Rendez-vous avec l’Histoire

Que retenir du règne des Bongo après « un demi-siècle » de pouvoir sans partage ?

Que retenir du règne des Bongo après « un demi-siècle » de pouvoir sans partage ?
Que retenir du règne des Bongo après « un demi-siècle » de pouvoir sans partage ? © 2014 D.R./Info241

La question aurait surement mérité un ouvrage entier tant cette famille présidentielle aura battu des records mondiaux de longévité au pouvoir de mémoire d’hommes. Vu la complexité de la question, la rédaction d’Info241 tentera d’étayer l’opinion sur quelques faits marquants depuis l’intronisation de Bongo père (1935-2009) par le réseau Foccart jusqu’à nos jours afin que chacun puisse en tirer ses propres conclusions. Dans une deuxième partie, nous reviendrons justement sur les présomptions d’assassinats d’opposants politiques ayant prêté le flanc à un règne sans partage à des élections présidentielles à des scores vertigineux qui feraient pâlir les démocraties occidentales.

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Omar Bongo : un destin singulier
 
En 1960, au moment des indépendances africaines, la France veut conserver son influence sur le continent noir et préserver son indépendance énergétique. Pour ce faire, De Gaulle va mettre en œuvre une « cellule Afrique », installée directement à l’Élysée et dégagée de la tutelle du ministère des Affaires étrangères. À sa tête, le général va placer Jacques Foccart, gaulliste de la première heure, comme nous avons des bongoïstes de la première heure au Gabon (suivez-notre regard). Sa devise était de « rester dans l’ombre pour ne pas prendre de coup de soleil ».
 
Sous De Gaulle puis Pompidou, l’homme s’emploiera à tisser un dense réseau franco-africain mêlant hommes politiques, chefs d’État africains, hommes d’affaires, services secrets et barbouzes. A cette époque, la fragilité physique et psychologique du président Léon Mba se faisant ressentir, Jacques Foccart décidait alors de changer la constitution gabonaise et mettait « en orbitre » un « petit jeune prometteur : Albert Bernard Bongo (ABB). Né d’une fratrie de douze enfants. Il perd son père à sept ans, puis, à douze ans, sa mère et effectue ses études primaires et secondaires au Congo.
 
Une ascension normalisée mais un opportunisme avéré !
 
Après ses études secondaires dont on ne précisera jamais le niveau, ABB exerce un emploi modeste au sein des postes. Sur les conseils d’un de ses nouveaux collègues, il intègre à cette époque la franc-maçonnerie. Mais ce jeune homme vif et ambitieux est vite repéré par les services secrets français, qui vont l’employer, notamment dans les écoutes téléphoniques. Après son service militaire (de 1958 à 1960), qu’il conclut au grade de lieutenant, il rejoint l’armée de l’air, puis les services secrets français, tout en intégrant les Postes, télégraphes et téléphones de Libreville. En s’impliquant dans les élections législatives de 1961, il est repéré par Jean-Hilaire Aubame, ministre des affaires étrangères, qui l’intègre à son cabinet. Le président Léon Mba le repère alors à son tour, et lui confie la direction-adjointe, puis, en octobre 1962, la direction de son cabinet. Directeur de cabinet de Léon Mba, puis vice-président après la mort de Léon Mba, Bongo devient président de la république sans élection.
 
A l’époque cela paraissait « normal », pour préserver la sécurité et la paix, que la France choisisse les présidents africains. Durant ces années, la France va soutenir ces bongos pour rester au pouvoir. Pillage sans état d’âme des richesses du Gabon par les compagnies étrangères et les personnalités étrangères à la solde du pays. Elf ayant découvert des gisements, la notoriété de bongo fut encore plus forte. Chers lecteurs, écrire l’histoire des Bongo nécessiterai certainement une rédaction plus volumineuse. Donc, nous passons en revue quelques détails de cet homme énigmatique pour évoquer son bilan à la tête de la nation gabonaise.
 
En 1968, ABB fonde le Parti démocratique gabonais, socle du monopartisme jusqu’en 1990. La même année, il se fait baptiser dans le seul but d’obtenir une audience avec le pape Paul VI. En 1973, il se convertit à l’islam et devient El Hadj Omar Bongo. Pour certains, cette conversion ne fut qu’un moyen de se faire bien voir des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, principalement à majorité musulmane, le Gabon étant producteur de pétrole.
Fin 1968, Omar Bongo, toujours sous l’influence de Jacques Foccart, est contraint par la France de reconnaître la pseudo-indépendance du Biafra (sud-est du Nigeria). Il doit même accepter que l’aéroport de Libreville serve de plaque tournante aux livraisons d’armes opérées en faveur du colonel Ojukwu (le dirigeant sécessionniste du Biafra). Chacun doit tirer ses conclusions.
 
Élections présidentielles et assassinats d’opposants gênants
 
Toujours soutenu par la France foccardienne, le pouvoir Omarien s’est également marqué par l’assassinat des plusieurs opposants, même si rien ne permet de les incriminer directement. Toujours est-il que l’opinion peut tirer ses conclusions. En effet, en 1970, Germain Mba, son principal opposant, fût assassiné à Libreville par deux mercenaires français. En février 1973, Omar Bongo organise une première élection présidentielle, que, seul candidat, il remporte avec 99,6 % des voix.
 
Avec la découverte du boom pétrolier la même année, Omar Bongo réalise ce que la presse internationale qualifiera de « miracle gabonais ». Il en profite pour mener une politique d’infrastructures de grande envergure : créations de routes, de chemins de fer, de ports, d’Air Gabon, de centrales électriques… Mais aussi, nouveau palais présidentiel, Palais des conférences, Cité du 12 mars.
En 1977, un nouvel opposant Ndouna Depenaud, est assassiné dans des conditions mystérieuses, mais aucune preuve ne permet d’impliquer Bongo. Toujours candidat unique, Bongo est réélu président de la République du Gabon en 1979 avec 99,8 % des suffrages. Aujourd’hui, avec l’apparition du livre de Pierre péan, on peut tirer quelques conclusions sur la mort de ce poète, amant de Joséphine Kama alias « la vipère » sic.
 
Avec une crise économique critiquée par le Fonds monétaire international dans les années 80, le Gabon connaîtra un nouveau rebondissement en 1990 à la suite d’une grève générale initiée par une révolte estudiantine. Ce qui pousse à une conférence nationale à l’issue de laquelle il accepte la restauration du multipartisme et diverses réformes démocratiques en nommant alors Premier ministre le pseudo opposant Casimir Oyé Mba. Mais là encore la mort, dans des circonstances obscures d’un autre leader de l’opposition, Joseph Rendjambé, relance la révolte ; une mort dont on peut tirer quelques conclusions grâce à l’apparition de l’ouvrage de Péan. Toujours est-il qu’en décembre 1993, il concourt à sa première élection présidentielle concurrentielle et obtient au premier tour 51 % des suffrages ; puis en 1998, il est une nouvelle fois réélu, avec 66 % des voix, résultats non reconnus par les candidats de l’opposition mais soutenu par la France.
 
Malgré la flambée des prix du baril de pétrole depuis les années 2000, le Gabon reste très endetté à l’extérieur. En 2004, il devient Omar Bongo Ondimba (OBO) dont tout le patriarche des bongo vont ajouter au leur jusqu’à la 4e génération pour conserver les faveurs du pouvoir. Tours est-il qu’il est réélu le 27 novembre 2005 avec 79,18 % des suffrages, selon les résultats officiels. L’opposition, avec à sa tête Pierre Mamboundou, qui a raté de justesse une tentative d’assassinat en sa personne, a contesté ce scrutin. Jusqu’en 2009, année de sa mort, il va régner sur le Gabon pendant 42 ans sans partage. Ce qui donne de lui l’homme politique-highlander le plus historique que le monde n’ait jamais connu.
 
Le Gabon était considéré comme l’émirat arabe de l’Afrique. Malheureusement, malgré quelques investissements çà et là, investissement qui ne cadre plus avec la croissance démographique de la population, cet homme est resté au service de la France au détriment de son peuple. Excédée par sa mauvaise gestion du pays, il va lui-même déclaré dans un discours « … Gabonais nous sommes, Gabonais nous resterons. Pensons à notre pays, pensons à notre jeunesse, croyons en Dieu ! Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon, ce que nous sommes en train de faire. Il dit amusez-vous mais le jour où il voudrait nous sanctionner, il le fera. Que Dieu protège le Gabon  ». Était-ce un mea culpa d’adieu ? Ce mea culpa ne résume-t-il pas le bilan de 42 ans de règne sans partage ?
 
L’arrivée de Bongo fils 
 
Comme si le Gabon n’en avait pas déjà assez de « respirer les atomes de cette famille à la tête du pouvoir », voilà que notre chère France, sous le règne de Nicolas Sarkozy appuyé par Robert Bourgi, le benjamin du réseau Foccart (en référence au livre de Péan), nous impose encore un autre Bongo à la tête de la magistrature suprême.
 
L’élection du 30 août 2009 qui l’a porté au pouvoir, avait donné lieu à trois vainqueurs auto-proclamés : le candidat du parti démocratique gabonais, Ali Bongo Ondimba ; l’opposant historique, Pierre Mamboundou (crédité officiellement de 25,64%) ; et le candidat indépendant, André Mba Obame (crédité officiellement de 25,33%). Chacun de ces 3 candidats-vainqueurs revendiquant avoir pris le dessus sur ses challengeurs. L’élection avait enregistré 23 candidatures déclarées dont certaines ont été retirées au profit d’autres. Il aura fallu tout de même, attendre plusieurs jours avant que la Commission chargée de ces élections, la CENAP (Commission Electorale Nationale Autonome et Permanente), livre enfin le nom du vainqueur "officiel". Non sans avoir créé des remous dans la population avec des événements malheureux à Port-Gentil dont le bilan officiel a dénombré 4 morts parmi les civils.
 
Elu à une élection reformée à un seul tour avec 41,79% des suffrages exprimés, Ali Bongo alors ministre de la défense du gouvernement de transition, aura ainsi succédé à son père feu Omar Bongo après 42 ans de règne. Son programme basé sur le Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE) pouvait ainsi se mettre en place avec un tissu politique fébrile après des dissensions intervenues dans son parti à la suite de ces élections et le candidat André Mba Obame qui n’avait pas hésité à prêter lui aussi serment au PNUD en tant que président de la République. Cette "trahison" à la Nation aura valu à son parti, l’Union Nationale, la dissolution administrative. Ajourd’hui André Mba Obame a été l’objet d’une « attaque mystique violente ». Ne déplaçant qu’en fauteuil roulant, il ne devient que l’ombre de lui-même. Quant à Pierre Mamboundou , opposant historique il est mort dans des conditions non élucidées. Toujours est-il que l’on sait, selon de sources autorisées, entre le temps où il est mort à 23heures de ce mois d’octobre 2011, les parents dont sa famille biologique et politique, ont gardé curieusement le silence. Par la suite, comment expliquer cette hantise à inviter au calme comme si l’on se doutait de quelque chose ? Pire, certains concitoyens auraient constaté la présence très matinale d’un membre du gouvernement Ali au domicile du défunt, au lendemain du drame. Qu’est-ce qui se tramait ? » 
 
Un pouvoir législatif absolu
 
Les élections législatives de décembre 2011 viendront démentir la perte de vitesse déclarée du PDG avec notamment le boycott de certains partis de l’opposition à se lancer dans la course du palais de l’Assemblée Nationale. Ali Bongo aura réussi ainsi à dompter l’assemblée parlementaire aux couleurs de son parti. Lui permettant ainsi de jouir de 114 sièges pour son seul parti soit 95% des 120 sièges disponibles. Une suprématie qui lui donne les coudés franches pour assoir et faire valider ses réformes9+. Reformes qui bien que souvent entamées n’ont pas réussi à obtenir l’assentiment populaire, en témoignent les nombreuses grèves dans les secteurs touchés.
 
Un bilan mitigé
 
Malgré une quasi-mainmise sur les leviers de l’exécutif, Ali Bongo a eu du mal à traduire en acte les aspirations de son programme politique. Il semble être en quête d’hommes pour traduire en actes son PSGE en témoigne les quatre remaniements ministériels et ses 3 premiers ministres choisis dont les critiques sur leur efficacité reste à démontrer.
 
Après cinq ans de pouvoir, chaque Gabonais peut déjà tirer ses propres conclusions même si son mandat n’est pas encore achevé. Toujours est-il que certaines promesses tels que les logements sociaux, la revalorisation du SMIG, la création d’emplois entre autres, ne sont encore qu’au stade de mise en place. Les postes de responsabilités sont tenues importants sont tenus par des personnes étrangères, le chômage fait son chemin, la rue crie famine, les assassinats et crimes rituels deviennent monnaie courante à tel point que les gabonais n’ont plus qu’une expression à la bouche : le « on va encore faire comment » ?
 
Comme à l’époque de Bongo père, on constate également sous le règne d’Ali la disparition de certains opposants ou ceux du même bord politique. Selon Péan, ces hommes ont utilisé « l’assiette Roumaine » pour empoisonner Rawiri, Edith et Omar Bongo, voire même André Mba Obame. dont le commandant de l’invisible reste le tout puissant Accrombessi, chef de la légion étrangère. Toujours pour ces origines douteuses, l’opposant Redjambé est passé lui aussi à l’abattoir pour avoir traité Ali d’étranger. Les crimes rituels sont pièces maîtresse de ce septennat avec les auteurs qui ne sont jamais jugés.
 
Chers lecteurs, au risque de nous répéter, chacun pourrait tirer ses propres conclusions sur cette famille qui a dirigé la destinée du Gabon pendant 47 années de règne sans partage. Nous retiendrons simplement que les Bongo, famille qui devraient normalement rentrer avec beaucoup d’honneur dans l’histoire de notre pays, vont malheureusement rentrer dans les archives sombres de l’oubli. Car, ils sont restés là pour garantir leurs propres intérêts et servir « la douce France » laissant ainsi le peuple dans la misère totale. Voilà ce que nous révélerons à nos petits enfants autour d’un feu de camps sur l’histoire pathétique de cette famille.

@info241.com
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