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Démocratie au Gabon

Tita Nzebi : « Personne ne viendra sauver le Gabon à notre place. Alors à chacun d’agir à son niveau »

Tita Nzebi : « Personne ne viendra sauver le Gabon à notre place. Alors à chacun d’agir à son niveau »
CR. Photo@Camille Larquier © 2017 D.R./Info241

L’invité de la rédaction est l’artiste Tita Nzebi, auteure de l’album ’’Metiani’’, qui fait la fierté des langues gabonaises, Nzebi notamment, elle se livre à Info241 ce jeudi à Paris, au sujet du concert, ’’ Une aurore se lève’’ qu’elle organise sous le prisme de son Label Bibaka, le 21 janvier prochain, au Café de la danse, sis au 2/5 Passage Louis Philippe, 75011. Pour continuer à entretenir la flamme, dit-t-elle, de la résistance du peuple gabonais, contre ce qu’elle qualfie de « déni de démocratie flagrant » perpétué par Ali Bongo Ondimba et son régime au soir du 31 août dernier, suite au vote de la présidentielle du 27 août 2016.

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La crise post-électorale au Gabon n’a pas fini de susciter sa vague d’indignation au-delà des frontières gabonaises. Après les hommes politiques, la société civile, la diaspora, les artistes gabonais ne sont pas en reste. Tita Nzebi qui réside en France, pays dans lequel elle poursuit sa carrière musicale passe à l’offensive avec d’autres artistes gabonais : François N’Gwa, Jann Halexander, JeanRian et Chyc Polhit, concernant la situation de crise qui secoue leur Gabon natal. Elle appelle à résister pacifiquement contre le régime d’Ali Bongo Ondimba et à faire respecter le choix démocratique du peuple gabonais.

L’affiche officielle du concert. Une conception graphique de Maya Mihindou.

Lire aussi >>>Concert : une aurore se lèvera le 21 janvier au Café de la danse à Paris

Info241.com : Crise post-électorale /démocratie. Sous les auspices de votre label Bibaka, vous organisez et prenez part au concert ‘’Une aurore se lève’’ pour dénoncer ce que vous qualifiez de déni de la démocratie. Quel sens revêt pour vous cet engagement artistique ?

Tita Nzebi : Au delà de l’engagement uniquement artistique, c’est d’abord et avant tout un engagement humain, un engagement citoyen. Je suis comme ces milliers de gabonais qui, depuis le 27 août dernier ont décidé de dénoncer le déni de démocratie que nous vivons au Gabon depuis de longues années.

Je suis comme ces milliers de gabonais qui trouvent inacceptable que des compatriotes se fassent froidement exécuter par des gens sensé les protéger".

Je suis comme ces milliers de gabonais qui trouvent inacceptable que des compatriotes se fassent froidement exécuter par des gens sensé les protéger. Chacun de nous se bat à son niveau avec ses propres armes et la mienne c’est la musique donc je l’utilise.

Le rôle des artistes gabonais. Les artistes gabonais se sont largement indignés des crimes suite à la crise post-électorale du 31 aout 2016. Selon vous quel est le rôle que les artistes peuvent jouer en cette période de crise ?

En participant à ce concert je ne “joue pas un rôle”, je fais juste ce que ma conscience me commande de faire et j’essaie de le faire au mieux".

TN. Il n’y a pas un rôle unique que les artistes doivent jouer, à mon sens, du fait d’être artistes. Nous sommes dans le même secteur d’activité certes mais nous avons forcément des sensibilités différentes. Chacun agit en fonction de sa conscience et certainement de ses intérêts.

Pour ma part, je pense que je fais un métier qui m’expose un petit peu, j’ai la possibilité de me faire entendre sur certaines tribunes alors je voudrais que ma prise de parole soit utile aux autres mais surtout conforme à mes valeurs. En participant à ce concert je ne “joue pas un rôle”, je fais juste ce que ma conscience me commande de faire et j’essaie de le faire au mieux.

Info241.com. Le symbole de ce concert. Pour vous artistes gabonais, après la vague de contestation et de dénonciation de ce que vous qualifiez de hold-up électoral perpétué par Ali Bongo Ondimba, que faut-il faire pour continuer la résistance ?

Il faut continuer à résister à mon avis. concrètement, de mon point de vue, il n’est pas question de reconnaître monsieur Bongo Ondimba Ali comme étant le président du Gabon peu importe la position du monde entier".

TN. Il faut continuer à résister à mon avis. concrètement, de mon point de vue, il n’est pas question de reconnaître monsieur Bongo Ondimba Ali comme étant le président du Gabon peu importe la position du monde entier. En ce qui me concerne, les institutions imposées du Gabon ne représentent que ceux qui s’y reconnaissent. Personnellement je ne m’y reconnais pas donc je ne me sens pas représentée par elles. Je ne le dis pas dans le but d’engager un bras de fer avec qui que ce soit mais, comme je le disais plus haut, je voudrais juste être en accord avec mes principes et mes valeurs.

Le contrat entre eux et moi est non pas résilié mais détruit et je n’ai pas l’intention de le renouveler. Quand d’autres personnes nous proposerons une autre manière de diriger ce pays, une autre manière de vivre ensemble on en reparlera".

Je crois savoir qu’il y a une sorte de contrat dit social qui lie les citoyens d’un état les uns aux autres, qui réagit les liens entre les gouvernés et leurs gouvernants. ça fait bientôt 20 ans que j’ai l’impression que le contrat qui lie les gabonais à leurs gouvernants est un contrat de dupes. Jusqu’au 27 août 2016 je leur ai accordé le bénéfice du doute maintenant c’est fini.

Le contrat entre eux et moi est non pas résilié mais détruit et je n’ai pas l’intention de le renouveler. Quand d’autres personnes nous proposerons une autre manière de diriger ce pays, une autre manière de vivre ensemble on en reparlera. Pour l’instant je cède bien volontiers ma place à qui veut la prendre dans ce Gabon dominé par des gens avec lesquels je n’ai rien en commun.

Info241.com Interrogation sur le choix du lieu du concert. Plusieurs citoyens s’interrogent sur l’efficacité des actions posées par la diaspora gabonaise. Pourquoi faire ce concert à Paris plutôt qu’à Libreville ?

Nous avons choisi de faire ce concert à Paris d’abord pour des raisons pratiques. Quasiment tous les artistes qui y participent vivent à Paris, la structure Bibaka est Française".

Si je peux me permettre je pense qu’ils ne devraient pas se contenter de s’interroger sur l’efficacité des actions posées par la diaspora mais plutôt agir à leur tour là où ils sont comme ils peuvent. Bien entendu si ils se sentent concernés par ce qui se passe au Gabon actuellement. Ce ne sont pas les actions de quelques uns qui vont sauver notre pays mais nos actions à tous. Je précise tous ceux qui se sentent concernés.

Les arrestations arbitraires actuellement en cours au Gabon, les assassinats etc., démontrent à suffisance que nos colons du moment ne peuvent pas accepter qu’une telle manifestation se tienne au Gabon et c’est compréhensible à leur place vous agirez exactement de la sorte à mon avis".

S’interroger est normal mais il ne faut pas s’arrêter à des interrogations qui aboutissent à des critiques stériles. Si s’interroger sur les actions des autres vous aident à améliorer les vôtres tant mieux mais si cela vous conduit à l’inaction parce que vous avez l’impression à tort ou à raison que les actions des autres ne mènent à rien alors il faut cesser de s’interroger et agir.

Nous avons choisi de faire ce concert à Paris d’abord pour des raisons pratiques. Quasiment tous les artistes qui y participent vivent à Paris, la structure Bibaka est Française. Faire un tel concert représente un coût assez important de toutes les façons, le faire à Libreville aurait coûter bien plus cher. D’autre part, Libreville se trouve en territoire occupé.

Les arrestations arbitraires actuellement en cours au Gabon, les assassinats etc., démontrent à suffisance que nos colons du moment ne peuvent pas accepter qu’une telle manifestation se tiennent au Gabon et c’est compréhensible à leur place vous agirez exactement de la sorte à mon avis. Donc non, ce concert ne pourra avoir lieu au Gabon en tout cas pas aussi longtemps que ce pays sera sous domination et personnellement, je n’ai pour l’instant pas envie d’aller faire un concert au Gabon vu ce qui s’y passe.

Info241. Transparence et de crédibilité électorales depuis 1990. L’opposition a toujours contesté les résultats de chacune des présidentielles avait t-elle réellement des chances de l’emporter en 2016 ?

Avoir le pouvoir de choisir librement ses dirigeants c’est aussi avoir le pouvoir de les révoquer librement si on n’est pas satisfait de leur travail. Ce qui ne peut être possible dans le cas où les dirigeants s’imposent et c’est ce que nous vivons au Gabon depuis un demi siècle".

L’opposition conteste les résultats de chacune des élections depuis 1990 parce qu’elles ont toutes été contestables. Cette question ne devrait pas préoccuper les seuls opposants. Les citoyens devraient s’en emparer. Je crois que ça a toujours été le cas et c’est encore le cas depuis la dernière élection présidentielle. Beaucoup appellent ces Gabonais des pro Ping et ils se trompent.

En tous cas, pour ma part je ne me suis même pas inscrite sur les listes électorales car ça fait longtemps que je ne fais plus confiance aux institutions de ce pays. Je n’ai donc pas voté pour Ping encore moins pour quelqu’un d’autre. Mais que je vote ou non, j’estime en tant que citoyenne que le verdict des urnes doit être scrupuleusement respecté. Qu’on aime ou non la personne qui a été choisie par la majorité du corps électoral, c’est cette personne qui doit diriger ce pays devenant ainsi le président de tous les Gabonais.

Avoir le pouvoir de choisir librement ses dirigeants, c’est aussi avoir le pouvoir de les révoquer librement si on n’est pas satisfait de leur travail. Ce qui ne peut être possible dans le cas où les dirigeants s’imposent et c’est ce que nous vivons au Gabon depuis un demi siècle. Une personne qui sait qu’elle ne doit pas sa place à la tête d’un peuple. Ce dernier ne peut pas se préoccuper de son bien être puisque le peuple ne peut absolument pas le révoquer. Il suffit de regarder la situation du Gabon avec lucidité pour avoir un exemple bien concret de mon propos.

En tous cas pour ma part je ne me suis même pas inscrite sur les listes électorales car ça fait longtemps que je ne fais plus confiance aux institutions de ce pays".

Je pense que nous devons cesser de regarder cette question des élections comme un combat de box ou de catch entre deux adversaires, applaudissant celui qui malmène et rigolant de celui qui est malmené dans la position confortable du spectateur qui ne prend pas de coups puisqu’il n’est pas sur le ring. Encore que dans ces deux sports, il y a des règles. Les élections ne sont pas une sorte de spectacle glauque où tous les coups sont permis et qui ne nous concernent pas vraiment. Il s’agit de nos vies, de l’avenir de nos enfants, de notre vivre ensemble. Et ici on ne peut pas permettre tous les coups.

La question à se poser ne devrait donc pas être celle de savoir si l’opposition a des réelles chances de remporter une élection, en 2016 ou à un autre moment. Au passage l’opposition à remporter toutes les élections présidentielles au Gabon. Les anciens pédéigstes qui ont participé aux mascarades d’Omar Bongo l’ont tous dis et n’ont été contredits par personne. La question à se poser devrait être, à mon sens, celle de savoir si le peuple gabonais va enfin pouvoir être dirigé par des gens choisis selon les règles de la République gabonaise. C’est selon moi la question la plus importante.

Info241. Message au peuple gabonais Quel message envoyer aujourd’hui au peuple dans l’ensemble et aux artistes gabonais ?

Personne ne viendra sauver le Gabon à notre place, à votre place. Alors à chacun d’agir à son niveau. Plus facile à dire qu’à faire me diriez vous et vous avez tout à fait raison surtout ceux qui vivent au Gabon. Mais avant de dire que c’est impossible essayez d’abord puis évaluer".

Difficile d’envoyer un message d’ensemble aux uns et aux autres car définitivement nous n’avons pas les mêmes aspirations pour ce pays. Alors à ceux qui pensent que le Gabon mérite un meilleur sort sachez que nous ne nous en sortirons jamais si nous nous résignons. Personne ne viendra sauver le Gabon à notre place, à votre place. Alors à chacun d’agir à son niveau. Plus facile à dire qu’à faire me direz vous et vous avez tout à fait raison surtout ceux qui vivent au Gabon. Mais avant de dire que c’est impossible essayez d’abord puis évaluer.

Demandez à certains s’ils sont ravis de voir des stades vides actuellement. Des gens ont juste décidé de rester chez eux, tout simplement par réistance. Moi je chante. Donc, ce samedi 21 janvier je serai sur la scène du café de la danse à Paris pour dire que notre pays est considérable et mérite d’être traité avec respect".

Une dame Française qui se reconnaîtra peut-être m’a raconté que pendant l’occupation nazi en France une personne, résistante certainement, eut l’idée d’enlever une pièce de l’ascenseur de la Tour Eiffel, rendant l’accès à la Tour, difficile voir impossible pour les Allemands. Hitler n’aurait jamais visité cette Tour suite à cet acte de sabotage. A la libération l’ascenseur se remis à fonctionner. On n’a jamais sût qui avait fait cela ni quelle pièce avait été enlevée mais c’était un acte de résistance.

Je n’ai pas encore été vérifié dans les livres d’histoire si ce fait est réel mais cette dame me faisait comprendre qu’on peut résister à une tyrannie par des actions simples, efficaces sans se mettre en danger. Demandez à certains s’ils sont ravis de voir des stades vides actuellement. Des gens ont juste décidé de rester chez eux, tout simplement par résistance. Moi je chante. Donc, ce samedi 21 janvier je serai sur la scène du café de la danse à Paris pour dire que notre pays est considérable et mérite d’être traité avec respect.

Propos recueillis par Rostano Mombo

@info241.com
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