Crise post-électorale

Le dialogue politique de la compromission et de tous les dangers au Gabon

Le dialogue politique de la compromission et de tous les dangers au Gabon
Le dialogue politique de la compromission et de tous les dangers au Gabon © 2016 D.R./Info241

Dans un texte parvenu à notre rédaction, le citoyen gabonais Germain Ndouna pointe son curseur sur le dialogue politique prônée actuellement au Gabon qui ne sert en définitive qu’à « pérenniser le pouvoir Bongo-PDG » en désamorçant autant que possible « la bombe à retardement de l’insurrection populaire » qui guette le régime à chaque hold-up électoral. Analyse.

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Il y a quelque chose de déroutant dans le manque de persévérance, l’absence de convictions et la nature prévisible de certaines personnalités politiques du Gabon.

Lorsqu’on songe que cette race de politiciens a été représentative de l’élite politique de ce pays, on comprend mieux comment les Bongos ont pu régner un demi siècle sur un peuple qui leur est pourtant largement hostile.

Il n’est point besoin d’être diplômé de Harvard pour parvenir au constat que les dialogues organisés au Gabon, y compris la conférence nationale de 1990 qui est le plus inclusif et le plus abouti de tous, n’ont pas permis l’alternance que le peuple gabonais appelle de tous ses vœux.

Même parés des atours d’un consensus de la classe politique, les dialogues ont plutôt permis de pérenniser le pouvoir Bongo-PDG puisqu’ils ont servi à désamorcer la bombe à retardement de l’insurrection populaire et conféré à celui-ci une légitimité (même factice) que le peuple lui refuse dans les urnes.

Ils n’ont été qu’un marché des dupes consistant pour le pouvoir à lâcher opportunément du lest et à accorder quelques maigres concessions sur le papier puis, subrepticement, à revenir progressivement sur ce que l’on croyait acquis pour ensuite reprendre la haute main sur tous les rouages de l’appareil étatique et finalement à verrouiller les portes de l’alternance démocratique.

Les cas de naïveté primale mis à part, tout le monde s’accordera sur le fait que le dialogue est aussi l’autre nom de la carotte que l’on tend d’une main à ses adversaires pour les attirer dans ses mailles en attendant le bon moment pour leur asséner le bâton que l’on tient de l’autre main.

Toutefois, à la différence des précédents dialogues, celui-ci entrera dans les annales des curiosités politiques et des occasions manquées comme le plus surprenant de par l’empressement de membres du camp qui a largement et notoirement emporté l’élection présidentielle à y répondre favorablement alors même que le rapport des forces ne leur est pas défavorable (loin s’en faut), par la nature (pourtant connue de tous) de celui qui l’appelle après en avoir catégoriquement rejeté l’idée et enfin par le contexte où ce dialogue est supposé se tenir.

Qu’est-ce qui peut motiver des hommes et des femmes de conviction à saisir la « main tendue » d’un chef de l’Etat dont la planète entière sait qu’il a opéré un braquage électoral à main armée et sur qui l’étau du peuple n’est pas près de se desserrer ni la pression de la communauté internationale se relâcher ?

Nul n’ignore que le Gabon est au bord de la banqueroute et qu’il ne pourra pas faire face à tous ses engagements aussi bien domestiques qu’extérieurs. Il est d’ailleurs fort à parier que les législatives n’auront pas lieu à l’échéance constitutionnelle. De même, l’organisation de la CAN est hypothéquée à la fois par le manque d’argent dans les caisses de l’Etat et par le refus de la population gabonaise qui verrait son maintien comme de la provocation.

Or, sans des gages d’un retour à la sérénité à brève échéance dans le pays, aucun partenaire économique et financier potentiel ou traditionnel ne pourra venir en aide à un régime aussi manifestement illégitime. On peut, au surplus, redouter que le tissu économique et industriel mis en lambeaux pendant les sept ans d’"émergence" ne s’effiloche d’avantage par le départ d’investisseurs majeurs déjà gagnés par le pessimisme.

A cela s’ajoute le fait qu’Ali Bongo est actuellement le chef de l’Etat le plus isolé (et probablement le plus ridicule) de la planète sur qui pend toujours la menace de sanctions de la part de l’Union européenne et d’une comparution devant la CPI.

Après le flop du fameux « gouvernement de large ouverture », dont les médias internationaux se gaussent encore, le dialogue serait pour Ali Bongo le lot de consolation qui le ramènerait de l’enfer au purgatoire, étant entendu que le Gabon ne sera plus jamais un paradis paisible pour lui et pour sa légion de profitosituationnistes nationaux et étrangers.

S’il a effectivement lieu (ce qui n’est pas acquis), le dialogue à la mode d’Ali Bongo se tiendra en dépit du peuple et donc contre lui, lorsqu’on songe que les Gabonais n’ont pas encore digéré qu’on ait bafoué leur volonté de façon aussi grotesque et qu’ils peinent à faire le deuil des personnes exécutées sans motif valable et à panser les plaies dans leur chair et dans leur âme.

On peut légitimement s’interroger sur l’intérêt pour des hommes politiques soucieux de l’avenir du Gabon en tant que république et en tant que pays démocratique et prospère à vouloir sauver un régime damné et condamné à disparaître en fermant les yeux sur les actes barbares qu’il vient de commettre sur les populations et sur sept années de gestion calamiteuse et de gabegie.

On se rassurera néanmoins en se rappelant que ceux qui sont favorables à ce dialogue auquel l’intérêt national sera évidemment absent le sont avant tout pour leurs avantages personnels.

Pourvu que ces avantages monnayés avec l’ennemi numéro un du peuple gabonais ou escomptés de ce dialogue soient plus importants que le risque d’être mis à l’index par ce peuple dont personne ne peut dire jusqu’où il est prêt à aller pour faire respecter sa volonté. Rien n’est moins sûr.

D’abord, les principaux protagonistes que le dialogue vise au premier chef, à savoir, d’une part Jean Ping et les hommes de poids qui l’entourent et, d’autre part le peuple souverain lui-même, n’en veulent pas et ne seront donc pas parties prenantes. Ce qui vide ce dialogue de son intérêt et de sa portée.

Ensuite, parce que tout Gabonais lucide ne peut faire confiance à un homme qui, toute sa vie durant, s’est illustré par un autisme face aux récriminations de ses concitoyens, une obstination sans bornes dans l’erreur, un mépris souverain pour ses subalternes, une brutalité inhumaine et surtout par une rancune tenace.

Par conséquent, aller à un dialogue (qui n’en sera pas un) avec Ali Bongo, de surcroît en l’état actuel des choses, non seulement n’aboutira à rien de probant ni pour le Gabon ni pour le pouvoir émergent lui-même mais encore reviendra pour les imprudents assoiffés de pouvoir et mus par l’appât du gain à se jeter dans la gueule du loup. Qui plus est, un loup blessé et humilié.

A moins que la vérité ne se trouve dans ce proverbe ivoirien qui dit que « cabri mort n’a pas peur du couteau ».

@info241.com
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