Peinture

La peinture de Georges M’Bourou ou l’expression de la beauté gabonaise

La peinture de Georges M’Bourou ou l’expression de la beauté gabonaise
La peinture de Georges M’Bourou ou l’expression de la beauté gabonaise © 2018 D.R./Info241

Peu connu, du moins pas assez ou pas à la hauteur de son talent, Georges M’Bourou, peintre et plasticien gabonais contemporain offre aujourd’hui une plus grande visibilité à son œuvre depuis le lancement de sa galerie Efaro (Beauté et élégance en langue Omyénè du Gabon) niché en plein cœur du centre de Libreville. Info241 vous plonge dans l’univers de cet artiste hors pair.

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Fruit d’un projet de longue haleine, la galerie Efaro se situe dans le prolongement de son atelier, les Jardins de la création. Elle va aussi au-delà, car l’espace de la galerie se veut surtout un lieu d’animation et de vie culturelle. S’y produisent depuis son ouverture en juin 2017, outre les expositions des tableaux, des ateliers de danses, des conférences littéraires et des prestations musicales originales.

Parcours et itinéraire

Depuis près d’une vingtaine d’années, Georges Mbourou est l’une des figures les plus importantes de la peinture gabonaise contemporaine. Né en 1965 à Port-Gentil dans la province de l’Ogooué-Maritime, Georges Mourou est un produit de l’Ecole Nationale d’Arts et de Manufactures (ENAM). Avant de lancer son atelier, il fut l’élève du maître Marcellin Minkoe Mi Nze auprès de qui il perfectionna sa technique chromatique. Après plusieurs participations Georges M’Bourou fut vainqueur du prix spécial du Jury-Concours BICIG Amis des Arts et des Cultures.

Galerie Efaro à Libreville où l’on peut contempler les œuvres de l’artiste peintre

Ce couronnement vint marquer la maturité du peintre et graphiste gabonais qui, en 2002, fut de nouveau sacré lors de la 7ème Biennale du CICIBA à Brazzaville. Ces différents prix l’ont conduit à représenter le Gabon et l’Afrique au Japon lors de l’exposition universelle de 2005.Son talent reconnu, il est invité à d’autres expositions, dont une à Washington en 2011. Au Gabon, sa dernière exposition eût lieu à l’hôtel Ré-Ndama en 2015. Comme on le voit, certes Georges M’Bourou n’a pas fait la Biennale de Venise, ce n’est pas une star de la Biennale de Dakar (le Dak’art) et il n’a pas non plus fait l’objet d’une vente record sur le marché international de l’art.

Et sachant aussi qu’en Afrique et singulièrement en Afrique centrale, le Gabon n’est pas considéré comme une terre de peinture. Le Congo (RDC) et le Cameroun sont davantage cités dans les médias en matière de peinture. Le Gabon est plutôt connu pour ses œuvres ancestrales classiques (masques, statuettes, reliquaires etc.). Cependant, à l’ombre de toute cette visibilité internationale, Georges M’Bourou est parvenu à bâtir une œuvre dense, riche et surtout inspirée de l’art classique gabonais.

L’art comme dialogue symbolique avec les Dieux

S’il fallait caractériser l’œuvre de Georges M’Bourou, nous dirions qu’il puise essentiellement dans la diversité des traditions de son pays. Georges M’Bourou se présente volontiers comme un héritier. Il se veut l’héritier des rites et traditions initiatiques du Gabon, notamment du Bwiti, un des rites les plus répandus dans le pays. Il est également l’héritier de l’école gabonaise de peinture. Avant lui, de nombreux peintres gabonais se sont employés à faire figurer la tradition et les croyances locales sur leurs œuvres.

Toile "Croyances et Tradition"

Le plus cité reste est maître Minkoe Mi Nze. De fait, on classe généralement la peinture de Georges M’Bourou dans la catégorie art figuratif » et « symbolique » ou « abstrait ». S’il est vrai que les masques et les reliquaires figurent sur les tableaux chez ses prédécesseurs, Georges M’Bourou explore une nouvelle poésie de la tradition tout en gardant tout l’ésotérisme du symbolisme initiatique des rites gabonais. On découvre en permanence dans l’œuvre de M’Bourou la quête et le voyage initiatique. Dans les œuvres ci-dessous qui datent des années 1990 et 2000, on perçoit l’évolution d’une technique picturale. Progressivement on voit le peintre s’éloigner du figuratif vers une peinture plus abstraite avec des lignes plus épurées et un éblouissement des couleurs.

La créativité de Georges M’Bourou s’exprime et réside davantage dans son travail des formes. M’Bourou sculpte ses formes par un jeu de couleurs comme on peut le voir sur une sculpture ancestrale avec des patines suintantes. On peut le voir sur une très partie des tableaux de M’Bourou, des gouttes qui dégoulinent, la peinture qui coule. De ce fait, tout le langage de la peinture de M’Bourou se construit dans un va-et-vient permanent entre la peinture abstraite et la sculpture suintante que l’on retrouve par exemple sur les têtes de reliquaires Byeri chez les Fang.

"En route pour le rituel"

Ce langage pictural procède également de l’invocation. Pour Georges M’Bourou, la peinture se conçoit comme prière aux Dieux, aux génies et aux ancêtres. La prière dans les rites initiatiques du Gabon est avant tout un voyage, une traversée du feu, de l’eau et de la forêt. Il est toujours question de ce rapport de l’homme avec les Dieux et avec l’eau, le feu et la forêt dans chaque tableau. L’eau semble représenter l’élément central de l’invocation des Dieux. Au cœur de ce langage se trouve la femme. Toutes les fois que des humains apparaissent sur ses toiles, les hommes n’y figurent jamais. C’est toujours des femmes. La femme est donc par conséquent l’intermédiaire idéal entre le monde des vivants et celui des ancêtres ou des Dieux.

La femme, la nature et l’harmonie divine

Outre ce statut d’intermédiaire, la peinture de Georges M’Bourou nous aide à comprendre que la femme n’est non seulement un personnage central des rites : elle est la matrice de la vie. Dans ce sens, elle peut aussi se faire génie ou divinité. Ce n’est donc pas un hasard si elle est à l’origine et la source de tous les rites et de toutes initiations dans les traditions gabonaises. Ce caractère divin de la femme repose en grande partie sur sa capacité à donner la vie.

"Femme-a-la-rivière"

Mais pas que. Chez Georges M’Bourou, cela repose davantage sur l’idée que la femme est le symbole de l’harmonie. Dès lors, on ne peut pas comprendre l’écriture et la poésie de la peinture de Georges M’Bourou si l’on ne met pas relation les rites, les femmes et les Dieux avec une philosophie générale de la vie et une conception du monde. Chez Georges M’Bourou la peinture est une relation avec la nature. De façon prodigieuse, M’Bourou invite à regarder la nature sous l’angle de la lumière et de la couleur. Il s’agit donc de capturer la nature pour en découvrir l’harmonie.

Il ne s’agit pas chez M’Bourou d’une simple écologie à la mode occidentale. Georges M’Bourou examine la nature comme un miroir de l’âme. La nature apparait en apparence fragmentée et désordonnée aux non-initiés, aux profanes alors que pour les peintres, les poètes et les initiés elle représente l’harmonie parfaite. Cette harmonie s’exprime à travers la quête de lumière verte en quelque sorte.

"Femme dans le vent"

En somme, dans cette démarche narrative originale sur le continent africain, tout le travail de Georges M’Bourou consiste à réactualiser et à se réapproprier la tradition, non pas par nostalgie, dans un élan de célébration idyllique du passé. Il s’agit au contraire pour M’Bourou de connaître et de questionner le passé afin de mieux projeter les traditions dans le futur. Autrement dit, il est davantage question ici de présent et de futur que de passé. L’héritage traditionnel est par conséquent revendiqué comme source d’inspiration et non comme une prison identitaire.

A travers sa peinture Georges M’Bourou célèbre la vie. Cela implique pour lui une connexion avec les ancêtres et les Dieux, une harmonie qui respecte la femme et la nature mais surtout et avant tout une connaissance des couleurs et des lumières.

Par Evivi Nguema

Pour en savoir plus :

  • Robert Orango Berre : Arts premiers du Gabon : sculptures célèbres, Libreville, Editions Raponda-Walker, 2002
  • Christiane Falgayrettes, Gabon : présence des esprits, Paris, Musée Dapper, 2007.
  • Adrien P Adyayéno, « Peinture gabonaise et modernité », Africultures, n°36, mars 2001, p.29.
  • Charles Philippe Assembe Ela, « Georges Mbourou : un pli dans la peinture gabonaise » : http://bantoozone.org/georges-mbourou/

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