Gabon : Ndong Sima mord le vice-président et appelle Oligui à annuler les législatives et locales

L’ancien Premier ministre de la transition et président de l’Alliance patriotique (AP), Raymond Ndong Sima, a animé ce vendredi une conférence de presse très attendue au siège de son parti, à Nzeng-Ayong dans la capitale gabonaise. Celui qui se considère toujours comme un allié du nouveau pouvoir, a répondu point par point aux accusations formulées lundi dernier par le vice-président de la République, Séraphin Moundounga, avant de dresser un réquisitoire sévère contre le déroulement des élections législatives et locales du 27 septembre et appeler le président Oligui Nguema à les annuler purement et simplement.

D’entrée de jeu, Raymond Ndong Sima a justifié sa prise de parole par « la gravité des accusations » du vice-président, qu’il dit ne pouvoir laisser passer sous silence. « J’aurais bien voulu répondre par le silence, mais il me semble que la situation exige une réponse explicite », a-t-il déclaré, précisant que son intervention porterait d’abord sur les déclarations de M. Moundounga, puis sur le déroulement des scrutins, et enfin sur quelques considérations générales.
Riposte contre les accusations de Moundounga
Au sujet des propos du vice-président, Ndong Sima a rappelé que son texte initial ne contenait « aucune incitation à la haine ou à la violence ». Selon lui, ses observations se limitaient à quatre points : la contestation de la composition des bureaux de vote, l’absence de scrutateurs pour certains partis, la transhumance massive des électeurs et les irrégularités des listes électorales. « J’aurais pu ajouter l’usage excessif des procurations », a-t-il souligné, estimant que les accusations du vice-président sont infondées.
Principaux thèmes abordés par Raymond Ndong Sima :
Thème | Position de Raymond Ndong Sima | Citation exacte |
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Réponse aux accusations de Moundounga | Rejette les propos du vice-président, qu’il qualifie de mensongers et infondés. | « Je n’ai en effet formulé aucune attaque personnelle dans ce texte ni fait mention d’aucun fait qui ne soit avéré. » |
Accusations de tribalisme | Dénonce des propos nauséabonds et mensongers visant son parti, l’Alliance patriote. | « Des accusations de tribalisme portées par le vice-président de la République sont tout simplement nauséabondes. » |
Composition des bureaux de vote | Estime que leur mise en place a été biaisée et partisane. | « Les protestations de la plupart des parties relatives à la composition des bureaux de vote sont légitimes. » |
Absence de scrutateurs impartiaux | Souligne que plusieurs partis n’ont pas pu être représentés équitablement. | « Il n’y a pas eu représentation en qualité de scrutateur de tous les partis politiques. » |
Transhumance électorale | Décrit un déplacement massif et frauduleux des électeurs. | « La transhumance outrancière des électeurs a faussé la sincérité du scrutin. » |
Listes électorales | Dénonce leur manque de fiabilité, encore remplies de noms fictifs ou de personnes décédées. | « L’absence de sincérité des listes électorales encore surchargées de personnes décédées est inacceptable. » |
Procurations frauduleuses | Pointe leur usage excessif et détourné au mépris de la loi. | « J’aurais dû ajouter l’usage excessif des procurations. » |
Déroulement du scrutin | Parle d’une organisation déplorable et mal préparée. | « La préparation de ce scrutin et son déroulement ont été déplorables. » |
Utilisation des biens publics | Critique l’usage des t-shirts et ressources de l’État pour influencer les électeurs. | « Ce qu’on a fait, c’est de présenter ces t-shirts en disant : ou vous nous votez ou bien vous êtes contre le président. » |
Sur la fraude | Rappelle son opposition constante aux irrégularités électorales, passées et présentes. | « La fraude électorale, inacceptable hier, le serait-elle devenue aujourd’hui ? Ma réponse est claire : non. » |
Appel au président Oligui | Invite le chef de l’État à annuler les élections et punir les fraudeurs. | « Le président de la République sortira grandi de cette situation, non seulement en annulant ces élections, mais surtout en punissant les responsables. » |
Valeurs républicaines | Réaffirme sa loyauté aux principes démocratiques. | « Dire que la fraude n’est pas acceptable, ce n’est pas s’inscrire dans l’opposition. C’est rester loyal envers les principes et les valeurs. » |
L’ancien Premier ministre est allé plus loin, dénonçant « une sortie superficielle et opportuniste » de Séraphin Moundounga, qu’il accuse de travestir ses propos pour plaire au pouvoir. « Les accusations de tribalisme sont tout simplement nauséabondes. Le pays n’a pas besoin de ça », a-t-il insisté, rappelant son parcours gouvernemental où il dit avoir toujours privilégié la diversité et la compétence.
Un tableau sombre des scrutins du 27 septembre
Abordant le cœur de son intervention, Raymond Ndong Sima a dressé un tableau particulièrement critique du scrutin du 27 septembre. Selon lui, la préparation et le déroulement ont été « déplorables », allant à l’encontre des appels à la rigueur du président Brice Clotaire Oligui Nguema. « Ses instructions sont restées lettres mortes », a-t-il affirmé, dénonçant la partialité dans la composition des bureaux de vote, le choix des scrutateurs et l’organisation de la journée électorale.
Il a également regretté l’absence de véritables programmes politiques, remplacés par une campagne d’affichage autour de l’image du président. « On a présenté des t-shirts en disant : ou vous nous votez, ou vous êtes contre le président. Une drôle d’alternative », a ironisé le chef de l’AP. Selon lui, ce climat a alimenté des tensions, entraînant protestations et violences dans plusieurs localités.
« La fraude électorale n’est pas devenue acceptable »
Ndong Sima a rejeté catégoriquement l’idée que son communiqué post-électoral ait pu être une incitation à la violence. « Mon texte est républicain et conforme à mon idée de la rectitude citoyenne », a-t-il défendu, rappelant son engagement en première ligne lors des événements de 2023 qui ont conduit à la transition.
Fustigeant ce qu’il qualifie de « forfaiture », il a lancé une interpellation directe au président Oligui Nguema : « La fraude électorale, inacceptable hier, ne saurait devenir acceptable aujourd’hui. Dire que la fraude n’est pas acceptable, ce n’est pas s’inscrire dans l’opposition, c’est rester loyal envers les principes et les valeurs qui ont porté le changement ».
Un appel direct à Oligui Nguema
Dans son plaidoyer, Ndong Sima a exhorté le chef de l’État à ne pas cautionner les dérives du processus. « Continuer ce processus électoral, c’est donner une prime à la fraude », a-t-il affirmé, rappelant qu’en 2023, la transition avait annulé l’intégralité du scrutin pour reprendre les élections dans un cadre assaini.
Il a ainsi proposé une solution radicale : « Le président sortira grandi de cette situation, non seulement en annulant ces élections, mais surtout en diligentant des enquêtes pour identifier et punir ceux qui se sont constitués en association de malfaiteur s ». Pour lui, c’est la seule voie pour préserver la crédibilité du processus démocratique.
Fidélité critique mais soutien assumé
Soucieux de ne pas être catalogué comme un opposant systématique, le président de l’AP a réaffirmé son soutien de principe au chef de l’État. « J’ai soutenu le président pendant la transition et il a toujours mon soutien. Mais mon soutien n’est pas pour cautionner la cécité. Il impose une obligation de vérité et de sincérité », a-t-il insisté.
Il a toutefois mis en garde contre les pressions d’un entourage qui chercherait à minimiser les fraudes. « Le président ne perd rien à ce que l’élection soit reprise », a-t-il martelé, appelant à un retour strict aux principes de transparence et de rigueur.
Une interpellation finale
Pour conclure sa prise de parole d’une vingtaine de minutes, Raymond Ndong Sima a résumé son appel comme un devoir républicain. « Ce n’est pas une injonction que je donne au président de la République, mais un avis objectif », a-t-il clarifié, rappelant son expérience à la tête du gouvernement et sa constance dans la défense de l’intérêt général.
« J ’appelle sans équivoque à la reprise de l’intégralité du scrutin après avoir corrigé l’ensemble des manquements observés et puni, conformément à la loi, les responsables de ces dérapages », a-t-il conclu, sous les applaudissements de ses partisans réunis au siège de l’AP.
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