Consécration

La leçon inaugurale du Pr Alain Mabanckou ovationnée au Collège de France à Paris

La leçon inaugurale du Pr Alain Mabanckou ovationnée au Collège de France à Paris
La leçon inaugurale du Pr Alain Mabanckou ovationnée au Collège de France à Paris © 2016 D.R./Info241

Le franco-congolais Alain Mabanckou, premier écrivain invité sur la chaire de Création artistique, a prononcé sa leçon inaugurale hier à Paris. Sous l’ovation du public composé de chercheurs, écrivains, lecteurs, diasporas africaines, afro-caribéennes et institutionnels dont les ministres françaises de la Culture Audrey Azoulay, des Outre-mer George Pau-Langevin, la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie, Michaelle Jean, qui ont assisté à la cérémonie, aux côtés de nombreuses personnalités du monde des lettres dont l’académicien d’origine haïtienne, Dany Laferrière.

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« J’appartiens à une génération d’écrivains qui brisent les barrières, refusent la départementalisation de l’imaginaire parce qu’ils sont conscients que notre salut réside dans l’écriture, loin d’une factice fraternité définie par la couleur de peau ou la température de nos pays d’origine. Cette écriture qui devient alors à la fois un enracinement, un appel dans la nuit et une oreille tendue vers l’horizon », a déclaré le Pr Alain Mabanckou, dans sa leçon inaugurale intitulée "Lettres noires : des ténèbres à la lumière", largement applaudie par le public qui a pris d’assaut l’Amphithéâtre Marguerite de Navarre - Marcelin Berthelot du Collège de France.

Tout en martelant, « Non, je ne suis pas devenu écrivain parce que j’ai émigré – mais j’ai posé un autre regard sur ma contrée une fois que je m’en suis éloigné. Dans mes premiers écrits, tous ébauchés au Congo, je sentais qu’il manquait des pièces, que mes personnages étaient cloitrés, respiraient à peine et me réclamaient encore plus d’espace. Dans ce sens l’émigration aura contribué à ressortir en moi cette inquiétude qui fonde toute démarche de création, cette inquiétude sans laquelle une œuvre ne reflétera jamais la préoccupation du créateur. L’écriture devient alors à la fois un enracinement, un appel dans la nuit et une oreille tendue vers l’horizon
… »

« J’appartiens à une génération qui s’interroge, celle qui, héritière bien malgré elle de la fracture coloniale, porte les stigmates d’une opposition frontale de cultures dont les bris de glace émaillent les espaces entre les mots, parce que ce passé continue de bouillonner, ravivé inopportunément par quelques politiques qui affirment, un jour, que +l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire+ et, un autre jour, que la France est +un pays judéo-chrétien et de race blanche » , a-t-il souligné.

« Nous autres Africains n’avions pas rêvé d’être colonisés, nous n’avions jamais rêvé d’être des étrangers dans un pays et dans une culture que nous connaissons sur le bout des doigts".Notre salut réside dans l’écriture, loin d’une factice fraternité définie par la couleur de peau ou la température de nos pays d’origine » , a-t-il conclu.

Alain Mabanckou se propose, « en créateur libre », de s’interroger sur la littérature d’Afrique noire contemporaine en français, sur ses lieux d’expression, sur sa réception critique et sur ses orientations au présent. Il insistera également sur l’aventure de la pensée africaine, on parle aujourd’hui de « pensée noire », sur la place de l’Histoire (passée ou contemporaine), sur l’attitude de l’écrivain africain devant l’horreur. Notamment, face au génocide du Rwanda ou aux différentes guerres civiles qui ont donné naissance à un personnage minuscule, terrifiant et apocalyptique : l’enfant-soldat.

La présence des historiens, des écrivains ou des philosophes qui interviendront dans les séminaires aura pour ambition d’illustrer la richesse des études africaines qui constituent désormais une discipline autonome dans les universités anglophones, en particulier américaines. Alain Mabanckou est le premier écrivain à occuper cette chaire. Avec cette nomination, l’Assemblée des professeurs a souhaité mettre en avant la création et le talent littéraire mais également marquer sa volonté « de donner la place qu’elles méritent aux études africaines et d’être au premier rang dans la réflexion sur un continent et sur des cultures qui marqueront le siècle qui commence ».

Comme en écho, Alain Mabanckou exprime une joie à double titre, « en tant qu’écrivain, le premier à occuper cette chaire, mais aussi pour cette ouverture à la littérature francophone africaine. Littérature vibrante et riche, en terme de langue, d’histoire et d’enseignements sur notre passé commun ; littérature en résonance ».

Romancier, poète et essayiste franco-congolais, Alain Mabanckou ne cesse de bousculer la langue française, les idées sur l’Afrique et sur ce que l’on appelle la « pensée noire » ; une réflexion qu’il nourrit d’une profonde connaissance de l‘histoire de la littérature francophone et qui s’accompagne d’un engagement pour un plus large enseignement et une meilleure reconnaissance de ce pan de la littérature mondiale. Au Collège de France, Alain Mabanckou va traverser la longue et riche histoire de la littérature d’expression française d’Afrique noire mais aussi caribéenne et afro-américaine : de la littérature coloniale à la littérature « négro-africaine », vers une littérature qui peut tout simplement dire "je".

Alain Mabanckou passe son enfance et son adolescence au Congo Brazzaville, à Pointe Noire et arrive en France en 1989 pour poursuivre des études de droit (Université de Nantes, Paris-XII et Paris-Dauphine) et commence à publier ses premiers textes poétiques. En 1995, il reçoit le prix de la Société des Poètes Français tandis que son premier roman, Bleu-Blanc-Rouge, paru en 1998, obtient le Grand Prix littéraire d’Afrique Noire.

Désormais, il ne cessera de publier romans, essais et poèmes. En 2001, il quitte la France pour les Etats-Unis où lui est proposé une résidence d’écrivain, puis un poste de professeur assistant de littératures francophones, afroaméricaines et de Creative writing. En 2006, alors qu’il vient d’obtenir le prix Renaudot pour son roman Mémoires de porc-épic, l’Université de Californie-Los Angeles (UCLA) lui propose une titularisation au département de littérature française et d’études francophones, poste qu’il occupe jusqu’à ce jour.

Son œuvre est traduite dans une quinzaine de langues. Il a été finaliste en 2015 du « Man Booker International Prize » en Grande Bretagne et du « Premio Strega Europeo » en Italie. L’ensemble de son œuvre a été couronné en 2012 par l’Académie française (Grand Prix de littérature Henri Gal), puis en 2013 par la Principauté de Monaco (prix littéraire Prince Pierre de Monaco pour l’ensemble de l’œuvre). Son roman Lumières de Pointe-Noire qui vient d’être traduit aux Etats-Unis a reçu à New York le Grand prix French Voices 2016.

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