peur. Et le moyen de le faire : c’est la démocratie et l’état de droit. Et le respect des droits de l’homme. Comme un pays normal. Comme ailleurs dans le monde.

Il faut que les Gabonais soient à l’abri de la peur et du besoin. Et le moyen de le faire : c’est la démocratie et l’état de droit. Et le respect des droits de l’homme. Comme un pays normal. Comme ailleurs dans le monde."

Où vous pouvez, vous exprimer librement. Où vous pouvez donner votre opinion, sans être inquiété. Sans être embastillé. Et ces choses-là, nous allons les mettre en place. Parce que c’est simple, c’est une question de volonté politique. Vous avez décidé ensemble d’instaurer la démocratie, l’état de droit, une justice indépendante, ce n’est pas compliqué. Vous les mettez en place. Et nous allons les mettre en place.

Le deuxième pilier, c’est le Gabon à l’abri du besoin. Parfois, les gens d’en face ne comprennent pas ce que ça signifie à l’abri du besoin. Ils croient que, boire le champagne, sabler le champagne, que c’est ça le besoin. Non. Il s’agit des besoins essentiels de tout être humain. Des besoins fondamentaux de l’être humain.

C’est-à-dire, l’éducation, la santé, la protection sociale, l’eau, l’électricité, la culture, le logement etc. C’est ça, les besoins essentiels. Si vous arrivez à couvrir ses besoins essentiels, ne serait-ce qu’un logement décent. Un gîte et un couvert. Vous avez mis le Gabon à l’abri du besoin. Les besoins fondamentaux et essentiels qui sont aussi des droits de l’homme.

Qu’est-ce que vous répondez au porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Billie Bi Nze, qui qualifiait lors de sa dernière entrevue avec la presse gabonaise votre programme qu’il était conforme à celui d’un "feyman" [en jargon gabonais, qui signifie un blanchisseur d’argent qui promet paradis et richesse à celui qu’il veut escroquer].

Jean Ping : Ah ! Mais vous savez quand vous suivez ces gens-là (Ndlr : les hommes au pouvoir, le gouvernement), vous avez l’impression, qu’ils parlent pour ne rien dire. Et, nous allons voir. Quand nous allons accéder au pouvoir, ils vont voir comment nous allons mettre tout cela en œuvre.

Si vous pensez que demander aux gens de construire des écoles, des hôpitaux, des dispensaires. Mettre au cœur de son programme, la santé et les routes, c’est un programme de "feyman", alors ils n’ont rien compris. Je peux les laisser qu’à leurs élucubrations.

Quel est votre sentiment sur les querelles actuelles de stratégie et de leadership dans le camp de l’opposition ? Avez-vous tourné le dos au Front uni de l’opposition et à l’idéal d’une candidature unique ?

Jean Ping : Non, non. Pas du tout. Nous continuons à espérer que nous arriverons à avoir une candidature unique, dans l’opposition sérieuse. Et nous ne désespérons pas, face à nos camarades qui n’ont pas encore rejoins les autres qui l’ont déjà fait. Nous ne désespérons pas d’eux. C’est la raison pour laquelle, en dépit des insultes, en dépit des calomnies, en dépit des accusations, nous ne répondons pas. Parce que nous ne voulons pas fermer la porte à la recherche de l’unité de l’opposition.

Nous sommes à la recherche de cette unité. Nous continuons à travailler pour rechercher cette unité. Je ne désespère pas."

Nous sommes à la recherche de cette unité. Nous continuons à travailler pour rechercher cette unité. Je ne désespère pas. Et je pense que nous allons y arriver. Ceci étant dit, il faut simplement ne pas être naïf. A savoir que, le pouvoir en place alignera des candidats bidons. Il l’a toujours fait. Il le fera encore. Pour nous prendre des voix. Et donc, c’est quelque chose qui n’est pas une priorité majeure pour nous.

Info241 a effectué un micro-trottoir sur le manque d’engouement autour de l’enrôlement. Plusieurs gabonais demeurent sceptiques, sur les conditions de transparence pour la prochaine présidentielle. Parmi les éléments évoqués, il y a l’embrigadement par le pourvoir de toutes les institutions dites républicaines : la Cour Constitutionnel, la CENAP, le Ministère de l’Intérieur en charge de l’organisation des élections. Sachant que le Ministre de tutelle a été accusé d’avoir déclaré sur la place publique, qu’aucun opposant ne pouvait gagner les élections tant qu’il serait ministre. Alors, comment garantirez-vous l’alternance politique par les urnes ?

Jean Ping : C’est une préoccupation majeure pour nous. Nous avons réclamé. Et nous réclamons, et nous réclamerons toujours, la transparence électorale. Et le fait que les jeux doivent être honnêtes. Je donne toujours l’image d’un match de football. Où l’arbitre principal, les arbitres de touche sont achetés. Où votre propre gardien de but est corrompu. Jouer dans ces conditions ce n’est pas un jeu normal. Ce n’est pas un jeu où les règles du football sont appliquées. Mais, si la FIFA vous demande quand même, d’aller jouer ce match. Qu’est-ce que vous faites ? Il faut aller jouer.

Nous continuons à nous battre avec tous les autres opposants pour la transparence. Sans négliger de faire la campagne. Nous sommes à 6 mois de l’élection, selon les termes de la Constitution.’’

En faisant tout ce qui est possible, non seulement pour gagner. Mais pour montrer, les manœuvres de l’arbitre principal, et celles des arbitres de touche. C’est ça que nous croyons. Mais, nous nous battons pour la transparence. Nous continuons à nous battre avec tous les autres opposants pour la transparence. Sans négliger de faire la campagne. Nous sommes à 6 mois de l’élection, selon les termes de la Constitution.

Ils vont tout faire. Ils commencent déjà à tout faire. Inscrire les étrangers, les Congolais, tout au long de la frontière. Inscrire les étrangers, les ouest-africains sur les listes électorales. Et donc tricher massivement... La fraude est devenue leur sport favori."

Nous ne pouvons plus tergiverser. Il faut nous préparer. Il faut inciter les gens à s’enrôler. Il faut les aider à s’enrôler. Il faut faciliter la tâche de nos militants, de nos camarades qui veulent s’enrôler. Ce n’est pas facile de le faire, face aux manœuvres des "émergents" (Ndlr : le pouvoir à la solde d’Ali Bongo). Ils vont tout faire. Ils commencent déjà à tout faire. Inscrire les étrangers, les Congolais, tout au long de la frontière. Inscrire les étrangers, les ouest africains sur les listes électorales.

Et donc tricher massivement. Tricher massivement. La fraude est devenue leur sport favori. Et donc, il faut s’opposer à ça. Nous allons nous opposer à ça. Et je crois que pour revenir à ce que le ministre dont vous parlez avait dit tant qu’il sera là (Ndlr : Moubelet Boubeya, ministre actuel de l’Intérieur aurait affirmé qu’aucun opposant ne gagnerait tant qu’il serait ministre)…, mais c’est simple, il ne sera pas là.

Vos détracteurs vous reprochent vos liens avec la famille Bongo. Et surtout le rôle que vous avez joué dans la pérennité du régime Bongo durant plus de 42 ans. Alors que vous semblez le combattre radicalement aujourd’hui. Que répondez-vous à ces accusations ?

Jean Ping : Oui c’est simple vous voyez. Je ne peux pas. Je ne dois pas nier que j’ai travaillé avec le président Bongo. Et que j’ai une part de responsabilité dans ce qui s’est passé. Je l’ai accepté. Je l’ai reconnu. Je me suis même…, j’ai même demandé pardon pour les actes dont je suis responsable. En parti, les actes commis. Ça c’est une chose y compris, le fait que j’ai eu deux enfants avec Pascaline Bongo. Tout ça ce sont des faits connus.

Je pense que lorsque vous vous rendez-compte, qu’un président avec lequel vous avez travaillé, ou vous n’avez pas travaillé. Peu importe. Qu’il va dans une mauvaise direction. Il faut tirer la sonnette d’alarme. Il faut partir. Il faut s’opposer."

Maintenant si vous êtes en train de dire que parce que vous avez porté la valise du père, il faut aussi porter la valise du fils, même si c’est tout ce que l’on sait. Mais si nous avons qu’il est violent. Qu’il est rancunier. Qu’il est sanguinaire. Il est tout ce que les Gabonais savent. Je dois porter la valise du fils parce que j’ai porté celle du père.

Je pense que c’est une interprétation erronée, de ce qui se passe. Savez-vous que, le président Macky Sall (Président la République du Sénégal, ndlr) a été le premier ministre d’Abdoulaye Wade (ancien Président la République du Sénégal, ndlr) ? Savez-vous que lorsque Wade a décidé que c’est son fils qui devait assurer la succession. Que Macky Sall a refusé cela. Il a quitté le parti et a créé le sien. Et il est aujourd’hui élu président le République. Savez-vous qu’au Burkina-Faso, que celui qui a été élu, Monsieur Kaboré a été le plus proche collaborateur de l’ancien président Blaise Compaoré.

Il a été son premier ministre, son président de l’Assemblée Nationale. Il l’a suivi jusqu’au moment ou il a pensé qu’il devait rompre avec ce système. Et le président Charles Kaboré en dépit de tout ça a été élu. Alors, si des gens continuent à s’amuser sur des faits passés. Alors, il faut les laisser élucubrer. Je ne peux pas faire grand-chose à leur problème. Il faut les laisser ainsi.

Je pense que lorsque vous vous rendez-compte, qu’un président avec lequel vous avez travaillé, ou vous n’avez pas travaillé. Peu importe. Qu’il va dans une mauvaise direction. Il faut tirer la sonnette d’alarme. Il faut partir. Il faut s’opposer. C’est aussi simple que cela. Ça se passe ainsi dans le monde entier. Et ça ne sera pas différent en ce qui concerne le Gabon. Voilà ! C’est très, très simple.

Seriez-vous prêt à travailler avec l’Union Nationale et l’UPG, aille Moukagni-Iwangou, porteurs de la fronde à propos de la légalité de votre candidature unique ? A quand la paix des braves dans le camp de l’opposition ?

Jean Ping : Je vous ai dit tout à l’heure, je crois que c’était votre deuxième question, que je n’ai jamais désespéré de retrouver l’unité du front. Qu’il s’agisse de l’Union Nationale, qu’il s’agisse des autres partis que vous avez mentionnés, je crois qu’il est tout à fait possible que nous retrouvons la sérénité.

Je crois qu’il est tout à fait possible que nous retrouvions la sérénité. Et que nous-nous retrouvions sur la même ligne de départ."

Et que nous-nous retrouvions sur la même ligne de départ. Ensemble. Il n’est pas impossible. Je ne désespère pas. Et je continue à travailler, en ce qui me concerne dans ce sens.

Propos recueillis par Rostano Éloge Mombo Nziengui

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