300 milliards FCFA, c’est au bas mot le montant de l’évaluation partielle des biens dits « mals acquis » d’Omar Bongo cinq années après sa disparition. Si ce montant mirifique, bien que superficiel, n’étonne pas le moindre gabonais, ce sont les constituants de ce véritable trésor de guerre qui frisent la décence morale et politique. Nos confrères de Mediapart ont rendu publics hier des documents faisant d’Omar Bongo, un puissant président affairiste et « corrupteur » qui aura résolument réussi à placer sa famille à l’abri du besoin, en s’octroyant des actifs immobiliers et des parts sociales dans des filiales de multinationales telles sur BICIG ou la SEEG. Foulant au passage l’article 14 de la constitution Gabonaise. Toujours selon ces mêmes indiscrétions, Ali Bongo serait le seul des enfants reconnus par Omar Bongo, incapable de fournir un acte de naissance en bonne et due forme.
Le média français d’investigation Mediapart a publié hier des documents confidentiels datant de février 2014 qui brossent un premier état des lieux de l’héritage de l’ancien président Omar Bongo. L’ancien président de la République a foulé pour les siens, sans outre mesure, l’article 14 de la constitution Gabonaise qui stipule : "les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction publique et activité privée à caractère lucratif".
Dans ceux-ci, on apprend le niveau de proximité, bien trop important, entre Omar Bongo et des sociétés à monopole telle qu’au sein de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), filiale française du groupe Véolia.
Un héritage aux ramifications indénombrables
Les dessous de cet héritage aux acquis mirobolant, sont contenus dans un rapport d’une réunion tenue le lundi 17 février 2014, à 17 h 50 à l’hôtel L’Étoile d’or de Libreville. Les 53 héritiers, dont une bonne part était représentée, ont brossé un éventail non exhaustif des biens de l’ancien président qui trôna pendant 42 ans sur le Gabon.
Selon Mediapart, "la réunion, présidée par Pascaline Bongo, fille aînée et mandataire exclusive de la succession, a duré deux heures. Elle a fait l’objet d’un procès-verbal ultraconfidentiel, rédigé par un huissier de justice".
Pour Mediapart : "durant la réunion, Ali Bongo (absent mais représenté par un notaire) a commencé par revendiquer avec fracas sa part du gâteau, après avoir pourtant longtemps affirmé qu’il se désintéressait de la succession de son père. Le président gabonais n’a eu de cesse en effet, depuis 2009, de se construire une image publique de fer de lance du « changement », en rupture complète avec les pratiques d’Omar Bongo, dictateur corrompu et corrupteur."
Ali Bongo avec le patron de Veolia, Antoine Frérot, le 6 février 2015 à Paris
Immobilier et actionnariat, deux grands piliers d’une fortune illimitée
Le procès-verbal de cette réunion dévoile un héritage construit sur des actifs immobiliers détenus dans 4 provinces : l’Estuaire, le Haut-Ogoué, l’Ogoué-Maritime et le Woleu-Ntem. Il s’agit pour l’essentiel de villas, d’hôtels de luxe, d’appartements ou d’immeubles évalué à 238 milliards de francs CFA. Il faut souligner que cette liste exclue le patrimoine immobilier de Socoba, une société dirigée par un gendre d’Omar Bongo et principale bénéficiaire des travaux publics du Gabon.
Outre les relents immobiliers, on apprend qu’Omar Bongo et les siens seraient rentré dans le capital de la société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) lors de sa privatisation en 1997. On comprend mieux le laxisme des différents gouvernements gabonais devant la situation de monopole décriée à moult reprises par les usagers à l’unique fournisseur d’électricité et d’eau du pays. Les dividendes familiaux sont là estimés à 521 millions de FCFA.
Le gros de l’actionnariat présidentiel a été habillement constitué par la mise en place d’une holding familiale baptisée Delta Synergie, actionnaire de très nombreuses multinationales en activité au Gabon telle que la Banque internationale pour l’industrie et le commerce du Gabon (BICIG), filiale française de la Banque nationale de Paris (BNP Parisbas). Le trésor d’actifs familiaux à la BICIG a été lui évalué à 151 millions.
Toujours selon Mediapart, outre plusieurs comptes bancaires héxagonaux, "la succession Bongo a intégré deux comptes offshore ouverts à la banque Martin Maurel de Monaco, sur lesquels dormaient près de 20 milliards de francs CFA". Ces deux comptes sont actuellement sous le viseur de la justice française qui y voit un probable « blanchiment de détournements de fonds publics ».
Avec de tels détails, on comprend mieux l’environnement des affaires au Gabon et les compromissions qui émaillent des chantiers publics. Omar Bongo a construit un puissant patrimoine, du moins à la lecture de ces documents, autour de l’actionnariat public et privé.
Ce qui faisait de lui juge et partie dans de nombreux dossiers notamment sur celui des routes (Socoba), de l’énergie (SEEG) et banquier (BICIG). Cela laisse bien songeur sur l’éthique politique de nos gouvernants qui perdent leurs valeurs éthiques devant l’argent en privilégiant leurs intérêts égoïstes d’enrichissement personnel à celui du progrès national.
La polémique sur les origines d’Ali Bongo confirmée
Autre point non moins anodin, Mediapart jette à nouveau de l’huile sur le feu de la polémique sur les origines contestées par l’opposition gabonaise d’Ali Bongo. Le journaliste souligne "d’après un autre document obtenu par Mediapart – il s’agit de l’acte de “notoriété” du 25 juin 2010 établissant la liste des héritiers –, Ali Bongo est le seul des enfants reconnus par Omar Bongo incapable de fournir un acte de naissance en bonne et due forme".
Avant de renchérir qu’Ali Bongo "est marié en revanche depuis février 2000 « sous le régime légal de la séparation de biens, option polygamie », mais rien de probant sur sa naissance. Mieux : il est précisé dans la “notoriété” que le décret et le jugement qui ont permis le changement de nom d’Alain-Bernard en Ali Bongo, quand son père a décidé d’islamiser la famille, « seront présentés ultérieurement au notaire »". Affaire à suivre donc...
Les documents complets sont à consulter gratuitement sur le site de Mediapart en cliquant ici
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