Portrait

Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé, de fier serviteur du régime Bongo à vaillant opposant

Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé, de fier serviteur du régime Bongo à vaillant opposant
Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé, de fier serviteur du régime Bongo à vaillant opposant © 2021 D.R./Info241

Nombreux sont les hommes de principe à travers le monde qui ont su servir leurs différents pays au gré des turbulences et des changements politiques qui ont rythmé l’ensemble de leur existence. Charismatiques et très souvent discrets, ces « éminences grises  » ont été les témoins privilégiés de profondes restructurations constitutionnelles au sein de leurs terres natales.

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L’histoire politique des Républiques occidentales a été, à bien des égards, marquée au fer rouge par une évolution structurelle et juridique étatique entraînant une vague de démocratisation au grand dam des systèmes empiriques synonyme de monarchisation du pouvoir. Au fil des siècles, les régions africaines qui n’étaient point soumises à des régimes politiques des pays dit du « Nord » ont migré vers des systèmes organisationnels de type « coloniale », aux forceps des occupants « blancs » qui s’y installèrent illégalement.

Dans la zone centrale de l’Afrique, un pays du nom de « Gabon » en est la parfaite illustration. D’organisation sociétale traditionnelle et indigène, ce pays fut envahi par l’empire français qui en façonna la régulation politique actuelle par le biais de son exécrable campagne de colonisation. Quand ledit pays devint indépendant, il structura son mode de fonctionnement à l’image de la France. D’autocratie à pluralité politique, des hommes et des femmes gabonais et gabonaises connurent et entretinrent ces régimes politiques. De serviteur de régime monopartite, Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé décida de se ranger du côté du peuple et de combattre l’oppression qu’il avait jusque-là alimenté. Voici son histoire.

 Au commencement…

Aussi définie comme le début et la fin d’une vie, l’existence de Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé a pour point de départ la date du 28 février 1938 synonyme de sa venue au monde. C’est à Libreville, chef-lieu de la province de l’Estuaire et capitale du Gabon, que celui qui était affectueusement appelé « Jabo » ouvre les yeux pour la première fois lui dont les parents étaient « Oroungou/Orungu », communauté ethnique principalement établie dans la province de l’Ogooué-Maritime.

 Cursus

Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé dit « Jabo » débuta ses études primaires et secondaires au Gabon notamment dans les villes de Port-Gentil et de Libreville. Puis, il continue son secondaire au sein de la capitale de l’Afrique équatoriale française (AEF) précisément dans la ville de Brazzaville. Envoyé en France pour décrocher son baccalauréat et pour y poursuivre ses études par la suite, le jeune Jules-Aristide s’installe à Bordeaux. Inscrit à l’académie de ladite ville, il y termine son apprentissage une fois son baccalauréat en poche.

Brillant et effacé, il est auréolé d’un doctorat d’Etat en droit, option histoire du droit et des institutions, au terme de ses études universitaires. Il faut dire que le jeune Ogouliguendé s’était très jeune énamouré de l’univers judiciaire et en voulait avidement cerner les contours. Il s’était donc intéressé à l’étude du droit. Mais une fois son doctorat de droit en sa possession, il entama des formations en magistrature d’ordre judiciaire. D’abord, il fut diplômé suite à ses études supérieures en sciences criminelles. Ensuite, il reçut un autre diplôme obtenu à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) en France.

 Parcours professionnel

Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé rentre définitivement au Gabon au courant des années 1960. En 1968, « Jabo » commence peu à peu son apprentissage au sein de la magistrature gabonaise. Il y obtient d’abord un stage au palais de justice de Libreville et y travaille en qualité de substitut stagiaire du procureur de la République près le tribunal de Libreville. Il y passe près de deux ans. En 1970, Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé est nommé conseiller juridique au ministère de la Justice. Puis, il devient ainsi le vice-président de la chambre judiciaire de Libreville avant d’y devenir le président.

C’est durant ces années qu’il rejoint le camp du seul parti politique gabonais, le sulfureux Parti démocratique gabonais (PDG). Nous sommes en pleine autocratie et le multipartisme a été interdit par les autorités en tête desquelles le jeune et nouveau chef de l’Etat Albert-Bernard Bongo qui succéda au feu président Léon Mba, mort en 1967. Plus tard, « Jabo » dispensera aussi des cours de droit à l’Université Omar Bongo (UOB) anciennement dénommée Université nationale du Gabon (UNG).

 Carrière politique

Devenu un collaborateur important et privilégié du président Bongo, Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé est propulsé membre du gouvernement en 1976 et se voit confier le poste de ministre de la Fonction Publique et de la Réforme administrative. En 1977, Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé met en place une ordonnance relative aux droits de l’enfant devenue culte en matière de droit familial et civil notamment l’ordonnance n°1/77/PR du 2 février 1977 sur le code de procédure civile.

Deux années passent et « Jabo » devient une personnalité politique de haut vol. Il lui est confié en plus du ministère précité celui de la Justice, garde des Sceaux. Au début des années 1980 soit en 1981, Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé devient ministre d’Etat, ministre du travail et de l’Emploi. Cette nomination gouvernementale est en fait une promotion politique de la part du « distingué-camarade-président » qui est à fortiori satisfait des services et de l’attitude servile de « Jabo ».

En 1983, Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé obtient une nouvelle promotion nominative au sein de l’équipe gouvernementale. Il bénéficié du portefeuille ministériel de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique, de l’environnement et de la protection de la nature en tant que ministre d’Etat. Il devint inamovible dans cette fonction jusqu’en 1990. Peu après la conférence nationale de 1990 donnant lieu au retour du multipartisme et de la démocratie politique, Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé est nommé en octobre de la même année ministre d’Etat, du commerce, de la consommation et de l’agriculture.

Sa victoire à l’élection législative de 1990 dans la ville de Port-Gentil réputée frondeuse et acquise à l’opposition surprend sa formation politique mais son mentor, le président Bongo, décide à sa manière de le congratuler. Après cette échéance électorale, « Jabo » accède, via la volonté de celui devenu El Hadj Omar Bongo, à la présidence de l’assemblée nationale le 20 novembre 1990.

 Changement de cap politique

Lorsque Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé devient président de la chambre basse du parlement gabonais, celui-ci fait preuve de bon sens et décide d’être au service du peuple. Des débats réguliers y sont menés et plusieurs auditions de responsables politiques rythment les journées de travail des députés. Cette position de « Jabo » déplaît fortement aux membres de son parti, le président Bongo est tout aussi remonté. D’autant plus que « Jabo » soutient le plus souvent l’opposition présente dans l’hémicycle dans le vote de certaines lois qu’elle tient à faire appliquer allant dans le sens de la volonté du peuple.

Cette prise de position crée des tensions au sein du PDG qui n’approuve pas ses agissements. Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé déclare alors le divorce entre lui et le PDG. En janvier 1993, il acte d’une manière fracassante sa rupture avec son parti d’antan en démissionnant de son poste de président de l’Assemblée nationale. Il décide alors de venir grossir les rangs de l’opposition en créant sa formation politique du nom de Congrès pour la démocratie et la justice (CDJ).

La même année a lieu l’élection présidentielle et Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé décide de se présenter au sein de la Convention des forces du changement pour briguer la magistrature suprême. Il termine 5ème du scrutin avec 3,38% des suffrages exprimés. Trois ans plus tard, il remporte les élections législatives dans la circonscription de Port-Gentil. En 2009, le président Bongo décède et une élection présidentielle anticipée est convoquée : « Jabo » brigue une seconde fois le fauteuil présidentiel sous la houlette de son parti le CDJ.

Il récoltera moins de 3,5% des suffrages. Durant la présidentielle de 2016, Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé rejoint la Coalition pour la nouvelle république (CNR) qui est représenté par un candidat unique de l’opposition en la personne de Jean Ping Okoka, ancien membre du régime Bongo devenu opposant. Des tensions éclatent après le scrutin et la situation s’enlise après le bombardement du quartier général de Jean Ping. Lassé de toutes ces tumultes, « Jabo » décide de disparaître de la sphère politique.

 Derniers faits d’arme politiques

En 2014, des membres de l’opposition gabonaise réunis autour d’un mouvement politique nommé « Front uni pour l’alternance » et qui enregistrent en son sein des cadors politiques telles que Casimir Oyé Mba, Luc Bengone Nsi ou encore Jean Eyéghé Ndong se rendent au tribunal de Libreville pour porter plainte contre Ali Bongo Ondimba, fils contesté de feu le président Omar Bongo Ondimba et successeur mitigé de son père.

En effet, au pouvoir depuis 2009, la filiation d’Ali Bongo est remise en cause car les révélations d’un journaliste français d’investigation, Pierre Péan pour ne pas le citer, fait état dans une de ses œuvres de l’origine biaffraise du fils de Bongo, ce qui constitue une violation flagrante de la constitution et une usurpation du pouvoir par un individu censé ne pas être candidat dans une élection gabonaise de n’importe quel ordre.

Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé n’approuva pas cette démarche et appela de tous ses vœux à porter plainte contre Pierre Péan pour diffamation qu’il qualifiait selon ses dires de « l’auteur de ces accusations qui menacent de déstabiliser le Gabon ». Ces propos furent réfutés par l’opposition et celle-ci accusa Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé de pactiser secrètement avec le camp de la majorité présidentielle. En 2018 quelques jours avant sa disparition, il avait organisé une sortie publique avec un comité de sages pour exhorter Ali Bongo à reporter les élections législatives prévues pour la fin de la même année, sous fond d’appel au dialogue, à la paix et à la réunification.

 Disparition et hommage

C’est au cours de sa 80ème année de vie sur terre que l’existence de Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé prend fin. Il s’est éteint dans un établissement sanitaire privé de Libreville notamment la polyclinique « Chambrier ». Malade, il y fut admis pour subir une opération d’une occlusion intestinale prévue pour le dimanche 25 mars 2018. Après cette intervention chirurgicale, « Jabo » ne se réveillera plus s’où la déclaration de son décès. Une pluie d’hommages furent rendus à Jules-Aristide Bourdes Ogouliguendé de la part des acteurs politiques gabonais, tous bords confondus. Une cérémonie officielle d’adieu fut organisée au sein de l’assemblée nationale, institution dans laquelle il occupa le poste de président.

Les personnalités présentes s’inclinèrent une dernière fois devant la dépouille de l’emblématique disparu. Le président du parlement, Richard Auguste Onouviet, le décora à titre posthume de la médaille d’or de l’assemblée nationale en présence d’anciens présidents du parlement à l’instar de Guy-Nzouba Ndama ou encore de Marcel Eloi Rahandi Chambrier. Sa dépouille fut ensuite exposée au siège du parti dont il était encore le président le CDJ avant d’être à nouveau disposée dans sa résidence principale sise à Port-Gentil. Son inhumation eut lieu à Ogouélo, le village Marigovéen de ses ancêtres.

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