Ce 17 juin 2015 est bien la date butoir fixée pour le passage à la Télévision numérique terrestre (Tnt) sur le continent africain. Pourtant, au terme de cette journée, il sera bien difficile de savoir combien de pays auront rejoint la Tanzanie, Maurice et le Rwanda, les seuls qui ont déjà totalement opéré la transition numérique, respectant ainsi l’engagement que l’Afrique avait pris en 2006 à l’Union internationale des télécommunications (Uit), nous rapporte l’Agence Ecofin.
L’évolution vers la Tnt donne à voir plusieurs catégories sur le continent. Il y a le groupe des pays ayant déjà annoncé qu’ils sont prêts pour le grand saut ce 17 juin. Ces dernières semaines, le Sénégal n’a fait que ça. Le directeur général de l’Agence de l’informatique de l’Etat (Adie), Chaikh Bakhoum, vient de garantir que 800 000 décodeurs numériques seront mis à la disposition des Sénégalais pour la première phase de l’opération.
Toutefois, la transition totale n’est ni pour aujourd’hui ni pour demain. Quand se fera-t-elle ? Progressivement, répond Chaikh Bakhoum. « L’analogie et le numérique vont continuer à exister jusqu’à ce que toute l’infrastructure soit en place », explique-t-il. Un peu comme la Tunisie où la Tnt est effective depuis 2 ans mais ne couvre pas tout le pays.
Dans la même catégorie, il y a la Namibie et le Mozambique. Le Kenya s’est aussi annoncé, car le gouvernement a toujours soutenu que le passage à la Tnt se fera dans les délais, même si la justice a été saisie par certains opérateurs audiovisuels privés. Ceux-ci dénoncent une transition précipitée alors que tous les préalables ne sont pas réunis. La justice a plusieurs fois reporté la diffusion numérique, mais les autorités kenyanes ont continué d’affirmer que le cap est maintenu.
L’Ouganda s’est également annoncé début mars de cette année, en confiant au groupe français Arelis le marché du déploiement de l’infrastructure de la Tnt dans le pays, pour un montant de 7 millions d’euros. L’entreprise s’est engagée à respecter l’échéance du 17 juin. La Commission ougandaise de communication (Uganda Communication Commission- UCC) prévoit la couverture de 80% du territoire nationale d’ici la fin de l’année.
L’autre catégorie est celle des pays qui ont d’ores et déjà annoncé leur défaillance. Ils ne feront pas de transition ce 17 juin. Ici se recrute l’essentiel du continent. L’Uit a dû concéder une prolongation à 30 pays africains. Même les pays dits avancés technologiquement, comme le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte, ont invoqué l’impréparation commerciale. Dans le lot, il y a l’Afrique du Sud et le Nigéria. L’échec des géants d’Afrique constitue le symbole même de la défaillance continentale.
L’Iut n’a pas donné de nouvelle échéance. Il semble que chaque pays ira désormais à son rythme. L’Afrique du Sud ne sera pas prête d’ici 18 à 24 mois, donc pas avant 2017. Conscient de son grand retard, le pays est en train de conclure des accords avec ses voisins pour que l’arrimage de ceux-ci au numérique ne brouille pas complètement les images dans les zones frontalières. Ces voisins sont le Botswana, le Zimbabwe, la Namibie, le Mozambique, le Lesotho et le Swaziland.
Le Nigéria s’est donné entre 12 et 18 mois supplémentaires pour passer au numérique. Pour ce géant comme pour les autres retardataires, le manque de moyens financiers est avancé. Le Burkina Faso ne se projette même pas dans le temps, puisque le pays en est encore à chercher les fonds pour mettre en route son projet numérique. Quelque 8 milliards FCfa ont été débloqués sur les 46 milliards nécessaires.
Le Cameroun manque aussi le rendez-vous. Il n’est pas prêt, on le sait. Le pays a fixé à 183 millions € le budget de la transition numérique. Pour l’heure, la phase infrastructurelle n’est même pas engagée. « Il est impérieux de prendre en compte au moins deux facteurs majeurs : la configuration socio-économique et la dimension culturelle de cette migration.
Ce n’est donc pas tant le facteur technologique qui est prédominant », expliquait il y a 8 mois le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary. Par ailleurs, la nouvelle loi sur l’audiovisuel divise les acteurs du secteur. « Le Cameroun va droit vers un mur », a même dit le coordonnateur de l’unité technique opérationnelle du Cameroon Digital Television (CAM-DTV), l’organe qui pilote la migration numérique. François Wakata Bolvine est aussi le conseiller du Premier ministre.
Les balbutiements du Cameroun sont à l’image de la majorité du continent. Or le temps presse et l’Afrique perd de l’argent, prévient Andile Mcgaba, président de Convergence Partners, une firme de gestion de placements dans le secteur des télécommunications, des médias et de la technologie en Afrique. Selon lui, les gouvernements africains perdent 30 milliards $ chaque année parce qu’ils ne libèrent pas le spectre nécessaire pour le déploiement de la Tnt.
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