Portrait

Omar Bongo, au bon souvenir d’un tyran gabonais

Omar Bongo, au bon souvenir d’un tyran gabonais
Omar Bongo, au bon souvenir d’un tyran gabonais © 2019 D.R./Info241

Il y a dix ans disparaissait officiellement Omar Bongo à la Clinique Quiron à Barcelone. Alors que l’on célèbre au Gabon celui qui pendant 42 ans régna sans partage -et avec brutalité - sur le Gabon et les gabonais, Info241 propose un portrait non hagiographique du célèbre autocrate gabonais.

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Omar Bongo (qui s’appelait lors Albert) est arrivé officiellement à la tête du Gabon le 02 décembre 1967 après la mort du premier président Léon Mba. S’il s’agit d’une prise de pouvoir « légale », en réalité les gabonais n’ont jamais eu leur mot à dire dans l’arrivée d’Omar Bongo au pouvoir et pour cause ! Seul Léon Mba malade, absent du Gabon et hospitalisé à Paris depuis août 1966 et son colistier Albert Bongo ont été autorisés à se présenter à l’élection présidentielle du 19 mars 1967 !

Omar Bongo et son prédécesseur Leon Mba

Les opposants violemment réprimés se trouvaient soit en prison soit en exil, quand ils n’étaient pas publiquement battus avec des clubs de golf et traînés nus dans les rues de la capitale du Gabon. Le ticket Léon Mba-Albert Bongo obtient donc le score confortable de 100% des voix et Léon Mba meurt le 27 novembre à l’Hôpital Claude Bernard de Paris sans avoir remis les pieds au Gabon.

Au temps du parti unique

Quelques mois après son arrivée au pouvoir, Albert Bernard Bongo décrète le 12 mars 1968 l’instauration du parti unique appelé non sans ironie : Parti démocratique gabonais. Ce projet pourtant n’est pas celui d’Albert Bernard Bongo, mais bien de son prédécesseur Léon Mba qui avait voulu dès 1963 ériger son parti (le Bloc démocratique gabonais – B.D.G.) en parti unique.

Omar Bongo promettait la rénovation du pays

C’est le temps de la « rénovation », une nouvelle ère dans laquelle Albert Bernard Bongo, promet monts et merveilles aux gabonais mais surtout où il est érigé en « être surnaturel » à qui on voue un culte sans limites mais aussi dont on doit non seulement apprendre la pensée mais surtout s’en imprégner en lisant tous les jours le petit livre vert.

Il y a bien des « élections » présidentielles où Bongo « candidat naturel » et « unique » recueille des scores « à la soviet » en 1973, 1979, et 1986. En 1973, excédé par les 110% de voix obtenus Bongo avait même protesté auprès d’un de ses conseillers : «  là je te dis, ils m’énervent vraiment, ils me mettent trop de pour cents ! ». Face au ridicule, le score plus réaliste de 100% sera retenu.

Malgré les nombreuses richesses du Gabon, notamment pétrolières Bongo échoue dans les années 70 et 80 à faire du Gabon « un pays prospère » comme le clamait pourtant les chansons à sa gloire. 80% des gabonais sont exclus du partage des richesses et un peu plus de 3 % de la population – c’est-à-dire la Nomenklatura gabonaise – possèdent plus de 80% du PIB et pour montrer le « bon exemple » Albert devenu entre-temps Omar perçoit à titre personnel 18 % du pétrole du Gabon tout en continuant de « taper dans la caisse » du trésor public !

Bongo, grand prédateur des richesses du Gabon, seul maître à bord déteste les voix discordantes. Il a quand même pris la peine de mettre en garde tous ceux qui oseraient critiquer son régime : « je n’aime pas qu’on me montre du doigt celui qui me montre du doigt je le lui mords et je le lui coupe ». Sur ce plan on peut dire qu’il tenu parole.

Germain Mba, le crime fondateur

Le 18 septembre 1971, Germain Mba ancien Secrétaire Général de l’Union Africaine et Malgache, ancien ambassadeur du Gabon en Allemagne et nouvellement nommé au Japon est assassiné devant sa femme et sa fille à quelques mètres de son domicile de Libreville. Les assassins emportent le corps.

Mba, de son vivant

Formé à Sciences Po, à la Sorbonne et à l’École Nationale des Douanes et de Législation Financière de Neuilly, Germain Mba était leader de l’opposition en exil membre du Mouvement National de la Révolution Gabonaise. Farouchement opposé à Bongo il avait tout de même accepté à la suite de nombreuses médiations de rentrer au Gabon. Nommé conseiller à la Présidence, Bongo déteste ce « marxiste qui veut sa place  » et qui lui est en tous points bien supérieur.

Il demande au célèbre mercenaire Bob Denard qui réside alors au Gabon de « l’aider à résoudre le problème Mba ». Denard accepte et se fait arrêter à Bonn par des policiers Ouest- Allemands alors qu’ils filaient Germain Mba alors ambassadeur du Gabon en Allemagne. Face à cet échec Bongo n’en démord pas il veut son ennemi mort et le plus vite possible ! Denard se rend alors à Paris à la Cellule africaine de l’Elysée et en parle à un collaborateur de Jacques Foccart qui lui répond : « Le fait que vous soyez là prouve à l’évidence que vous désapprouvez cet acte. Quoi qu’il en soit, dites à Bongo que vous m’avez vu et que je vais lui rendre visite la semaine prochaine  ».

Le mercenaire français Bob Denard

Bob Denard a-t-il exécuté l’ordre de Bongo en assassinant Germain Mba ? Certainement. Car la nuit de l’assassinat Denard et son complice se feront arrêter par une patrouille de la Police gabonaise au volant de la 404 Blanche contenant le corps de l’opposant assassiné et seront relâché sur ordre de la Présidence du Gabon et les policiers vertement réprimandés…

Pourquoi Bongo a-t-il fait assassiner Germain Mba ? Par jalousie, certainement et aussi - et peut être même surtout - par crainte d’un dangereux rival car Germain Mba avait annoncé son intention à se présenter à la présidence du parti unique contre Albert Bongo en prélude des élections présidentielles de 1973.

A la suite de Germain Mba, d’autres figures de la contestation seront assassinées : Le poète Ndouna Dépenaud en 1977, Doukakas Nziengui en 1989, Joseph Renjambé Issani en 1990…

Quant à la torture largement répandue au temps du parti unique, elle toujours en vigueur aujourd’hui.

La démocratie violée

En 1990, suite à de nombreuses et violentes contestations, Omar Bongo qui avait échoué à devenir « Roi du Gabon » en 1986 et avait juré que la démocratie ne serait jamais instaurée au Gabon, finit par accepter malgré lui le multipartisme mais entend bien garder le pouvoir.

En 1993, la première élection pluraliste du pays se tient et Omar Bongo organise ce qui reste encore aujourd’hui dans l’histoire du Gabon comme le plus grand coup d’état électoral et pour cause : il s’est déclaré vainqueur (avec 51% des voix) sans attendre les résultats de la province de l’Estuaire, la plus peuplée du Gabon où se trouve la capitale, ce qui représente tout de même la moitié du corps électoral ! Les protestations de Pauline Nyingone gouverneure de la province de l’Estuaire n’y changeront rien, les contestataires seront priés de déposer des recours devant la Cour Constitutionnelle présidée par une maîtresse attitrée de Bongo, Marie Madeleine Mborontsuo. La magistrate singulière validera la victoire d’Omar Bongo avec 51,20 % des voix sans prendre en compte les voix de la province de l’Estuaire et de la capitale du Gabon.

Pauline Nyingone, ancienne gouverneure de la province de l’Estuaire

Le peuple floué descend dans la rue et l’armée réprime sans ménagement, détruit les médias d’opposition, attaque le domicile de l’opposant principal Mba Abessole qui trouve asile à l’ambassade des Etats Unis. Bongo lui demande alors de choisir entre la valise (de billets de banque) ou le cercueil, l’opposant choisit la valise.

En 1998, Omar Bongo se contente d’une fraude plus classique : électeurs multiples, bourrages d’urnes, chiffres fantaisistes même chose en 2005 où petit bémol son élection sera validée par la cour Constitutionnelle présidée par l’inamovible et bienveillante maîtresse Marie Madeleine Mborantsuo qui était en porte à faux avec la Constitution (donc pas en droit de juger) car étant à son troisième mandat en violation des dispositions de l’article 89 de la Constitution du Gabon de l’époque.

Mborantsuo, pièce-maîtresse du régime

Le peuple descend bien sur dans la rue pour réclamer son vote mais l’armée veille au grain et la répression est brutale. Comme en 1994, le siège du parti du principal opposant Pierre Mamboundou est attaqué en Mars 2006 et comme en 1994 Bongo demande à ce nouvel adversaire de choisir entre la valise (de billets de banque) et le cercueil et comme Paul Mba Abessole, Pierre Mamboundou choisit la valise.

Un bilan médiocre

Après 42 ans de règne, Omar Bongo a réussi à faire d’un pays très riche en ressources naturelles avec une faible population un pays pauvre bien que son PIB par habitant soit parmi les plus élevées d’Afrique. « Le miracle gabonais » tant vanté dans les années 70 est devenu un mirage et la « Paix et la Stabilité » du Gabon ne sont pas à porter au crédit d’un Bongo qui n’a jamais pacifié un des rares pays d’Afrique où il n’y a jamais eu de guerre ethnique mais qui s’est toujours présenté comme le seul danger pour la paix car menaçant « de mettre le paquet » pour rester au pouvoir et que si malgré tout on le poussait à partir « on chercherait le Gabon et les gabonais sur la carte du monde  ».

Soutenu par son armée, ses services de sécurité et sa « fortune » issue de la prédation des richesses du Gabon, Omar Bongo a vampirisé le Gabon tout en développant politique clientéliste au lieu et place d’une politique réelle, efficace au service de tous les gabonais. Lors de son dernier discours, Omar Bongo a reconnu l’échec de son œuvre et on dit souvent qu’Omar Bongo n’a rien fait pour le Gabon cela n’est pas exact, en réalité il a fait moins que ça.

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