Tribune Libre

Ali Bongo, cet illuminé qui se voit bien devenir le premier monarque du Gabon

Ali Bongo, cet illuminé qui se voit bien devenir le premier monarque du Gabon
Ali Bongo, cet illuminé qui se voit bien devenir le premier monarque du Gabon © 2017 D.R./Info241

La société civile libre et organisée joue un rôle déterminant pour l’alternance démocratique au Gabon. C’est le cas du Dr Auguste Eyene Essono qui a publié le 8 juin 2016 aux éditions L’harmattan, un essai politique intitulé : « Le Gabon, un pays en crise » dans lequel il dénonce le régime tyrannique d’Ali Bongo et du système Bongo-PDG. Ce dernier semble avoir trouvé une parade pour s’imposer à la présidence gabonaise avec l’aide précieuse de la Cour constitutionnelle, des forces armées aux ordres et d’une justice politisée. En semant un climat de terreur et un terrorisme d’Etat avec des arrestations arbitraires et des emprisonnements en cascade.

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C’est en réponse à cette oppression dictatoriale qu’Info241 a lancé une série d’entretiens, d’interviews et de tribunes libres qui visent à dénoncer tous ces actes illégaux et anticonstitutionnels afin que les droits de l’homme et du citoyen ne soient pas seulement une vue de l’esprit au Gabon. Pour l’enseignant-chercheur « il y a un impensé dans ce livre, je veux dire quelque chose que je n’ai pas clairement formulé mais qui a structuré toute la trame de l’ouvrage du début jusqu’à la fin. Le Gabon est en crise. Il s’agit ici d’une crise intégrale, systémique, totale et asymétrique. » Le communicant public scrute dans les lignes qui suivent à travers cette tribune libre la dictature en cours sous les auspices d’Ali Bongo, un système despotique né d’Omar Bongo et qui s’est empiré selon lui sous la gouvernance de son fils adoptif.

Son âme est meurtrie ; rongée par une indigence spirituelle qui dure depuis sa tumultueuse enfance ; prise au piège dans un engrenage sans faim. Son psychisme est décadent, objet de frustrations multiples, sujet au trouble des origines, à une névrose sévère que même Freud, Jung et Lacan, tous trois réunis, auraient eu du mal à dissiper. Parmi les nombreux affects qui troublent la paix et la quiétude de son âme, figure en bonne place le syndrome de Peter Pan : la manifestation de son refus ou de son incapacité de grandir, qui le ramène sans cesse à l’inconscient d’une adolescence manquée.

En manque d’amour propre depuis l’aube d’une enfance difficile et depuis longtemps égarée, très marqué par des stigmates visibles à l’œil nu, d’événements traumatisants, il est redoutable de méchanceté. Sa cruauté est sans limite. La hideur de ses faits et gestes est foudroyante, souvent empreinte de bestialité. Même ce qui reste de son humanité résisterait à la rédemption. Il souffrirait par ailleurs de plusieurs types d’écart de personnalité. A savoir, un décalage entre la personnalité réelle d’un individu et l’idée qu’il se fait de lui-même ou ce que les autres pensent de lui. Ou encore, une dissonance entre ce que l’on donne à voir de soi-même à autrui (tout en étant convaincu de l’authenticité de son être), et ce qu’autrui perçoit de nous.

La plus manifeste de ces lésions psychologiques à l’intérieur de la personnalité du président, est la mégalomanie : propension excessive, injustifiée et illusoire, à la gloire, à la notoriété ; inclination pathologique à jouir de façon mensongère, en s’affirmant ainsi aux yeux du monde, d’un prestige que l’on n’a pas, des faits d’armes qui n’existent pas ou bien dont on est pas l’auteur, tout en se représentant comme telle ; propension pathologique à se représenter toujours être un personnage beaucoup plus important qu’on ne l’est en réalité. A ce moment-là, l’on navigue à vue dans le délire, un délire haut en couleurs et l’on tombe pieds et mains liés dans le vertige de la folie des grandeurs.

A titre d’exemple, c’est ce genre de penchant qui incitent le monarque des tropiques à inaugurer un aéroport international qui n’existe pas, dont les installations ne sont pas tout à fait aux normes, donc non conformes aux standards internationaux et à l’appeler ’’aéroport international Ali Bongo Ondimba’’. Sa capacité inouïe à mentir sans vergogne et surtout à se mentir à lui-même est un autre trait de caractère de sa personnalité trouble. Le fait d’aller inaugurer des éternelles maquettes et des épiceries de quartier, faute de mieux, pour se convaincre qu’il réalise des projets pour le développement du Gabon, montre que cet homme est totalement en déséquilibre, instable psychologiquement, qu’il est devenu très dangereux pour notre pays.

Et qu’il est en train d’hypothéquer gravement, voire ruiner définitivement l’avenir de nos enfants. Les nombreux bataillons, escadrons de la mort, et les milices incontrôlables qu’il a à sa solde sont une réelle psychose, une source d’angoisse pour les populations. Mais il n’y a aucune autre option possible si le peuple veut survivre à la traversée du désert : couper les liens de la peur, de la crainte ; rompre les ligatures de la torpeur, de l’ignoble et vile captivité, les liens de la résignation, de la dégradation ; défaire les nœuds qui nous tiennent esclaves, pour arracher des mains du Léviathan notre liberté.

L’état des lieux

La politique au Gabon n’est plus le lieu de la solution mais celui qui génère les problèmes qui affectent la vie de toutes les couches sociales. La crise est réelle et manifeste. La réflexion pour engendrer des voix de sortie de crise suscite une hostilité réelle de la part du pouvoir, parce qu’elle menace les privilèges immérités et les ambitions viles et personnelles.

Lesquels prennent l’ascendant et marginalisent deux types d’intérêts, l’intérêt général et les intérêts communs. Pour ne servir que les seuls intérêts personnels privés ou particuliers. Ici les affinités improductives revêtent ainsi plus d’importance que les alliances honnêtes et rationnelles, et les liens de rendement.

Une culture mafieuse se développe comme un cancer

D’une part une mafia a pris notre pays en otage depuis près d’un demi-siècle, laquelle emprunte des formes diverses et variées et dont les effets les plus pervers ont généré une crise permanente depuis la décennie 1960. Dès lors, la corruption a vite gangrené la conscience des élites politiques, déjà pieds et mains liés à la fin des années 1970, embrigadées dans un système complètement verrouillés.

Le phénomène devait alors atteindre son paroxysme, paralysant l’ensemble de l’administration publique. Le détournement des deniers publics à des fins privées et personnelles, l’enrichissement illicite, le blanchiment et le recyclage de l’argent sale ont ainsi largement contribué à asphyxier l’économie naissante d’un pays en herbe depuis les fonts baptismaux et à rendre étanche, au détriment des populations, la « fracture sociale ».

La corruption généralisée, est ainsi devenue un facteur aggravant de la misère. La haine contre certaines franges de l’élite en général, de l’élite universitaire en particulier et la crainte obsessionnelle nourrie à l’égard des « intellectuels », des femmes et des hommes de culture, avant-garde du progrès, gardiens des valeurs, se sont amplifiées, l’abaissement de l’esprit, de la pensée et de la vertu, et la destruction des fondement moraux de notre société sont alors érigés en normes de vie sociale.

Le clientélisme, l’imposture et le favoritisme ont fini par détruire les relations de travail dans les administrations et lourdement handicapé notre société. Les principes de l’Etat de droit et de la justice sont tombés en disgrâce. La fraude, le renoncement systématique à l’effort, la quête effrénée de l’argent facile, la course frénétique vers des biens matériels immérités, et l’impunité, sont devenus des « référents » pour la jeunesse : en ce lieu la faillite généralisée porte bien son nom, dans toute sa gravité et toute son ampleur. La liste serait trop longue…

Les envies égoïstes d’une certaine gérontocratie

D’autre part, une gérontocratie pas toujours bien inspirée gangrène aujourd’hui, neutralise les forces du changement. A cet effet permettez-moi de faire une parenthèse qui va tous nous instruire. N’en déplaise aux « ennemis du progrès », le passé doit continuer à nous instruire ; des femmes et des hommes ont pris des risques dans notre pays, pendant les années 1960 (le coup d’Etat de 1964).

Les années 1970 (Germain Mba et la génération Agondjo), les années 1980 (les événements de la Gare routière, et la création du MORENA), les années 1990 (Mba Abessole, Pierre Mamboundou, un pan de la Société Civile avec l’avènement du SEENA et du SNEC), le milieu des années 2000 (notamment l’éclosion de la Société Civile Gabonaise Libre avec Marc Ona, Grégory Ngbwa Mintsa, Marcel Libama, Georges Mpaga) et après la mort du président Bongo en 2009 (j’ai cité André Mba Obame).

Souvent ils se sont engagés fermement contre un pouvoir sanguinaire, impitoyable, pour réclamer la démocratie et la liberté, le respect des droits de l’homme, les meilleures conditions de vie et de travail, l’Etat de droit et la justice sociale, pour lutter contre le népotisme, l’imposture, se lever contre la corruption, la mafia d’Etat, les réseaux de fausse monnaie, d’enrichissement illicite, de blanchiment d’argent ou de recyclage de l’argent sale, etc., supportant ainsi des avanies en tout genre, bravant alors l’arbitraire, l’obscurantisme, la tyrannie là où cela était nécessaire.

De façon plus générale, il s’agit essentiellement : de tous ceux qui se sont opposés à l’arbitraire et au parti unique dès les années 1970 ; de tous ceux qui, n’ayant jamais milité dans le PDG, font de l’opposition radicale depuis près de, 40 ans (le cas de Martin Edzodzomo Ella), depuis plus de trente ans (Luc Bengone Nsi), vingt ans (tous ceux qui ont milité dans le RNB et l’UPG et qui n’ont jamais suivi leurs leaders lorsque ceux-ci pactisaient ou s’inclinaient à pactiser avec le pouvoir), dix ans pour certains ou depuis 2009 pour d’autres ; des journalistes qui ont pris des risques énormes.

Non seulement pour exercer librement leur métier mais pour défendre les libertés de la presse (à l’exemple de Michel Ongoundou Lunah), dont, certains en sont morts tels que Sam Mve Ondo, et d’autres sont en exil aujourd’hui (notamment Désiré Ename, Jonas Moulenda et Alphonse Ongouo) ; des étudiants toutes générations confondues ; du peuple en général (les soulèvements, les émeutes de janvier 1990 qui aboutissent à l’organisation de la conférence nationale.

Les soulèvements de Port-Gentil en 2009 réprimés durement dans le sang avec une violence d’Etat inouïe, nous voulons dire sans précédent, pour contester la nomination d’Ali Bongo à la Magistrature suprême contre la volonté populaire et au mépris du Code électoral et de la Constitution, les différents événements, marches, sit-in et meetings, auxquels les citoyens ont pris part massivement depuis 2009, et qui ont été… L’histoire doit rendre justice à tous ces combattants, femmes et hommes courageux, qui ont parfois payé de leur vie pour défendre l’intérêt général et nos intérêts communs ; et nous devons nous en inspirer pour aller toujours vers plus de progrès en vue d’obtenir la libération de notre pays.

Le confort d’une opposition mal inspirée

En revanche le confort dans lequel arrivent se joindre au combat les nouveaux opposants qui n’ont jamais connu la souffrance ne doit pas nous aveugler complètement. C’est bien de découvrir la vérité aujourd’hui après avoir trompé, humilié et oublié le peuple des décennies durant, sans état d’âme. C’est bien de demander pardon aujourd’hui après avoir pillé les ressources publiques, spolié le bien commun et s’être enrichi au détriment de l’intérêt général, donc des populations qui triment le jour comme la nuit pour sortir la tête de l’eau.

C’est bien de découvrir aujourd’hui que la politique et l’engagement public regorgent de ressources intarissables pour traiter et régler les problèmes des populations alors même que pendant longtemps, l’on a fait du pouvoir un instrument redoutable contre le peuple mais au service des seuls intérêts particuliers des individus. Encore faut-il être capable de, rompre en vérité, couper définitivement les liens, d’aller au-delà de soi-même, de transcender ses propres limites, d’émerger au-delà du vice, de s’élever jusqu’à une certaine grandeur d’esprit.

En vue que l’homme naisse de nouveau, puise en lui ce qui le rendrait solidaire de la majorité des individus dans une société, et se résolve sans limite à faire don de soi, à faire croître en lui l’abnégation, pour ne plus jamais vivre rien que pour soi et pour les siens seuls (liens de sang et d’amitié), mais aussi pour les autres, contre les pesanteurs et les inerties en tout genre qui vous retiennent égoïstement prisonniers de votre nombrilisme, de votre renoncement à la morale élémentaire (au lieu de ne penser toujours qu’à soi, à sa seule famille ou à son clan, l’on doit se montrer juste, honnête et équitable au bénéfice du plus grand nombre).

Dans les rangs de ce qui aujourd’hui est communément appelé l’opposition, les Gabonais que nous voyons à la télévision, dans les journaux et médias de presse écrite, que nous écoutons à la radio, sauf quelques exceptions bien sûr, sont prêts à tout, pour exister médiatiquement, pour faire triompher leurs viles ambitions seules au détriment de l’intérêt général. Le culte de la personnalité, le soi narcissique. Même ceux qui aspirent aujourd’hui à gouverner sont frappés, pour la plupart du sceau de la corruption, de l’hypocrisie et de la perfidie.

Ils n’ont vraiment jamais rompu avec les mœurs décriées et les pratiques de l’ancien système qu’ils prétendent combattre, ils n’ont jamais cessé d’être PDGiste dans l’âme ; ils ont juste perdu ou quitté des privilèges, ou simplement quitté l’appareil. Et ce sont installé de l’autre bord de la classe politique, en emportant d’emblée dans leur sillage, le même logiciel politique, de pensées. Les positionnements de personnes et les intérêts particuliers importent pour eux plus que les valeurs, les idéaux et les principes.

L’accumulation des biens et la soif du pouvoir et de commandement sont plus fortes chez eux que le principe de l’intérêt général. De la sorte, ils sont toujours davantage portés vers plus de gain, la frénésie égotique de diriger, de commander, de tout contrôler, de concentrer entre leurs mains tous les leviers du pouvoir, de prise de décision et de toutes sortes de prérogatives, que vers l’exigence morale d’augmenter en eux la vertu, de faire croître en eux le sens de l’élévation, le désir de grandeur, la grandeur à laquelle aspire tout homme politique qui porte en lui marquées comme dans le marbre les aspirations d’un peuple.

Ces femmes et hommes, jusque y compris les héritiers, préfèrent en général mettre les relations politiques, les affinités infécondes, les amitiés improductives, avant la vertu et la compétence des individus. Ils sont aussi friands de la pensée unique : le désaccord, lorsqu’il est poussé à son comble, garantit déjà l’équilibre dans la reconnaissance de l’autre, de son identité, et la communauté d’intérêt (car c’est de là que vient la lumière et le progrès), mais devient très vite pour eux un problème à régler, une difficulté à écarter. Non pas par la discussion, mais par l’évitement, l’occultation, la négation malicieuse de l’autre ou la ruse pour les plus habiles d’entre eux.

En un mot ils n’ont pas la culture du désaccord, ne cherchent jamais à comprendre les vrais raisons du désaccord, qui pourtant sont porteuses de lumière. S’ils aiment vraiment notre pays tel qu’ils le prétendent, qu’ils acceptent alors de commencer par faire l’inventaire de leurs biens, de leurs avoirs hébergés dans de nombreuses banques, en toute transparence, déclinant la traçabilité et l’origine des richesses et des héritages, avant de repartir à la conquête du pouvoir.

Avec leurs descendants, dont le mérite, l’honnêteté et l’élévation ne sont pas d’emblée les premières qualités, nous prendrions le risque de passer d’une république de l’imposture à une république des héritiers. Il ne s’agit pas ici de dire que l’on ne peut devenir président, ministre, secrétaire d’Etat, dirigeant de parti, etc., lorsque son père, sa mère, son oncle ou sa tante a déjà exercé les mêmes fonctions. Mais la vertu en République voudrait qu’un citoyen ne bénéficie d’aucune faveur ou de reconnaissance due à son patronyme, pour exister politiquement ou bien professionnellement, ou ne jouisse d’aucune promotion du simple fait de l’antériorité d’un parent à telle ou telle responsabilité publique.

Leurs parents, leurs grands-parents (et alliés) étaient en situation d’imposture ; eux-mêmes portent doublement le sceau de ce péché originel. Dans une République les descendant ne peuvent pas hériter du prestige, du statut ou du mérite présumé de leurs ascendants ; en plus clair, le prestige, le statut ou le mérite d’un père ou d’un grand-père ne peut pas être reconnu à un fil (ou à une fille) ni transmis en héritage. Pourtant ce phénomène se développe déjà dans notre pays du vivant d’Omar Bongo, et tend à rentrer de plus en plus dans les mœurs politiques.

Ceci dit, si les mêmes familles et clans revenaient au pouvoir en l’absence de l’instauration préalable d’une véritable démocratie, il y a de fortes chances qu’il n’y eût pas de changement (mais juste l’alternance), sinon le passage d’une république de l’imposture à une république des héritiers. Comment peut-on faire aveuglement confiance à ces familles, clans et réseaux solidaires, pour qu’ils continuent de gérer le pays et représentent un quelconque espoir pour l’avenir ? Surtout lorsqu’on sait qu’ils n’ont jamais rompu, pour la plupart, avec les pratiques de l’ancien système.
Certains clans sont assis sur l’or et le diamant.

Peut-on au préalable faire la genèse de ces grosses fortunes ? D’où viennent alors ces richesses ? Comment est-ce possible qu’entre deux, trois générations, ces clans, réseaux et familles soient devenus aussi riches ? Peut-on nous dire d’où tiennent-ils ces héritages ? Le risque à l’avenir est important si rien n’est fait pour y remédier. Le Gabon ne serait jamais en paix tant qu’un inventaire n’est pas réalisé, pour tirer au clair la façon dont ce pays a été géré pendant près d’un demi-siècle et pour établir les responsabilités des uns et des autres.

L’injustice est trop flagrante et a trop fortement imprégné les esprits de ceux qui en sont victimes, pour que les crimes économiques et financiers restent impunis tout en préservant la paix. Tant qu’il n’y aurait pas eu de Conférence Nationale Souveraine, seule et unique instance capable de régler tous ces problèmes, nous vivrons toujours sur une poudrière, une bombe à retardement. Ces clans, familles solidaires, qui ont hérité de l’argent a priori gagné malhonnêtement sont à ce jour nombreux dans l’opposition. Ces Anciens hiérarques du PDG et leurs héritiers ne sont peut-être pas aussi dangereux qu’Ali Bongo pour le Gabon, mais nous risquerions de devoir attendre encore longtemps le changement que nous espérons tant, s’ils prenaient le pouvoir avant la tenue d’une Conférence Nationale Souveraine.

La crise personnifiée

La crise est aussi incarnée au plus haut sommet de l’Etat ; à lui tout seul, Ali Bongo nous offrent tous les indicateurs pour parler de la crise qui sévit en permanence dans notre pays. Toutes ces questions que les Gabonais se posent, relatives à l’épineux problème des origines, l’état civil du président, l’article 10 de la Constitution, etc., tout à fait légitimes, ne constituent en rien un fait de xénophobie. Même les Américains se posent les mêmes questions. Le président Obama s’est tout simplement à un exercice pourtant banal mais vital pour la démocratie et l’Etat de droit : en cas de doute dans l’opinion, le chef de l’Etat doit se résoudre à présenter ses papiers au peuple légitime et souverain.

Qu’y aurait-il de mal, dans une société moderne, à demander au chef de l’Etat, garant de la Constitution, de lever toute équivoque, toute possibilité de soupçon sur son état civil et de faire la lumière sur ses origines, si tant est que le doute perdure, persiste dans l’opinion publique ? Par ailleurs pourquoi Ali Bongo a-t-il tant de mal à reconnaître que le Gabon, historique terre d’accueil, et Libreville, éternelle plateforme cosmopolite, lui ont sauvé la vie, lui ont donné l’ultime chance et possibilité de ne mourir ni de faim, ni de soif ou de ne point succomber sous les obus ou les bombes d’une guerre atroce humainement injuste, et insoutenable ?

Plusieurs générations de jeunes Gabonais, depuis des décennies, ont vécu dans la misère et la souffrance la plus totale (c’est encore le cas aujourd’hui malheureusement) : ne pas pouvoir, manger, aller à l’école, se soigner, se vêtir, se payer un loisir ou un divertissement, grandir dans un environnement sain, etc. Pendant ce temps, Ali Bongo menait une vie de prince, jouisseur invétéré, au Palais et partout ailleurs dans le monde avec les ressources du pays.

Ceux qui avaient entre 9 et 18 ans à la fin des années 1960, des années 1970, des années 1980, des années 1990, etc., n’ont pas eu la chance inouïe de vivre là où l’argent, les biens et les avantages matériels se donnaient à foison, toutefois les Gabonais n’ont jamais demandé à vivre dans l’opulence, l’abondance inutile mais d’avoir juste le stricte nécessaire. Hélas ! Ils n’ont pas eu la même chance que le digne fils.

Tous ces jeunes auraient pourtant davantage (que lui) mérité de vivre complètement à l’abri du besoin au sein de la famille la plus riche du pays, jouissant ainsi de tous les privilèges auxquels le digne fils a eu droit toute sa vie et en faire œuvre utile.
Ceci étant, qu’Ali fasse l’inventaire maintenant ! Nous sommes à l’heure du bilan. Qu’il fasse, et nous sommes impatients de l’entendre, le bilan de son piètre mandat au-delà des effets de manche et de la propagande !

Au demeurant qu’il essaie d’être à la hauteur, une fois dans sa vie, de ce qui subsiste en lui d’humain, durant les quelques semaines qui restent de son imposture, au lieu de passer tout son temps à mentir aux Gabonais, à corrompre des âmes vulnérables (achats de consciences pour vendre à la communauté internationale, cela à coups de propagande massive, l’image fausse et mensongère d’un homme aimé, populaire alors qu’il n’en est strictement rien), devant les caméras et les micros à inaugurer des éternelles maquettes et des éternels chantiers, de petites épiceries de quartier, à terroriser les populations (en mettant la police, les milices et la gendarmerie partout), à intimider, persécuter et emprisonner des patriotes, des progressistes et tous ceux qui ne disent pas ou ne disent plus ce qu’il veut entendre.

En vérité l’on n’attend plus vraiment rien de lui. Peut-être un peu de reconnaissance, s’il en est encore capable, de la part d’un homme auquel le Gabon a fait tant de bien ; il ne faut jamais oublier qu’Ali Bongo n’a vécu toute sa vie durant, à ce jour, depuis l’âge de neuf ans, qu’aux frais de l’Etat gabonais. Qu’il dise au moins merci au peuple. Le peuple va développer sa part d’hérésie face à la folie meurtrière d’Ali Bongo. Ce peuple semble se préparer à ne plus craindre le tyran du Bord de mer.

Les solutions

Le désir de se défendre et l’envie de se battre viendraient de l’importance à nos yeux que représentent encore nos vies et notre chère Patrie. Rassemblons nos forces et nos biens pour sauver nos territoires, nos terres et nos terroirs, notre patrimoine commun, des mains du tyran maculés de sang et de souillure. Toutefois le sens des événements nous échappe encore cruellement. Le temps vécu pèse lourd dans nos consciences. Et finit par nous empêcher de prendre en main notre avenir. De la sorte, au lieu de nous instruire, le passé nous rend plutôt invalides, incapables d’agir et de donner du sens à nos vies, à notre destin commun.Pourtant des solutions existent, à nos souffrances, chacun de nous peut le trouver dans notre passé commun.

Malheureusement nous avons une relation inerte avec le temps vécu, notre rapport au passé est au point mort, cela veut dire que nos cœurs ont cessé de battre, nous n’avons plus la chair de poule quand un événement a lieu, nos yeux ne savent plus voir, nos oreilles n’entendent plus rien, nous n’avons plus de passions, de convictions, de désirs, d’envies, d’utopies, nous n’avons plus de rêves, d’ambitions collectives. Rien ne bouge autour de nous, tout est immobile tous les jours, et donc, en un mot, nos vies sont arrêtées. La misère et l’indigence qui détruisent notre existence ne doivent plus nous étonner.

Qu’à cela ne tienne, il faut aujourd’hui renverser le paradigme dominant, cela veut dire évincer le système de valeurs actuel, substituer à l’idéologie dominante actuelle une autre idéologie. Exercer un contre-pouvoir qui délégitime l’idéologie dominante et de domination en vigueur, pour inverser le rapport de force au profit des bases de souveraineté. En cela nous ne pouvons plus échapper à une logique simple mais implacable, imparable. Qui veut que, face à la folie meurtrière, assassine, privatrice, spoliatrice, du pouvoir en place, le peuple oppose une hérésie salvatrice, rédemptrice, pour se réapproprier sa souveraineté volée, confisquée depuis près de 50 ans.

Le peuple ne doit plus ici se demander s’il faut mourir ou non, puisque sa mort a été actée depuis longtemps. La misère et l’indigence létales qui nous tuent chaque jour sont la preuve que nos vies ne comptent pas pour ce régime. Les Gabonais doivent plutôt se demander comment mourir en dignité, quelle serait la meilleure mort possible : soit mourir de misère, de malaise cardiaque, d’arrêt brutal du cœur, en étant tétraplégique, hémiplégique, mourir de neuro paludisme, de HIV, de démence ou de quelque autre maladie mentale en errant dans les rues (c’est ce que nous appelons mort indigne).

Soit mourir dignement ( en train de défendre ses droits ou en train de défendre les libertés publiques, individuelles, les libertés de la presses, etc.), mourir pour avoir contesté, critiqué, osé dire non, milité pour la chute d’un pouvoir malfaisant, mourir en martyr, risquer sa petite vie (la cause que nous défendons nous dépasse) pour contribuer à l’avènement salutaire d’une névrose collective ou d’une hérésie populaire, qui emporte dans sa folie ravageuse le pouvoir en place.

Membre éminent de la société civile organisée, Auguste Eyene Esono est bi-docteur en philosophie pragmatique et anthropobiologie et en sciences de l’information et de la communication. Maître assistant Cames, il est enseignant-chercheur à l’ENS de Libreville (où il enseigne la sémiotique, la pragmatique, la philosophie et l’anthropobiologie). Directeur adjoint de l’ICAD, il est enseignant à l’Université de Libreville. Auteur entre autre de : ’’Le mythe, l’écriture et la technique’’.

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