Néocolonialisme Français

La Françafrique, une réalité implacable au Gabon !

La Françafrique, une réalité implacable au Gabon !
Une vue de la capitale gabonaise placée sous verrous françafricains © 2015 D.R./Info241

La France a laissé au Gabon un curieux héritage politique et économique. Suivez plutôt ce récit de voyage d’un ressortissant français ayant séjourné à Libreville en juillet dernier. Publié sur son blog [1], l’auteur dépeint une indépendance à peine maquillée : omniprésence d’entreprises françaises dans le tissu économique Gabonais en position dominante mais dont les produits « ne passeraient pas les contrôles européens ». Non sans avoir les origines de cette Françafrique gaulliste qui mène toujours du bout des doigts le destin peu reluisant de ces anciennes colonies au nom sacro-saint de la France.

Moov Africa

Voici le récit d’un français honteux de la politique africaine de la France au Gabon et de la misère qu’elle engendre [2].

Mon épouse étant originaire du Gabon, nous avions depuis longtemps l’intention d’y passer des vacances . Cette année enfin nous avons pu concrétiser ce projet. Même si la brièveté de notre séjour (15 jours) essentiellement consacré à la famille et limité à Libreville ne nous a pas permis de goûter aux joies du tourisme, j’ai pu me rendre compte par moi-même des réalités quotidiennes dans cet « émirat africain ».

Quelques banalités sur le Gabon [3]

J’avais bien sûr une petite idée de ce que j’allais découvrir. Je savais par exemple que ce pays regorgeant de richesses ( soixante essences de bois, pétrole, manganèse, uranium, or fer et autres minerais…),et grand comme la moitié de la France pour une population de moins de deux millions d’habitants, se situe au deuxième rang des pays d’ Afrique subsaharienne pour le PIB par habitant (12326 $ en 2013),mais au 112ème rang sur 149 pour l’indice de développement humain du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement)…

Je savais également que le Gabon avait été un des joyaux de la Françafrique, ce réseau prédateur mis en place par notre Héros National , le Général De Gaulle, avec l’aide de son homme de l’ombre, le sinistre Foccart, afin de préserver les intérêts économiques et militaires de l’ex-métropole dans ses anciennes colonies.Alors que de nombreux leaders africains dont l’ivoirien Houphouet-Boigny ou le gabonais Léon M’Ba souhaitaient pour leurs pays un statut de département d’Outre Mer,

DeGaulle leur a imposé une indépendance formelle, plaçant à la tête des nouveaux états des « gérants » à sa solde dans un partenariat gagnant-gagnant : les nouveaux « chefs d’état » permettaient aux entreprises françaises d’exploiter à leur profit les richesses naturelles des ex-colonies, et à l’armée française les emplacements stratégiques pour la France, en échange de l’immunité concernant leur gouvernance. Autant dire que pour les peuples concernés, cela ne changeait strictement rien. L’ancienne puissance coloniale pouvait continuer à se goinfrer sans être aucunement responsable du sort des populations locales et sans avoir à leur accorder le moindre droit...

La Françafrique et ses potentats

L’ état français a ainsi mis en place,en notre nom, des potentats qui règnent sans partage sur des peuples survivant dans la misère alors que les richesses de leurs terres participent à notre prospérité.C’est ce qui s’est passé au Gabon devenu indépendant en 1960 sous la présidence de Léon M’Ba. En 1965, ce dernier set renversé par un coup d’état militaire, puis remis au pouvoir par l’armée française qui garde toujours une base importante à Libreville.

A la mort de Léon M’Ba, en novembre 1967, son remplaçant est dûment adoubé par le Général en personne : Albert Bernard Bongo qui deviendra Omar Bongo après sa conversion à l’islam (prix à payer pour entrer plus facilement à l’OPEP), co-dirigera le pays avec la filiale pétrolière des services secrets français : la société Elf, jusqu’à sa mort en 2009.

Des élections présidentielles trafiquées et des morts d’opposants suspectes

J’avais suivi grâce au web, les péripéties politiques gabonaises et je savais que le chef d’état actuel, Ali (né Alain) Bongo Ondimba, fils du précédent et cumulant les fonctions de Président de la République et celles de président du parti « majoritaire », le bien nommé PDG (Parti Démocratique Gabonais), avait été imposé lui aussi par Paris, malgré la victoire dans les urnes de l’opposant André M’Ba Obame mort il y a quelques mois d’une longue et étrange maladie suggérant un empoisonnement.

A noter qu’un autre opposant, Pierre Mamboundou, également candidat aux élections de 2009, et dirigeant respecté de L’Union du Peuple Gabonais est lui aussi décédé dans des conditions suspectes en 2011. Ce coup d’état électoral a été confirmé dans le documentaire « Françafrique » diffusé par France 2 en 2011 : des personnamités françaises parties prenantes des réseaux françafricains y expliquaient benoîtement que l’election gabonaise a bel et bien été truquée, sans que cette révélation ne soulève la moindre émotion dans notre classe politique pourtant si attachée aux « valeurs républicaines »…

Le culte du Distingué Camarade-Président

Grâce au « bouquet tv africain », nous suivons régulièrement les « émissions » insipides de Gabon Télévision vouées à l’éloge du « Distingué Camarade, Président de la République, Chef de l’ État, Son Excellence Ali Bongo Ondimba ». Nous avons eu envie de croire à son grand projet de « Gabon Émergeant » qui doit favoriser le développement économique et social et ouvrir aux gabonais une ère de prospérité partagée.

Il faut d’ailleurs être juste et mettre à l’actif de l’héritier Bongo l’instauration d’un système de sécurité sociale qui a permis l’accès aux soins aux gabonais économiquement faibles, et qui avait été préconisée à son père par Bernard Kouchner dans un rapport payé 1,234 Millions d’Euros à la société Imeda employeur du bon docteur...Aujourd’hui, les autorités françaises et les principaux médias hexagonaux veulent nous convaincre que la Françafrique a été remisée dans les poubelles de l’Histoire et que désormais les relations entre la France et ses ex-colonies sont des relations d’égale à égales, basées sur le respect mutuel ?

Peut-on vraiment y croire ? C’est cette question que je me posais en débarquant sur le tarmac de l’aéroport international Léon M’Ba de Libreville en ce vendredi de Juillet.

Des exemples grandeur nature de la Françafrique

Première surprise en sortant de l’avion : la relative douceur de la température. Mon épouse avait beau me seriner qu’en saison sèche le thermomètre est plutôt clément, j’avais du mal à la croire. Pourtant je dois avouer qu’elle disait vrai : pendant que certaines régions françaises souffraient de la canicule nous avons bénéficié tout au long du séjour d’un climat assez agréable, le mercure se situant entre 26 et 27° C.

L’omniprésence des antennes paraboliques de Canal+ même dans des habitations précaires

Deuxième surprise : l’omniprésence de la France dans un pays prétendument souverain. Sans parler de la base militaire ou de l’ambassade, on trouve la France partout : sur les panneaux publicitaires où une piquette industrielle qui se prend pour de la bière vante « l’élégance à la française »(sic), dans les immeubles du centre ville, sièges de sociétés comme Total (qui a succédé à Elf), Véolia qui a repris la société d’eau et d’électricité SEEG,BNP Paribas avec sa filiale BICIG, Bolloré qui a obtenu la concession du port à conteneurs de Libreville, Canal+ dont les paraboles sont présentes sur toutes les habitations, sans oublier le PMU et sa filiale PMUG dont on retrouve les kiosques à tous les coins de rues et dont la propagande quotidienne sur la télévision gabonaise incite la population à ne pas hésiter à s’endetter pour pouvoir parier sur des courses qui se déroulent en France et ainsi tenter de gagner quelques millions de francs CFA afin de « changer sa vie ».

Des produits à la vente non-conformes

Dans le domaine du commerce, le Centre commercial M’BOLO appartient à Géant Casino. Les rayons des supérettes de proximité (Cékado…) présentent un aspect vaguement familiers : ils sont remplis de produits « made in France ». Les mastodontes français de l’agroalimentaire y exportent des produits qui seraient difficilement vendables en Europe : ailes de poulets, culs de dindons, jambon sous plastique à l’aspect répugnant ou boites de cassoulet à base de gras de porc et de morceaux de dindes…

J’y ai acheté une plaquette de 200g de beurre d’une grande marque hexagonale : j’ai dû recracher la troisième bouchée de ma tartine qui avait soudain un goût qui m’a fait penser à de l’essence de térébenthine ; de quoi accorder du crédit aux gabonais qui prétendent que les multinationales hexagonales se débarrassent en Afrique des produits qui ne passeraient pas les contrôles européens ?

Des drapeaux français...des contrastes renversants

J’ai été également surpris de découvrir la façade du Ministère gabonais de la Défense et des Anciens Combattants ornée de deux drapeaux : un drapeau gabonais et un …. « bleu-blanc-rouge » !! Ce qui en dit long sur la pseudo- indépendance gabonaise !

Troisième surprise : tous les grands chantiers dont le régime se gargarise pour démontrer sa volonté de conduire le pays vers « l’émergence » sont à l’arrêt . Ainsi de la Marina qui devait être bâtie dans le quartier du Port Mole. On a déposé des milliers de mètres cubes de sable pour gagner de la place sur la mer, mais aujourd’hui le terrain est à l’abandon ; même chose pour les routes, ou les logements sociaux dont seule une poignée a été construite sur les milliers promis initialement.

C’est dans ce domaine du logement que l’on éprouve le plus grand choc en découvrant le contraste entre les immeubles modernes du centre ville où se trouvent les sièges des grandes sociétés et les Palais de la République, ainsi que les villas cossues de quelques quartiers huppés, et le reste de la capitale couvert de bidonvilles où la majorité de la population vit dans des conditions indécentes, compte tenu de la richesse potentielle de ce pays.

Ainsi l’immeuble dans lequel nous avions loué un appartement (plutôt confortable) côtoyait un terrain vague rempli de baraques construites de bric et de broc et entouré d’égouts à ciel ouvert à l’odeur nauséabonde. Malgré ces conditions indignes, les gabonais mettent un point d’honneur à avoir toujours une apparence décente. C’est pourquoi la venue de Lionel Messi, invité à grands frais par le président Bongo à venir poser la première pierre du stade de Port-Gentil où se déroulera une partie de la Coupe d’Afrique des Nations de football 2017, a été mal vécue par la population.

Le footballeur est en effet descendu de son avion sur le tapis rouge déployé à son intention dans une tenue un peu trop « décontractée » : mal rasé, mains dans les poches, vêtu d’un tee-shirt imprimé, d’un bermuda destroy et chaussé de baskets défraîchies, ce qui a été considéré comme méprisant par le peuple gabonais.Comme l’a souligné Bruno Ben Moubamba, le nouveau leader de l’UPG :« On est dans la misère mais on reste propre sur soi ;nul ne peut ignorer l’inconscient collectif des peuples ».

Le retour à la civilisation !

Au retour, après l’atterrissage à Roissy, j’ai surpris une conversations entre deux expatriés français revenant en France pour leurs vacances. L’un d’eux a poussé ce cri du cœur : "RETOUR À LA CIVILISATION !!"...

Pour ma part, c’est avec la rage au cœur que je retrouve cette civilisation française en pensant à la responsabilité de notre belle république dans la situation de ce pays et de son peuple, comme dans la situation de tous les peuples qui ont eu le bonheur d’être colonisés par la "Patrie des Droits de l’Homme". En tant que breton, je n’ai jamais été particulièrement "fier d’être français", désormais j’en ai honte !!

 

[1Le contenu de son billet a été adapté pour une publication sur notre site

[2Titre originel : « Bons baisers de Françafrique... » de Didier Jegou publié sur son blog Mediapart

[3Ces surtitres ont été ajoutés par la rédaction d’Info241 pour un meilleur confort de lecture et de compréhension.

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