Démocratie

Le réquisitoire d’Edzodzomo-Ela pour rompre avec le système PDG-clan Bongo

Le réquisitoire d’Edzodzomo-Ela pour rompre avec le système PDG-clan Bongo
Martin Edzodzomo-Ela © 2015 D.R./Info241

Un réquisitoire de Martin Edzodzomo-Ela, économiste et opposant gabonais, appelant le peuple à rompre avec le système PDG-clan Bongo a été publié mercredi 4 février à Libreville en vue de créer les conditions propices à une alternance démocratique et donc de refuser une élection présidentielle en 2016 sans une réforme profonde du cadre constitutionnel.

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Rompre avec le système PDG-Clan Bongo par une refonte de notre Constitution
 
Par les voies démocratiques, ce qui implique : "pas d’élection en 2016 sans reforme du cadre constitutionnel. La réforme de la Commission Électorale Autonome et Permanence (CENAP) dans son organisation et dans son fonctionnement.
 
Le retour du scrutin à deux tours, la reformulation de l’article 48 de la loi 7/96 du 12 mars 1996 portant dispositions communes à toutes les élections. Voila un minimum de pré-requis pour qu’on puisse penser à une élection honnête.
 
En cas de refus du système : « la pression issue du peuple des forces pour le changement ». Par une « Révolution » pacifique, sous la forme de la non-violence. La « Révolution par la non-violence », est une réponse évangélique dans la lutte contre le despotisme.
 
Les divisions profondes qui apparaissent dans le camp de l’ordre actuel provoquent un isolement, un dé-crédibilisation des élites du système, et une fracture en leur sein. L’ordre existant est ressenti par une fraction de plus en plus large de la population comme désordre établi, ce qui favorise la nostalgie d’un ordre ancien idéalisé dont la majorité des Gabonais convainc aujourd’hui qu’il fut raisonnable et juste.
 
Parce que le cours de l’évolution sociale de notre peuple est aujourd’hui perçu comme tellement irrationnel que la restauration du règne de la raison n’apparaît plus devoir se réaliser qu’à travers une rupture ou un renversement du système actuel.
La stratégie anti-systémique en cette période de transition dans notre pays.
 
Les patriotes gabonais qui se battent pour un changement véritablement du système en place depuis un demi-siècle doivent s’organiser résolument en un mouvement dit « antisystémique ».
 
La stratégie de ce mouvement anti-systémique, pour le changement du système, en cette période de transition, devrait inclure quatre dimensions. Ce qui, certes, est plus facile à dire qu’à réaliser.
 
La première est le maintien d’un débat large, ouvert, sur la transition et les résultats que nous en attendons. Ce n’est pas là tâche facile. Et les mouvements historiques (dites révolutionnaires) n’y ont jamais excellé. Pourtant c’est urgent, essentiel. La situation dans notre contexte y est aujourd’hui plus favorable qu’elle n’a jamais été, et elle souligne le rôle des intellectuels dans cette conjoncture.
 
La deuxième dimension devrait aller de soi, pourtant tous ne se rangent pas à cette opinion. Un mouvement pour le changement ne doit pas négliger l’action défensive à court terme, y compris l’action électorale. Nos populations gabonaises vivent dans le présent, et il doit être pourvu à leur besoins immédiats.
 
Tout mouvement qui s’y soustrait est condamné à perdre le soutient large et massif indispensable à son succès à long terme. La raison et la justification d’une action défensive ne peuvent pas consister à porter remède à un système défaillant, mais davantage à faire en sorte que ses effets négatifs n’empirent pas à court terme. Ce qui, psychologiquement et politiquement, est très différent.
 
La troisième dimension doit être la création de buts intermédiaires de portée moyenne qui semblent aller dans la bonne direction. Je suggérerais que l’un des plus utiles (substantiellement, politiquement, psychologiquement) consisterait à s’efforcer de s’orienter vers une suppression des « valeurs marchandes », qui soit sélective mais en progression constante.
 
Nous sommes, aujourd’hui, assaillis de l’idéologie mercantiliste du tout marchand, c’est-à-dire de mise sur le marché de ce qui n’en a jamais fait l’objet dans notre société gabonaise : le corps humain, l’hôpital, l’école, la sécurité, et même la religion et bien d’autres domaines.
 
Non seulement nous devons y opposer, mais nous devons emprunter la direction inverse. Cela veut dire que nous devons préconiser la création des structures, opérationnelles sur le marché, dont les objectifs seraient le rendement et la survie, mais pas le profit capitaliste.
 
Cela peut s’accomplir : la performance, sur le plan historique, d’universités ou de système de santé –pas tous, mais les meilleurs – dans d’autres pays du monde, nous l’a appris. Pourquoi une telle logique ne pourrait-elle pas s’appliquer dans notre pays ?
 
Enfin, nous devons développer le sens profond de nos priorités à long terme, que j’estime être un monde relativement démocratique et égalitaire. J’utilise le mot « relativement », car il s’agit d’être réaliste. Subsisteront toujours des brèches, mais il n’y a pas de raison qu’elles soient béantes, ou enracinées, ou héréditaires. Est-ce là ce que l’on appelait dans le monde européen que nous avons connu autrefois le socialisme, ou encore le communisme ?
 
Peut-être, mais peut-être pas. Cela nous ramène à la question du débat. Nous devons cesser de présumer ce que sera la meilleure (et non pas la parfaite) société, par apport à la société éreintée que le système laissera, après plus d’un demi-siècle de très mauvaise gestion.
 
Nous devons en débattre, en dessiner les contours, faire l’expérience d’autres structures afin d’y parvenir. Et nous devons nous y atteler tout en nous attachant à l’accomplissement des trois premières dimensions de notre programme concernant la conquête politique que nous devons entreprendre en cette période de transition du système.
 
Et si ce programme est insuffisant, et probablement l’est-il, cela devrait être abordé dans le débat qui fait l’objet du point numéro un de ce même programme.
Mais, en tout état de cause, le groupe des patriotes doit se structurer autour de mouvements en quête d’un nouveau système qui vraiment nous conduirait à une société politique plus démocratique, plus égalitaire.
 
Et se mouvement ne saurait être que le mouvement résolument anti-systémique : Un mouvement en vue de la « Révolution » qui s’impose dans les temps présents.
Nous devons être prêts pour une révolution, mais attendons-nous à voir les forces du mal se ruer dans la rame si les démocrates humanistes s’obligent, eux, à rester sur le quai.
 
Qu’on ne s’étonne pas alors que les patriotes soient amenés à intervenir dans ce imbroglio politicien pour rétablir l’ordre républicain et protéger l’intérêt supérieure de la nation. Ors, le seul groupe de patriotes organisé restant l’armée, c’est alors que celle-ci se doit de prendre les choses en mains pour sauver la Patrie.
 
Ce qui a été réalisé avec l’armée en Guinée Conakry. Une intervention qui tout compte fait apparaît aujourd’hui salutaire pour ce pays. Ce fut particulièrement le cas avec la révolution portugaise faisant suite au coup d’État fomenté par des militaires progressistes le 25 avril 1974, qui a renversé une dictature vieille de quarante-huit ans.
 
"Pour créer les conditions d’appropriation d’un organisme nouveau, il faut faire table rase des structures passées. Il faut, en fin de compte, tout abolir pour pouvoir commencer à tout reconstruire". « Les situations bloquées ne progressent que par rupture. »
 
Ni alternance au sein du système, ce qui aboutit à un simplement ravalement de façade. Ni réforme, on ne peut pas réformer une dictature comme celle que connaît notre pays. Pour moi, j’ai toujours combattu non les hommes quel qu’ils soient, mais le système.
 
Ce qu’il faut, "c’est changer le système." Il est grand temps que des vrais patriotes se retrouvent pour s’engager dans le seul combat qui compte : la reprise en mains de notre destin qui passe par le remplacement du système-Bongo, et par une organisation de la société politique gabonaise sur la base de l’idéal démocratique pays, toutes tendances confondues, de s’investir avec courage et abnégation dans une véritable action de refondation, dans ce que je désigne par “ une révolution existentielle”.
 
Chacun de nous doit faire preuve aujourd’hui de courage et de volonté politiques réelles. Pour ce faire, il faut qu’ensemble nous parvenions à :reconnaître en toute honnêteté que le processus de démocratisation qui seul peut enclencher un développement viable et durable du pays est bloqué. Il a été vicié.
 
Pour cela, il faut remettre le pouvoir au peuple par la réhabilitation du mécanisme démocratique du vote. Ceci passe par un nouveau code électoral sur la base de 1 (un) homme : 1 (un) vote. Des élections transparentes et honnêtes dans lesquelles tous les candidats partent à égalité de moyens, où les moyens de l’Etat républicain de sont pas au service d’un candidat quel qu’il soit.
 
Engager un vaste mouvement d’éducation civique, en dehors de tout embrigadement partisan, pour conscientiser les citoyens gabonais sur l’enjeu des défis à venir, à la fin du système actuel.
 
Face à un peuple qui affiche de plus en plus son désir de changement et sa détermination de s’affranchir de l’héritage néocolonial incarné par le système actuel ; le moment est venu pour une politique basée sur l’idéale démocratique, dont le seul but est d’être au service du peuple, et non un fond de commerce pour s’enrichir en se servant de la fonction politique.
 
De la rencontre de ces deux ambitions fortes pourra naître un vrai changement du système politique porteur de paix et de prospérité véritables. Mais il y a, par-dessus tout, nécessité absolue de rompre totalement avec le passé, dans la perspective de gérer le pouvoir de façon plus démocratique, c’est-à-dire plus équitable et plus transparent. Pour ce faire, il faut une structure organisationnelle pour l’encadrement des actions avec le peuple.
 
Les révolutions sont des changements conscients au sein, des sociétés humaines. Elles deviennent telles qu’elles de plus en plus, au fur et à mesure que s’accroît le degré de conscience de la majorité des peuples du monde. L’acte de volonté de personnes, qui veulent la révolution, s’accompagne d’un acte de volonté dirigé sur elles-mêmes, car elles doivent également changer. Ainsi, l’avenir de l’homme est-il cette transformation de lui-même, réprimant consciemment ce qu’on appelle les « instincts » : l’avidité, l’égoïsme, l’inhumanité envers autrui.
 
Cette dimension morale, saisie et réalisée consciemment, accélère le processus révolutionnaire et est clé de l’avenir. Aussi toutes les révolutions dignes de ce nom, ne sont-elles pas seulement un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre, mais une suite d’immenses exercices en vue de se changer d’abord soi-même.
 
Cette révolution intérieure doit accompagner alors la révolution sociale, et l’élimination des habitudes, attitudes, idées et préjugés anciens négatifs est aussi essentielle que l’écroulement recherché des vieilles structures sociales. En fait, on ne peut réaliser l’un sans réaliser l’autre.
 
On a beaucoup plus tué au nom de Dieu, et on continue, que dans le sillage de la révolution cartésienne qui initia l’amorce de son décentrage. En dépit des préjugés, il en est de même dans l’ordre politique. On recense au moins autant de révolutions pacifiques que de conservatismes meurtriers.
 
Dans le monde occidental, puisque c’est de là-bas que nous viennent toutes les révolutions modernes, la révolution archétype de 1848 en France fut, elle-même très peu meurtrière, le remplacement, le 4 septembre 1870, d’un empereur autocrate par un aréopage de démocrates libéraux (décentrage et recentrage, recentrage révolutionnaire s’il en est) ne provoqua aucune effusion de sang, pas plus que le renversement de Jacques II en Angleterre que les Britanniques ont pourtant qualifié, eux-mêmes de grande révolution.
 
Ce n’est pas la forme ou l’apparence, mais le sens du processus qui constitue l’essence de la révolution. Ainsi, celle qui justement n’en eut nullement l’apparence, mais qui permit - renversement radical par excellence -, de remplacer au centre du système politique espagnol le dictateur Franco, par un gouvernement démocratique et responsable devant un parlement élu.
 
A cet égard, la révolution tchèque, dite de velours ou la révolution polonaise, négociée sans heurts, toutes deux organisées autour du parti centre, mirent plus radicalement à bas le communisme que la révolution roumaine ou albanaise apparemment beaucoup plus brutales.
 
En réalité, ce n’est pas la révolution qui porte en elle la violence, mais les contradictions que la révolution met à nu qu’elle doit résoudre et qu’elle résout le plus souvent de façon relativement pacifique.
 
En revanche, la contre-révolution et le révolutionnarisme qui lui sert de faire valoir tendent, effectivement, a exacerber les contradictions que la révolution a révélé jusqu’en faire jaillir la violence. Mais ces pulsions sont indépendants de la révolution elle-même, et peuvent s’exprimer avec la même violence aussi bien en son sein que hors d’elle.
 
Le but de notre combat ne doit pas être de vaincre ou d’humilier à notre tour qui que ce soit parmi ceux qui nous exploitent aujourd’hui. Notre but doit être de gagner la compréhension et le respect de notre dignité par quiconque. Il arrive parfois que les ennemis d’autrefois puissent faire les meilleurs amis.
 
C’est pourquoi nous réclamerons constamment dialogue et réconciliation. Nous n’avons à détruire personne dans le combat pour la démocratie et la libération de notre peuple des aliénations actuelles. Au contraire. Nous voulons seulement que les gens cessent de briser la vie de notre peuple et qu’ils cessent de détruire notre pays bien aimé. C’est simple.
 
Et en chrétiens, nous croyons fermement que la bonté et la compassion sont les meilleurs moyens de gagner la sympathie des autres. C’est une des raisons pour lesquelles nous devons engager ce que l’on peut appeler une révolution de l’esprit, une révolution existentielle. Nous devons tous, réaliser chacun en lui-même un changement, une révolution sur le plan spirituel, social et sur sa conception du politique.
 
Que ceux qui, auprès d’Omar Bongo Ondimba ont profité du pillage, du vol et de la spoliation des Gabonais, ne reviennent pas sur les lieux de leurs crimes jouer aux héros sauveurs des victimes des méfaits du système dont ils ont été longtemps des fidèles et zélés serviteurs, les conséquences de leurs crimes sont devenues si criardes.
 
Qu’on ne prenne pas les Gabonais pour des naïfs ignorant qu’une importante part de responsabilité de leur pauvreté incombe à ceux qui ont acheté des villas en occident pour des centaines de millions d’Euros, qui ont amassé des fortunes, avec l’argent devant servir au développement du Gabon, qui se sont approprié des domaines fonciers y compris des biens de l’Etat.
 
« En ces temps d’imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire » (Orwell). est-ce l’échec de l’opposition ? Et de quelle opposition en fait ?
Je n’aime pas le mot « échec ». Pour moi, il s’agit d’une démarche, d’une stratégie qui peut et doit, mener à la réussite. Ça n’a pas marché jusqu’ici ! Changeons notre manière de faire, changeons de stratégie : si nous allions à droite, allons à gauche, ou allons tout droit, creusons un tunnel.
 
Nous ne disons pas qu’il n’y aura plus d’obstacles parfois encore insurmontables. Mais je crois que les expériences que nous avons vécue depuis 1990, , il y’en a eut beaucoup, ont déblayé le champ de bataille. Avant d’entreprendre de nouvelles actions, réfléchissons. Dans évangile des chrétiens il est dit : Si un adversaire vient vers toi avec 10.000 hommes, assieds-toi et fais le point.
 
As-tu assez d’hommes pour l’empêcher de te faire du mal ? Sinon, essaie de faire la trêve avec lui. Réfléchissons et organisons-nous pour le changement du régime PDG/Bongo, et non pour l’alternance des héritiers à la tête de l’Etat.
 
Fait à Libreville le 04 février 2015.
Dr Economiste opposant Gabonais
Martin Edzodzomo-Ela

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