Une seconde manifestation apparentée opposition, interdite par les autorités gabonaises
Sale temps pour les libertés publiques au Gabon. Après avoir interdit jeudi 26 novembre, une manifestation de la société civile contre les violences faites aux femmes par la police gabonaise, les autorités gabonaises ont à nouveau interdit hier un rassemblement en mémoire de l’étudiant Bruno Mboulou Beka assassiné le 20 décembre dernier, dont le meurtre n’a par ailleurs, pas été élucidé par la justice gabonaise.
Le pouvoir gabonais par le biais du ministère de l’Intérieur semble s’être muré dans une privation systématique des libertés publiques aux mouvements civils ou politiques proche de l’opposition gabonaise. C’est du moins à cette conclusion que nous amènerait la lecture de cette semaine sombre pour la démocratie gabonaise.
Lire aussi >>> La marche contre les violences faites aux femmes stoppée par la police gabonaise
Jeudi dernier, pour justifier l’interdiction du collectif de lutte contre les violences faites aux femmes, les autorités policières avaient invoquées une vice de forme de la demande des organisateurs adressée à la mairie et non au ministère de l’intérieur, seule autorité selon elles à autoriser ce type de manifestation au sens de la loi gabonaise. La manifestation de ce samedi 28 novembre pourtant adressée quelques jours plutôt au ministère de l’Intérieur n’aura pas pour autant obtenu les bonnes grâces de cette autorité d’autorisation à en croire son refus aux motifs ambivalents.
La lettre de refus du ministère de l’intérieur
Le mouvement citoyen « Ça suffit comme ça » et la « Chaîne de solidarité des événements du 20 décembre 2014 », organisateurs de la manifestation de samedi empêchée, ont évoqué dépité dans un communiqué un "déni de démocratie" de la part des autorités gabonaises avant de réaffirmer que ce déni "n’altérera en rien [leur] détermination à défendre les droits de l’Homme et au Gabon et [leur] volonté de réclamer justice pour Mboulou Beka".
Lire aussi >>> L’étudiant Bruno Mboulou Beka toujours pas inhumé depuis son décès en décembre
En République gabonaise, les réunions publiques sont régies par la loi n°48/60 du 8 juin 1960. Cette loi héritée de la colonisation française, stipule que les réunions publiques sont libres mais que les organisateurs sont toutefois tenus à une déclaration préalable, fournissant les indications utiles sur le jour, le lieu et l’heure de la réunion envisagée. Son article 6 dispose que l’autorité compétente et donc destinataire de la déclaration préalable est l’autorité locale, notamment la mairie là où elle existe. Exit donc le ministère de l’Intérieur !
Toutefois, l’article 9 de cette la loi reconnait à l’autorité locale, le droit d’interdire la réunion publique, si sa tenue présente une menace pour l’ordre public. Cette interdiction doit être écrite, motivée, notifiée aux organisateurs, et transmise à l’autorité hiérarchique déconcentrée, qui est le préfet, donc le gouverneur, à qui la loi reconnait le pouvoir, ou d’entériner l’interdiction, ou de la rapporter.
On le voit, cette loi gabonaise n’invoque nullement le ministère de l’Intérieur qui s’est pourtant fendu d’interdire ces deux manifestations au nom de l’interprétation qu’il dit faire de l’invocation de cette loi (cf lettre du ministère). A moins bien entendu, que pour le ministère de l’Intérieur, toutes ces sorties pourtant pacifiques et citoyennes constituaient de fait un trouble à l’ordre public.
En forçant le trait de la puissance publique, on pourrait ainsi dire que défendre la femme gabonaise des violences qu’elle a subi de la police gabonaise, donc des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, constitue en soit un trouble à l’ordre public. Ou encore, demander justice pour un crime non élucidé par les autorités judiciaires gabonaises, soit aussi désormais de facto un trouble à l’ordre public pour les mêmes autorités gabonaises censées rendre la justice pour tous !
@info241.com