L’AGOA s’est ouvert hier à Libreville. Le quotidien Burkinabé Le Pays, en profite pour jeter un regard critique sur le choix du Gabon par les Etats-Unis pour abriter cet important rendez-vous économique subsaharien. D’autant que le Gabon est loin d’être, selon nos confrères, un exemple de démocratie en Afrique avec une alternance politique confisquée depuis 1967 par la seule famille Bongo. Nous vous livrons in extenso cette analyse qui fera bien grincer des dents.
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La 14e édition du Forum international de l’AGOA (African Growth Opportunity Act) s’este ouvert le 24 août 2015, à Libreville au Gabon. Le thème autour duquel vont réfléchir plus de 1000 délégués officiels en provenance de 39 pays, sans compter les hommes de médias, les experts et autres personnalités économiques indépendantes, est le suivant : « pérennisation du Partenariat par le commerce et l’investissement entre les Etats-Unis et l’Afrique. »
Il faut rappeler que l’AGOA est un programme américain, émanant d’une loi votée en mai 2000 par le Congrès, sous l’égide du président Bill Clinton. Cette loi permet aux pays de l’Afrique subsaharienne d’exporter plus de 5000 produits aux Etats-Unis sans frais de douane. On peut saluer le souci de la première puissance du monde, de contribuer au décollage économique des pays de l’Afrique au Sud du Sahara, en leur accordant des avantages en matière d’exportation de leurs produits vers l’Amérique. Mais dans une Afrique en proie à des problèmes de gouvernance politique liés à la gestion calamiteuse de la démocratie dans bien des pays, l’on ne peut s’empêcher de l’interroger sur le choix du Gabon pour abriter la présente édition de l’AGOA.
La confiscation du pouvoir par les Bongo constitue une entrave à la démocratie
Cette question est d’autant plus pertinente que ce pays, même s’il n’est pas le plus cancre de la démocratie en Afrique, est loin de figurer dans le peloton des pays qui peuvent être cités comme des exemples en la matière. En effet, on le sait, l’espace public du pays est accaparé par la famille Bongo et ce, depuis 1967. Depuis donc 48 ans, le Gabon vit dans l’attente de sa première alternance démocratique. Et cela ne semble pas pour demain. Cette confiscation du pouvoir par les Bongo, de toute évidence, constitue une entrave à la démocratie. L’on peut donc avoir beaucoup de mal à s’expliquer pourquoi l’Oncle Sam a accepté que l’on tienne le 14e forum sur l’AGOA à Libreville. Le choix de pays comme le Ghana ou le Sénégal ou encore le Burkina, aurait été politiquement plus correct parce qu’en matière de démocratie, ces pays-là font des efforts.
Et cela mérite d’être encouragé par l’Amérique, en y tenant un forum sur l’AGOA. Certes, l’on peut rétorquer que l’AGOA est un outil exclusivement économique, tendant à faciliter les exportations des opérateurs économiques du continent vers l’Amérique et à encourager les pays qui ont opté pour le libéralisme économique et que, de ce fait, cet instrument n’intègre pas les questions d’ordre politique. Mais cette thèse fondée sur le tout économique est contestable. En effet, les Etats-Unis, par l’intermédiaire de la sous-secrétaire d’Etat chargée des affaires africaines, avait menacé récemment, on se rappelle, de retirer le Burundi de l’AGOA au motif que ce pays foule au pied les principes de la démocratie. Cette sortie américaine semble établir un lien entre la démocratie et l’éligibilité au sein de l’AGOA. Dans ces conditions, le fait d’organiser, dans le même temps, un forum dans un pays qui pourrait un jour s’apparenter au Burundi en matière de démocratie, peut être perçu comme une contradiction.
On peut suggérer à l’Amérique d’user de son poids pour aider les peuples d’Afrique à y implanter la démocratie
Ce faisant, l’Amérique court le risque de susciter au sein des forces qui luttent pour la démocratie en Afrique, le sentiment qu’elle privilégie dans ses relations avec l’Afrique, ses intérêts à travers l’AGOA et ce, au détriment de la démocratie dont elle est censée être le porte-étendard dans le monde. La philosophie qui sous-tend cela pourrait se résumer en ces mots : démocratie d’accord, mais business d’abord ! Et le Gabon, de ce point de vue, est un enjeu intéressant. D’abord, son président s’illustre comme un acteur qui s’investit dans le domaine de la promotion de l’économie libérale.
La preuve, entre autres, de cela, est qu’il est l’un des promoteurs du New-York Africa Forum dont l’objectif est de susciter l’intérêt des investisseurs américains pour le marché africain. Cela n’est pas pour déplaire aux Etats-Unis.
Ensuite, le Gabon est un bon morceau sur lequel l’Amérique ne peut pas cracher. Car, non seulement le pays a du pétrole, mais aussi, il regorge de produits forestiers qui pourraient intéresser le pays de l’Oncle Sam.
Cela dit, on peut suggérer à l’Amérique qui est perçue comme la gardienne du temple de la démocratie dans le monde, d’user de son poids économique et politique pour aider les peuples d’Afrique à travers toutes ses initiatives en direction de ce continent, à y implanter la démocratie. La France de François Mitterrand avait tracé la voie à l’occasion du sommet de la Baule en 1990. Les Etats-Unis ont l’obligation morale et politique de ne pas s’écarter de l’esprit de ce sommet, pour peu qu’ils aient le souci de promouvoir la démocratie dans leur partenariat avec le continent noir. Les fils et filles n’ont-ils pas beaucoup contribué, à la faveur de l’esclavage surtout, à la grandeur de l’Amérique ?
Avec Le Pays
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