Léon Mbou Yembi tacle Ali Bongo et Jean Ping avant d’appeler au dialogue
Dans un entretien accordé samedi à nos confrères de L’union, Léon Mbou Yembi, le président du le Forum africain pour la reconstruction (FAR, opposition) est revenu sur la crise politique qui secoue actuellement le Gabon et la crise de légitimité du président issue de la présidentielle du 27 août dernier. L’ancienne grande figure de l’opposition gabonaise tacle sans détour Ali Bongo et son rival Jean Ping qu’il désigne volontiers comme les « enfants gâtés » d’Omar Bongo. Ce, avant d’appeler au dialogue, seule façon selon lui, de résoudre le différend qui pourrait générer le « chaos » voire la « guerre » dans le pays.
Depuis plusieurs mois, le Forum africain pour la reconstruction (FAR) que vous présidez est muet malgré l’abondance de l’actualité politique dans notre pays. Au point que d’aucuns se demandent quel est votre positionnement politique, aujourd’hui, au moment où notre pays traverse une crise issue de l’élection présidentielle du 27 août dernier. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à vous accuser de faire le jeu du pouvoir en place. Qu’en est-il exactement ? Pourquoi ce silence ?
Léon Mbou Yembi : Je n’ai pas rallié le Parti démocratique gabonais (PDG). Je ne suis pas dans la majorité républicaine et sociale pour l’émergence. Si vous constatez que je ne suis plus trop au-devant de la scène politique, c’est pour des raisons de santé. Je suis un véritable opposant au régime des Bongo. A l’élection présidentielle du 27 août 2016, je n’ai pas voté. Pour la simple raison que Je n’avais plus de candidat.
Le président Ali Bongo Ondimba est du PDG. M Jean Ping vient du PDG. Les deux étaient les enfants gâtés de feu le président Omar Bongo Ondimba (paix à son âme) qui a fait d’eux les princes de ce pays...Quel est ce différend qui les oppose aujourd’hui et qu’ils ne peuvent pas régler par la dialectique ? Quand il y a un problème, on se réunit avec les sages ou les parents paternels et maternels pour trouver la solution. Si l’on ne dialogue pas, on n’est plus des enfants d’un même père et d’une même mère.
Nous, les philosophes, sommes des sages. Avant de prendre une décision, nous analysons, nous pesons le pour et le contre, le vrai et le faux. Au Conseil national de la démocratie (CND), j’étais président de la troisième commission intitulée : "Promouvoir la démocratie au Gabon". Nom avons tout préparé pour le Dialogue national inclusif et sans tabou. Nous avons voté pour adopter chaque point Nous aurions voulu que le dialogue eût lieu avant l’élection présidentielle...
... que reprochez-vous à cette proposition de dialogue initiée par le régime en place ?
Léon Mbou Yembi : Laissez-moi poursuivre. Malheureuse¬ment, le président Ali Bongo Ondimba avait une mission à l’étranger. ll a envoyé son ministre chargé des Institutions constitutionnelles d’alors. Pr Léon Nzouba, au CND. Ce dernier a lu le mes-sage du président de la République. Ce dialogue n’a pas eu lieu. Aujourd’hui, ils veulent amener le pays dans le chaos. Éventuellement dans une guerre. Si j’en-trahie la population dans la guerre, nous resterons combien ? Je ne suis ni pour les faux opposants venus du PDG, ni pour le pouvoir en place.
Et puis, depuis la Conférence nationale, il y a eu plusieurs regroupements de l’opposition, nous aurions déjà gagné la présidence de la république. Mais à cause de nos mésententes, nous n’avons toujours pas pu. En 1990 et en 1993, nous avions le Pouvoir suprême à portée de main et le PDG nous a toujours volé la victoire. Mon frère Paul Mba Abessole aurait été le premier président de la République issu de l’opposition. Nous avons d’ailleurs mis en place le Haut Conseil de la résistance et un gouvernement parallèle dont le Pr. Pierre André Kombila Koumba était le chef. Et chaque parti avait un ministre. Toutes ces fusions se sont toujours terminées en queue de poisson. Beaucoup sont phagocytés par le pouvoir et finissent par intégrer ses gouvernements.
Mais quelle est la position du FAR par rapport aux prochaines élections législatives qui devaient avoir lieu en décembre 2010, mais qui ont été reportées au 29 juillet prochain, au plus tard ? Votre parti sera-t-il partant pour ce scrutin, vu qu’il est presque absent du terrain depuis fort longtemps ?
Léon Mbou Yembi : Non, j’avais un candidat à la dernière élection présidentielle, c’était Roland Désiré Aba’a Minko. Le compatriote qui, il y a plusieurs années, avait fait une grève de la faim à la place de l’Indépendance pour protester contre les Accords entre le Gabon et la France. Son programme m’avait plu. Il m’a convaincu. Il avait quelques liens avec le programme du FAR. C’est lui que j’allais voter, s’il ne s’était pas rallié à M. jean Ping au dernier moment, à la veille même du scrutin. S’agissant l’avenir, le parti n’est pas mort. Nos cellules fonctionnent à travers le pays et je puis vous rassurer que le FAR aura des candidats à l’occasion de ces Législatives.
L’actualité politique aujourd’hul tourne également autour du dialogue politique dans notre pays. L’opposant radical Jean Ping, qui conteste toujours la victoire du président Ali Bongo Ondimba, en a organisé un dit « pour l’alternance". Le chef de l’Etat prévoit le sien le mois prochain. Il demande à toutes les forces vives de la Nation d’y prendre part. La position du FAR sur la question ?
Léon Mbou Yembi : Je vais être très clair. J’espère que vous allez retranscrire exactement ce que je vais dire. Je suis un produit des Facultés de droit, des sciences économiques et des lettres, des sciences humaines, sorti de France. Je suis le premier docteur gabonais en philosophie. En droit constitutionnel, on m’a appris ceci : quand il y a une élection à plusieurs candidats, il y a un vainqueur et des vaincus. Si les battus contestent la victoire du vainqueur, ils saisissent les instances compétentes. Chez nous, c’est la Cour Constitutionnelle qui tranche en dernier ressort.
Et puis, il y a deux problèmes de fond au niveau politique. Le légal, c’est celui qui a prêté ser¬ment devant la Cour Constitutionnelle et en présence des présidents des autres ins¬titutions de la République. C’est notre Constitution qui le stipule. Le présumé élu qui se dit légitime ne doit pas s’autoproclamer président de la République. Il va prêter serment où ? Justement, c’est lors du dialogue qu’il faut débattre de la légitimité du président de la République qui a prêté serment Mais si, les deux camps s’incrustent dans la haine, c’est le chaos qui risque de s’installer dans le pays.
Au FAR, nous sommes des légalistes. On doit aller. dialogue. Ce sera l’occasion de demander aux institutions compétentes en matière électorale de nous prouver qui a la légitimité, c’est-à-dire qui a gagné l’élection. Cela en réexaminant les procès-verbaux aussi bien ceux du pays que ceux de l’étranger, puisque le vote a également eu lieu là-bas (…) Mais si on ne se réunit pas, si on ne dialogue pas, comment allons-nous résoudre les problèmes ?
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