Portrait

Louis-Emile Bigmann-Indjono, premier journaliste gabonais et homme d’état

Louis-Emile Bigmann-Indjono, premier journaliste gabonais et homme d’état
Louis-Emile Bigmann-Indjono, premier journaliste gabonais et homme d’état © 2020 D.R./Info241

Parmi les premiers lettrés gabonais, Louis-Emile Bigmann-Indjono (1897-1986) était passablement connu. Il fut un homme au service de sa patrie d’adoption qu’est la France mais surtout de sa terre natale, son tendre et cher Gabon.

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Naissance et parcours scolaire

Louis-Emile Bigmann-Indjono est né le 18 octobre 1897 dans le village de Baraka situé dans le quatrième arrondissement de Libreville. Il entame ses études primaires au Presbytrian Church Baraka Station où il retrouve son cousin Charles Ntchorèré. Il obtient son certificat d’études primaires élémentaires en 1913 à l’école catholique Saint-Pierre. Il entre ensuite à l’école Monfort de Libreville, fondée et dirigée par les frères de St Gabriel.

Engagement militaire et aspirations militantes

En 1915, il s’engage pour combattre au nom de la France dont il obtient la citoyenneté après avoir reçu plusieurs distinctions au cours des combats de la Seconde Guerre Mondiale qui s’achève en 1918. Faisant partie de la génération de jeunes intellectuels de l’époque, il a soif de liberté et de dignité et aspire à une autre condition humaine pour le Gabon et les gabonais que celle de colonie et d’asservis.

Réuni en association telle que la section gabonaise des droits de l’homme et du citoyen, il milite avec Jean-Baptiste Ndendé, Martin Tambani, Paul Ndingo, Ntutume Ossame et Léon Mba. Publiciste et éditeur avec son cousin germain Laurent Cyr Justinien Antchouey, ils fondent et animent le journal “L’écho gabonais“ sous-titré Organe d’union et de défense des intérêts généraux de l’Afrique équatoriale française (A.E.F) qui deviendra par la suite “La voix coloniale“. C’est le premier journal gabonais. En 1928, alors qu’il s’était exilé à Nice, Laurent Cyr Justinien Antchouey fait escale à Libreville et meurt par noyade dans la Nomba. Louis-Emile Bigmann-Indjono va être très affecté par cette disparition et gardera des années durant des exemplaires de ce journal.

Représailles françaises, vie syndicale et professionnelle à Dakar

A la suite de la création de cette publication périodique, Louis-Emile Bigmann-Indjono subira d’énormes pressions des autorités coloniales françaises qui lui donneront l’injonction de rentrer dans l’hexagone auprès de sa mère patrie. Après une absence forcée de cinq ans, il revient en 1932 non pas sur sa terre natale mais au Sénégal en tant qu’employé de la société des chargeurs réunis, en dépit de ses antécédents.

Il y travaille jusqu’à la veille de la Seconde Guerre Mondiale en 1939. Au cours de cette période, il s’engage dans l’action syndicale qui donne du fil à retordre à l’administration locale. Il ne connaîtra point de ce repos à ces moments quant aux pressions subies notamment sur le plan psychologique surtout qu’il occupait le poste très prisé de secrétaire général du syndicat des employés du commerce, de l’industrie, des banques et des assurances à Dakar.

Devoir militaire et carrière politique

Connaissant ses devoirs vis-à-vis de sa mère patrie qu’est la France, il s’engage le 1er septembre 1939 comme volontaire dans le 7e régiment des “tirailleurs sénégalais“ des forces françaises libres suivant l’attaque de l’Allemagne nazie contre la France. Il rejoint l’Europe et participe entre autres à la grande offensive contre l’armée allemande du 10 mai 1940.

Il a 43 ans et sa bravoure est récompensée en recevant la distinction de la croix de la France libre. Au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, la France insuffle un vent de “liberté“ politique au sein de ses colonies. Louis-Emile Bigmann-Indjono regagne le Gabon pour participer à la lutte d’émancipation des peuples africains. Il dirige alors la section locale du Rassemblement du peuple français (RPF) du général De Gaulle.

Mais très vite, il se rend compte de la difficulté de faire passer ses idées auprès de l’administration indigène locale. Les chefs Mpongwè qui étaient liés en partie à l’administration coloniale, disent de lui que c’est une marionnette à la solde du pouvoir colonial gaulliste. Par ailleurs, Emile Issembè crée le premier parti autochtone. Dès 1945, il se présente à plusieurs élections sans succès. Durant les législatives, le Moyen-Congo et le Gabon se disputent le seul siège de représentant dans le 2ème collège. Jean-Félix Tchicaya, en désamour total avec le Gabon, remporte cette échéance électorale. Le gabonais n’obtient que 36 maigres voix sur 2 531 votants.

Le sergent-chef gabonais Renaud André Joseph, secrétaire de l’Union sociale gabonaise-AEF installée à Paris, adresse un courrier au lieutenant-gouverneur dans lequel il plaide en faveur du Gabon et de Louis Bigmann pour qu’il n’y ait plus un mais deux sièges car les gabonais sont, selon lui, plus évolués. En 1946, la requête est validée : le Gabon disposera d’un siège. Mais là encore, Louis Bigmann perd face à Jean-Hilaire Aubame.

A la suite de ce revers, il rejoint le Bloc démocratique Gabonais (BDG) de Léon Mba et de Paul Indjendjet-Gondjout. Il occupe au sein du BDG les fonctions de secrétaire administratif puis de 2ème secrétaire général-adjoint de 1957 à 1963. Il est de 1957 à 1961, rédacteur en chef de “L’union gabonaise“. Il est enfin élu pour la première fois de sa carrière politique en 1961 en tant que député de l’Estuaire et devient président de l’Assemblée nationale le 12 février 1961, poste qu’il occupera jusqu’au 25 avril 1964.

Il s’est notamment fait remarquer au moment du coup d’état de 1964 quand, lorsque contacté au téléphone par Albert Bongo, il demandera tout comme Gustave Anguilet à être aussi mis aux arrêts comme les autres membres du gouvernement. Par ailleurs, à la fin de son mandat à l’Assemblée nationale, le président Léon Mba rétablit dans ses fonctions présidentielles par les forces d’intervention de la communauté, lui confie la présidence de la cour suprême du 19 mai 1964 au 7 novembre 1966 tout en ayant été auparavant président de la cour de sûreté de l’Etat en 1963. Pendant cet exercice, il encadre Georges Rawiri et Jean Engone qui deviendront plus tard ministres.

Retraite et disparition

Après 1965, Louis Bigmann se retire de la vie politique mais est souvent au chevet d’Albert Bongo, nouveau président du Gabon et successeur du feu président Léon Mba, en lui prodiguant de temps à autres de précieux conseils. Fatigué et fier du travail accompli, il consacre la majorité de son temps, pendant sa retraite à ses enfants et petits-fils mais aussi à l’écriture en écrivant par exemple la biographie du capitaine “Charles Ntchoréré“. Il tire sa révérence le 18 février 1986 à Libreville. Il était alors âgé de 89 ans.

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