Monnaie coloniale

Avenir du Franc CFA : Et si l’Afrique réclamait ses nombreux milliards sommeillant au Trésor public français ?

Avenir du Franc CFA : Et si l’Afrique réclamait ses nombreux milliards sommeillant au Trésor public français ?
Avenir du Franc CFA : Et si l’Afrique réclamait ses nombreux milliards sommeillant au Trésor public français ? © 2017 D.R./Info241

La récente controverse sur l’avenir du franc CFA, hérité de la colonisation française en Afrique, n’a pas laissé insensible l’économiste Amadou Sy. Dans cette analyse parvenue à Info241, l’auteur qui démontre la caducité de cet accord monétaire post-colonial, indique que : « Il est grand temps que l’Afrique réclame ses milliards de dollars auprès du Trésor public français afin de financer son économie ». Car comme le rappelle t-il, le nouveau président français a ouvert la brèche en renvoyant l’initiative aux décideurs Africains. Décryptage.

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Le débat sur le franc CFA taraude plus d’un sur le continent africain. Si certains sollicitent de revoir le contrat avec la France, d’autres revendiquent tout simplement d’oblitérer cette monnaie à l’échelle africaine. Dans ce contexte de vicissitude grandissante, le président français Emmanuel Macron s’est exprimé sur le sujet en disant ceci : “…Si on se sent pas heureux dans la zone franc, on la quitte et on crée sa propre monnaie comme l’on fait la Mauritanie et le Madagascar…”, ce dernier a donc été clair, ce qui devrait être suffisant pour éveiller les consciences de nos chefs d’Etat, du moins qu’ils aient le courage de réclamer les quelques milliards de dollars de devises qui sommeillent au niveau du Trésor public français.

En 1945, la zone franc a été créée. La France a signé un accord monétaire avec certains pays africains en l’occurrence ses anciennes colonies françaises. Cet accord portait sur la couverture pour environ 20% de l’émission monétaire des pays africains utilisant le franc CFA. Concrètement, les pays Africains déposaient 100% de leurs richesses auprès du Trésor Public français en 1945, puis 50% dans les années 1990.

De nos jours, grâce aux richesses cumulées au sein du Trésor public français, les pays africains peuvent assurer aisément leur émission monétaire sans l’intervention de la France pour assurer la parité entre le franc CFA et l’Euro. Mais, il se pose avant tout le problème du fameux compte d’opération. Car faut-il le rappeler, les banques centrales sont tenues de verser pour le compte du Trésor public français la moitié de leurs avoirs extérieurs.

Autrement dit, les devises cumulées par les Etats africains financent l’Etat français en contrepartie de son gage. Une fois la monnaie scripturale entre les mains du Trésor français, personne n’est dubitatif sur le fait que cette transaction se retranscrira en financement des grands enjeux français tels que l’éducation, la santé, la sécurité, entre autres. Il ne saurait en être autrement, puisque en acquiesçant l’accord asymétrique régissant le franc CFA, les pays africains ont indirectement abdiqué en prêtant au Trésor public français la moitié de leurs avoirs extérieurs contre une rémunération dérisoire.

A titre d’exemple, la BEAC (Banque des Etats d’Afrique Centrale) a perçu en 2015 environ 21,2 milliards de francs CFA d’intérêts en provenance du Trésor public français contre près de 3 281 milliards déposés dans le fameux compte d’opération pour un taux de rendement moyen à 0,6%.

Le constat est donc sidérant, ce qui devrait pousser à éveiller la conscience du citoyen lambda. Il est grand temps que l’Afrique réclame ses milliards de dollars auprès du Trésor public français afin de financer son économie. Une fois en possession de ces fonds, nous pourront à mieux d’anticiper efficacement l’équilibre entre la politique économique et la politique monétaire. Puisque, il convient de rappeler qu’une grande majorité des pays africains sont dans une économie de marché, à l’instar du prix des biens de consommation de première nécessité.

Dans ce contexte, l’offre et la demande fixent le cours de la monnaie. Ainsi, un pays compétitif sur le plan économique aura tendance à exporter davantage et donc à générer des rentrées significatives de devises. Par conséquent, plus le pays est compétitif et plus la demande d’échange desdites devises en monnaie locale augmente. Il s’ensuit que le cours de la monnaie locale s’apprécie.

A contrario, l’effet inverse se produit pour une économie avec un piètre niveau de compétitivité, permettant ainsi une dépréciation de la monnaie locale. Cette configuration de baisser la parité permet de booster les exportations. Par exemple, nous observons depuis quelques années une chute continue du cours du pétrole à l’échèle mondiale et particulièrement en Afrique.

Cette dégradation est nuisible à l’économie de certains pays comme le Congo, le Tchad ou encore le Gabon. En effet, ces pays ont une structure économique déséquilibrée où un seul secteur tire la croissance notamment le pétrole. Le Franc CFA étant arrimé à l’euro avec une parité fixe, ces pays ne pourront donc pas procéder à une dévaluation de ce dernier pour relancer leurs exportations. A contrario, certains pays comme le Nigeria ou le Ghana pourront jouer sur leurs monnaies à moyen terme afin de doper leurs exportations.

Cependant, pour récupérer les milliards de dollars auprès du Trésor public français, les Etats concernés doivent s’unir et à l’unanimité pour faire valoir leur droit. Pour commencer, ils pourraient demander le transfert de 10% de leurs réserves internationales immédiatement sur le compte d’un Fonds Monétaire crée par la communauté économique africaine au niveau régional.

Le Président de la République française a ouvert la possibilité de reformes en renvoyant l’initiative aux décideurs africains. A nous d’agir, de nous organiser et d’emprunter une ferme volonté politique pour réclamer au moins nos devises afin de mieux financer notre économie.

Outre les décideurs politiques, les acteurs de la société civile et la presse doivent s’impliquer davantage pour animer le débat sur la monnaie et le financement de l’économie. Il faut susciter le débat pour soutenir les investissements publics par l’utilisation des réserves de change, plus de débats économiques pour privilégier la création de richesse et non la lutte contre l’inflation, plus de suivi des programmes des candidats mettant la problématique monétaire au cœur de leur stratégie et du développement du continent.

— Amadou SY est consultant en diagnostic économique et financier auprès des comités d’entreprise et comité de groupe Européen

@info241.com
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