Jocksy Ondo Louemba, doctorant en histoire, nous livre là sa lecture du parcours politique de Bruno Ben Moubamba. Une peinture de l’homme qui a vulgarisé le concept de « grève de la faim » dans le pays. Un parcours atypique qui a débuté sur un bon fond mais qui aujourd’hui est loin de l’avenir radieux qu’on lui prédisait : de la vice-présidence de l’Union nationale au secrétariat général de l’Union du peuple Gabonais (UPG).
« L’opposant Bruno Ben Moubamba en grève de la faim ». Ainsi ai-je appris par un site internet la nouvelle grève de la faim de M. Bruno Ben Moubamba, intellectuel et homme politique gabonais. Cette nouvelle grève de la faim m’a poussé à mener cette réflexion à propos de ce monsieur, respecté, respectable et brillant mais dont les choix politiques m’ont toujours profondément intrigué.
Je découvre Bruno Ben Moubamba, par la lettre ouverte qu’il écrit à Omar Bongo, alors Président de la République Gabonaise. Il y dénonce, avec virulence la gestion du pays par ce que Moussavou King appelait en son temps « l’état P.D.G. ». Très vif, le verbe haut, en 2008 il s’associe à Transparency, Sherpa et Survie dans l’affaire dite des « Biens mal acquis » en cosignant avec d’autres acteurs dits « libres » de la société civile gabonaise notamment Marc Ona Essangui, et Gregory Ngwa Mintsa une plainte contre Omar Bongo pour détournement de biens publics. Cette affaire, provoqua une sévère réaction du pouvoir d’alors par l’entremise d’André Mba Obame, dit AMO, ministre « sécurocrate » de l’intérieur du gouvernement Jean Eyegue Ndong qui dans une conférence de presse dénoncera « des menées subversives (…) comme des actes visant à inciter à la révolte contre la personne et l’autorité du chef de l’état ». Bruno Ben Moubamba est en ce temps-là dans tous les esprits et sur de nombreuses chaines de radio et de télévisions françaises de premier plan, dont France 24, dans la foulée il organise en Avril 2009 à Reims un forum éponyme où il esquisse un Gabon nouveau, tout lui réussit.
France 24 annonce le décès, le 8 juin 2009, d’Omar Bongo, Président de la République Gabonaise, doyen des chefs d’états africains en exercice, à Barcelone. Le pays est en émoi et la guerre de succession ouverte. Bruno Ben Moubamba annonce toujours sur France 24 son arrivée au Gabon et sa présentation à l’élection présidentielle anticipée de 2009. Bruno Ben Moubamba y est vivement attendu.
Une attente justifiée car outre la jeunesse, Bruno Ben Moubamba possède toutes les qualités de l’homme politique moderne. Il est élégant, éloquent, maitrise parfaitement sa communication (il est encore aujourd’hui l’homme politique gabonais le mieux représenté sur internet) et affirme être déterminé dans son combat pour un Gabon meilleur. Au carrefour Rio de Libreville, le 7 Aout 2009, toujours « leader de la société civile » il offre sa poitrine aux tirs la police pour faire cesser leur maintien de l’ordre quelque peu musclé et obtenir l’envoi d’un manifestant à l’hôpital lors d’une manifestation interdite au cours de laquelle il revendiquait le report de l’élection, la réouverture des listes électorales et la démission d’Ali Bongo Ondimba alors ministre de la défense. Jugeant le processus électoral biaisé et l’élection gagnée d’avance par Ali Bongo Ondimba, il entame une grève de la faim devant le Palais Léon Mba, l’Assemblée Nationale gabonaise en pleine campagne électorale, une première chez les hommes politiques gabonais. Hommes politiques qu’il dénonce d’ailleurs très vivement accusant les PDGistes d’êtres des suppôts du diable et les opposants sans exception d’être les complices de ce « parti diabolique », il incarne – véritable empêcheur de tourner en rond - une jeunesse qui se reconnait de moins en moins dans le parti au pouvoir et l’opposition traditionnelle. L’élection passée Moubamba conteste les résultats et dénonce au Gabon puis en France toujours sur France 24 « le coup d’état électoral d’Ali Bongo » et le « soutient de la France » au nouveau président gabonais. On s’attend alors qu’il se radicalise ou qu’il crée une structure qui correspond le mieux à son idéologie politique, une structure nouvelle régie par des règles démocratiques pour continuer son combat politique.
Bruno Ben Moubamba ne le fait pas, pis, il crée avec ceux qu’ils condamnaient jadis un nouveau parti politique, l’Union Nationale et dont la majorité des membres sont d’anciens hiérarques du P.D.G. qu’il qualifiait pourtant de « parti diabolique ». Peu après, il est nommé Ministre des affaires étrangères du gouvernement parallèle de Raphael Badenga Lendoye nommé premier ministre par…André Mba Obame qui se déclare au passage « président élu » de la République Gabonaise.
En Janvier 2012, après avoir quitté l’Union Nationale il s’engage dans l’Union du Peuple Gabonais de Pierre Mamboundou et finit par être nommé secrétaire général dudit parti et à se faire élire conseiller municipal à Ndendé. Au fil du temps, Bruno Ben Moubamba avoue à demi-mot qu’il vise l’investiture de l’U.P.G. pour la présidentielle de 2016 tout en revendiquant systématiquement l’héritage de Pierre Mamboundou qu’il a pourtant vivement fustigé par ailleurs, souvent, comme femme, politicien varie.
Aujourd’hui, en Mars 2015, Bruno Ben Moubamba est aux prises avec le Secrétaire exécutif de l’U.P.G. M. Mathieu Mboumba Nziengui et l’U.P.G. qui avait déjà essuyé une scission est plus que jamais en proie à de nouveaux troubles, tout ceci, me conduit inexorablement à poser - de même qu’à Monsieur Bruno Ben Moubamba - les questions suivantes susceptibles de comprendre les choix de cet homme doté pourtant d’une grande culture et d’atouts indéniables très utiles en politique.
Pourquoi Bruno Ben Moubamba entré en fanfare dans l’arène politique gabonaise a-t-il choisi puis décidé de créer puis de sortir de l’Union Nationale ? Pourquoi, alors que l’U.P.G. qui n’avait jamais organisé de congrès depuis sa création le 14 juillet 1989, a-t-il choisi de rejoindre cette formation politique pleine de contradictions depuis 2009 ? Il convient de souligner ici qu’après avoir contesté vivement l’élection d’Ali Bongo Ondimba en déclarant son président vainqueur, l’U.P.G. s’est dit pourtant prête à gouverner avec lui en reconnaissant de fait son élection mais sans prendre la peine d’éclairer l’opinion sur cette position. Contradiction qui a persisté après le décès de Pierre Mamboundou, en décidant dans un premier temps de respecter la décision de ce dernier de ne pas prendre part aux élections législatives de Décembre 2011 sans la mise en place de la biométrie, puis de prendre part à cette élection sans éclairer l’opinion et sans que cette exigence soit honorée confirmant au passage ce qu’Omar Bongo Ondimba déclarait : « l’opposition gabonaise s’oppose, elle s’oppose à tout et surtout à elle-même ».
Bruno Ben Moubamba, aurait pu créer, une nouvelle structure cadrant avec ses positions politiques et dans laquelle se reconnaissent ceux qui récusent le système et les acteurs politiques qui règnent au Gabon depuis les Accords de Paris. Jeune, construit hors des canaux de réussite classiques, très instruit ( il est titulaire pour peu que cela intéresse de deux doctorats), éloquent, cultivé, Bruno Ben Moubamba porteur d’espoir et pourfendeur de la « sorcellerie politique », est aujourd’hui la blafarde copie de celui qui en 2009 avait des airs de John Fitzgerald Kennedy. Le bateau dans lequel il s’est embarqué pour le conduire au pouvoir étant plus que jamais en pleine tempête, en proie à de nouvelles guerres intestines et prenant l’eau de toutes parts, me pousse à demander, en paraphrasant Molière : « qu’est-il allé faire dans cette galère ? ».
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